A la suite de la nomination des ministres du Gouvernement de Dr Choguel Kokalla Maïga, des partis ou regroupements de partis politiques, non contents d’y figurer, exigent l’organisation des élections générales de 2022 à date (présidentielle, en février et législatives, en mars). C’est le cas notamment du PARENA de Tiébilé Dramé qui demande au Gouvernement « d’amorcer l’organisation d’élections régulières et crédibles dans les délais annoncés » ou encore du RPM qui « invite le gouvernement à s’abstenir de toute initiative hasardeuse tendant (…) à prolonger le délai de la transition.
Cette volonté d’aller à tout prix aux élections est aussi perceptible chez une quantité de partis politiques ainsi que des organisations de la Société civile. Cependant ces entités politiques et de la société civile, qui sont en train de s’agiter, savent pertinemment que le temps restant pour boucler la Transition de 18 mois est très insuffisant pour aller à des élections transparentes et libres sur l’ensemble du territoire national. Cela, pour des raisons d’abord sécuritaires (par l’absence notoire de l’Etat au Centre et au Nord mais aussi sur une bonne partie des régions de Ségou, Koulikoro, Kayes, Sikasso), ensuite de réorganisation du découpage territorial et administratif en cours (d’ailleurs très décrié par les populations concernées).
En 2013, le Mali n’était pas totalement libéré de l’invasion terroriste et/ou rebelle. L’armée et l’administration nationales étaient absentes dans une grande partie du nord du pays. Nonobstant cette triste réalité, le diktat de la Communauté dite internationale et notamment de la France a contraint notre pays d’aller aux élections : présidentielle et législatives. La date de la présidentielle ayant même été ostensiblement fixée par François Hollande (le président français d’alors). Il s’en est suivi l’élection d’un président et d’une assemblée nationale. Mais incarnaient-ils vraiment la volonté du peuple ?
En 2018, en dépit de la présence de l’opération Barkhane et la MINUSMA, la situation sécuritaire de notre pays s’est considérablement dégradée sur quasiment l’ensemble du territoire national (absence de l’Etat au Centre et dans bon nombre des circonscriptions électorales du nord). Pour autant, cette même communauté dite internationale avait instruit aux autorités maliennes d’organiser la présidentielle pour avoir en face un exécutif légal (même si celui-ci n’a pas la légitimité populaire). Le président IBK, après avoir remporté une élection controversée, avait rempilé pour un deuxième mandat.
Toutefois, le Mali a basculé dans l’instabilité sociopolitique aux côtés de la crise sécuritaire endémique. Les législatives, pour raisons d’insécurité et de grèves (de magistrats et de personnels des administrations municipales), ont été anticonstitutionnellement reportées à deux reprises. Lorsqu’elles ont lieu, le pouvoir a triché sous la bienveillance de la tutelle internationale. Mais le peuple souverain a pris son destin en main en s’opposant, par des manifestations de rue, au pouvoir illégal et illégitime en place. Cette insurrection populaire a été, in fine, parachevée, le 18 août 2020, par un Putsch militaire. Depuis le Mali est dans l’incertitude sociopolitique !
Devons-nous encore aller à tout prix aux élections générales en 2022 sans avoir résolu les questions sécuritaires et sociopolitiques majeures qui minent le pays ? Les acteurs politiques doivent-ils aller aux élections sans que le pays ne soit doté d’un organe de gestion unique transparent et indépendant du pouvoir ? Même si le fichier électoral n’est pas consensuel et sécurisé ? En s’alarmant contre une éventuelle prolongation de la Transition, le PARENA et le RPM n’affichent-ils pas visiblement une hypocrisie cauteleuse ?
De toute façon, la situation sécuritaire exécrable et politique fluctuante de notre pays recommande certainement d’éviter de répéter les mêmes « bêtises ». Les autorités de la Transition doivent donc œuvrer de ne pas tomber dans les mêmes travers, en ne bâclant pas, cette fois-ci, l’organisation des élections en vue. Pour ce faire, elles doivent être de raison en retenant toutes les leçons du passé récent. Sinon très certainement, les mêmes causes vont forcément reproduire les mêmes effets. Ce dont aucun malien patriote ne voudra. Le Mali doit obligatoirement se sortir du cycle de l’instabilité sociopolitique !
Gaoussou Madani Traoré
Source : Le Pélican