Les élections législatives divisent la classe politique et la société civile. Ils sont nombreux les leaders et/ou partis politiques à s’insurger contre la tenue des législatives, annoncées pour le 29 mars prochain. Les raisons évoquées ? L’insécurité sur les 2/3 du territoire national, l’impréparation, le manque de consensus sur le fichier électoral…
En effet, des voix s’élèvent au sein de la classe politique pour dénoncer ou émettre des réserves sur l’organisation des législatives prochaines.
Ainsi, le parti ADEPM, dans un communiqué, daté du 25 février 2020, interpelle la Cour constitutionnelle sur de la tenue du scrutin dans un contexte sécuritaire dégradé. Or, cette même Cour avait qualifié, en 2017, l’insécurité de résiduelle, lors des débats sur la tenue du référendum. Cette situation sécuritaire dans le pays s’est-il améliorée de 2017 à maintenant ?
L’Adepm indique dans sa déclaration que : « Le Mali a enregistré 1868 mort dans la seule année de 2019 mais malgré tout, la Cour constitutionnelle se tue sur cette situation catastrophique pour se référer uniquement sur la validation des listes. La Cour constitutionnelle viole la constitution en validant ces listes sans tenir compte de la caducité de la loi portant élection des députés et de la violation de la loi No 2012-017 portant création des circonscriptions administratives en République du Mali et de la loi no2012-018 portant création des arrondissements et cercles des régions de Tombouctou, Taoudéni, Ménaka, Gao et Kidal».
De son côté, Oumar Mariko, président du Sadi, lors d’une conférence de presse, a demandé le report des élections législatives. En outre, il a précisé que si les élections se tenaient dans de telles conditions, ce serait « catastrophique pour la démocratie malienne » et les députés qui en seront issues n’auront pas la légitimité requise pour parler au nom du peuple qu’ils sont censés représenter. Ainsi, pour éviter le chaos, Dr Mariko propose une série de mesures au gouvernement, qui sont, entre autres, le report des élections législatives suivi de la dissolution de l’Assemblée nationale, dont la conséquence serait de légiférer par ordonnance pendant une période de six à dix-huit mois. Pendant cette période, le pays sera doté d’une nouvelle Constitution, celle qui permettrait de passer à une nouvelle République, c’est à dire la quatrième.
Dans un communiqué en date du 24 janvier 2020, le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) fait part de ses griefs sur la tenue des législatives. Pour le FSD, la convocation du collège électoral sans les réformes législatives nécessaires et la correction des tares du système électoral est une volonté manifeste du gouvernement et sa majorité d’orchestrer un hold-up électoral. «Il s’agit donc, ni plus ni moins pour le Gouvernement et sa majorité, de procéder par malice, en prenant comme prétexte les résolutions du Dialogue national inclusif pour répéter le hold-up électoral perpétré déjà lors de l’élection présidentielle de 2018. Un tel projet est évidemment porteur des germes d’une crise électorale dont notre pays n’a nullement besoin aujourd’hui. Le FSD réaffirme sa volonté de prendre part aux élections législatives et tient le gouvernement pour responsable de toute crise pré ou post-électorale pouvant survenir en raison de la persistance des déficiences à l’origine des précédents reports», indique le président du FSD, Soumaïla Cissé.
Quant au Fare de l’ancien premier ministre, Modibo Sidibé, il estime que le contexte sécuritaire délicat est non favorable à la tenue d’élections transparentes : « Il revient de constater que le DNI n’a été qu’un travestissement bien monté par le pouvoir pour qu’il endosse les dispositions de l’Accord politique de gouvernance signé le 2 mai 2019, notamment, celle de la tenue immédiate des élections législatives sans les modifications nécessaires de la loi électorale en cours, et cela dans l’unique but d’avoir une majorité mécanique à l’Assemblé Nationale pour arriver à ces fins : la mise en œuvre de l’Accord pour la paix issu du processus d’Alger (APR). On remarquera que les déclarations et les démarches du président de la République et de celles du gouvernement n’ont été que malice et duperie du peuple ».
« Conscient de la gravité de la situation sécuritaire au Nord, au Centre, et son glissement vers le Sud, de l’absence de l’administration dans plusieurs localités et de l’obsolescence de la loi électorale, le parti FARE demeure convaincu que les élections législatives programmées ne sont qu’une mascarade qui pourrait conduire à une nouvelle crise postélectorale dont la responsabilité du Gouvernement serait entière », déclare les Fares.
De son côté, le CNID va plus loin dans le rejet de ces élections à venir. En effet, le parti de Me Mountaga Tall a saisi la Cour constitutionnelle à travers une requête pour demander l’annulation du décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral. Motif ? Il viole, selon le CNID-FYT, les dispositions des articles 86 et 158 nouveaux de la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi électorale en République du Mali.
A titre de rappel, l’article 86 nouveaux de la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi électorale en République du Mali stipule que : « les électeurs sont convoqués et la date du scrutin est fixée par décret pris en conseil des ministres et publié au journal officiel 60 jours au moins avant la date des élections ».
Son 1er alinéa précise qu’« en cas de nécessité, il peut être procédé à la convocation des collèges électoraux à des dates différentes pour les élections communales. Dans ce cas, les élections se dérouleront le même jour au niveau de l’ensemble des communes comprise dans une ou plusieurs régions ».
Ce qui selon le parti du soleil levant contraste avec les dispositions du décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection des députés à l’Assemblée Nationale, qui stipule que « le collège électoral est convoqué sur toute l’étendue du territoire nationale ».
D’après le CNID, l’élection des députés ne concerne pas toutes les circonscriptions électorales. Dans la mesure, dit-on au CNID, où des circonscriptions dûment créées par la Loi, qui constituent aussi des circonscriptions électorales, ont été exclues. Il faut à ce niveau rappeler que le gouvernement a prévu d’organiser les élections législatives sur la base des anciennes circonscriptions électorales. Ce qui reste inacceptable aux yeux du parti. En conséquence, le Comité directeur du CNID demande à la Cour Constitutionnelle l’annulation pure et simple de l’élection législative prévue par le décret n°2020-0010/P-RM du 22 janvier 2020 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale à l’occasion de l’élection des députés.
Mémé Sanogo
Source : L’aube