D’outsider, sinon un gros outsider à la présidentielle de 2018, Aliou Boubacar Diallo, le candidat de l’ADP-Maliba, apparait comme un sérieux challenger, sinon l’homme à abattre pour la prochaine compétition présidentielle 2022.
Celui qui était arrivé étonnant troisième en talonnant Soumaïla Cissé, le défunt président de l’URD, avait créé la surprise à la présidentielle de 2018, en damant le pion à des politiques, considérés comme plus rodés et occupant depuis des lustres l’espace « présidentiable » du landernau malien.
L’homme d’affaires, considéré comme le Sua Emitenza, le Silvio Berlusconi malien, avait fait comme ce dernier, irruption presqu’à la dernière minute dans le jeu politique en tenant la dragée haute au personnel politique lors de la présidentielle de 2018.
Certes, considérablement discrédité et usé par les multiples crises, mais davantage par des modèles de gestion et de pratiques, où le clientélisme et l’enrichissement des élites l’emportaient sur les convictions.
Mais le processus de l’avènement d’une formation nouvelle, l’ADP-Maliba et de son leader, est néanmoins une maturation. De fait, l’ancien patron de la société minière, Wassoul’Or, est un des premiers soutiens de l’ex-président Ibrahim Boubacar Kéita, dans le sillage de son mentor, le Guide religieux M’Bouillé Haïdara, le puissant Chérif des Hamallistes.
Aux législatives de fin 2013, la formation d’obédience hamalliste, l’ADP-Maliba, avait raflé quelques sièges de députés, certes par le jeu des alliances avec des formations classiques, mais davantage par le soutien appuyé du Chérif de Nioro. Mais l’homme d’affaires a vite pris ses distances avec le régime.
Aliou Boubacar Diallo ne se faisait alors pas prier pour dénoncer des pratiques de clientélisme aboutissant à l’exclusion de nombre d’opérateurs de l’attribution des marchés publics au profit d’une classe de nouveaux riches, dont le mérite, à ses yeux, relevait de sa proximité avec le fils de l’ancien président.
Cette prise de position et les critiques de plus en plus assumées de l’homme d’affaires lui vaudront un harcèlement systématique et des convocations répétées au pôle économique pour des soupçons de délits financiers et fiscaux jusqu’alors non avérés. Cet affrontement à fleurets mouchetés avec celui dont il a été un puissant allié, à travers son appartenance à l’obédience hamalliste, a contribué à forger une ambition d’alternance qui s’exprimera avec une surprenante troisième place.
Sans renier son opposition au pouvoir en place, Aliou Boubacar Diallo est resté en périphérie de la contestation populaire, même si l’ADP-Maliba, sa formation, a réagi contre plusieurs abus du pouvoir en place, notamment lors de la contestation des résultats électoraux des dernières législatives de l’ère IBK, et refusé de s’associer à toute initiative de gouvernement au plus fort de la crise.
L’ADP-Maliba et Aliou Boubacar Diallo iront jusqu’à demander au président déchu d’écouter son opposition afin de trouver une issue à la crise. Au demeurant, le parti, sous la houlette de Youba Bah et son leader, a dénoncé les tueries et exigé une enquête indépendante et la punition des coupables.
On se serait attendu à une certaine truculence propre aux personnalités issues du milieu d’affaires. Mais le patron de l’ADP-Maliba semble s’éloigner de ce cliché. Au contraire de Seydou Coulibaly, l’un des prétendants à Koulouba, avec qui il va en découdre certainement, Aliou Boubacar Diallo ne draine de réputation que celle en rapport avec sa manière de faire les affaires et peut s’enorgueillir d’être exonéré de toute accusation de prédations des ressources publiques.
Mieux, le leader de l’ADP-Maliba cultive le contraste saisissant avec le satrape des avenants des marchés publics sur le plan des investissements sociaux. En effet, Aliou Boubacar Diallo a la réputation de donner sans compter dans les œuvres sociales, à travers forages, appuis matériels et financiers aux centres de santé de la première région.
Au-delà de la compassion et surtout de l’appui apporté lors d’un récent évènement social à Kayes (les concernés ne voudront certainement pas qu’on en dise plus !), l’homme d’affaires a procédé à la dotation en électricité de lieux de cultes. Mais le candidat de l’ADP-Maliba a saisis une solide réputation de générosité, avec l’avion affrété pour amener les supporters des Aigles à Yaoundé lors de la finale du dernier Chan 2021, où le Mali affrontait le Maroc en finale.
Un remake de l’opération consistant à mettre à la disposition du président Bissau-guinéen, Umaro Sissoco Embalo, un avion, afin de lui permettre d’assister à la prestation de serment du Colonel Bah N’Daw, comme nouveau président de la Transition malienne.
Certes, il est difficile de faire le portrait d’Aliou Boubacar Diallo, en omettant son obédience au puissant courant hamalliste qui constitue un électorat solide. Pourtant, celui qui apparait comme le fils spirituel du Chérif de Nioro ne peut guère être considéré comme un candidat de la mouvance religieuse et dont il est très éloigné du radicalisme ambiant, tout autant qu’il n’a jamais pris part aux raouts politico-religieux qui ont fini par avoir raison de l’ancien régime.
Aliou Boubacar dispose d’un parcours, certes atypique, et relativement jeune mesuré à l’aune de l’échiquier. Pourtant, à l’orée de 2022, il faut certainement compter sur une expérience des joutes politiques et des campagnes à la dimension nationale.
Et pour l’histoire, on retient que c’est parce que Aliou Boubacar Diallo se tenait en embuscade pour s’engager sur le ring que le défunt chef de file de l’opposition avait finalement accepté d’aller au second tour d’une présidentielle de 2018, dont il avait vivement contesté les résultats du premier tour, et avait été tenté de boycotter la suite.
Moussa Touré
Source : Nouvelle Libération