Jadis considéré comme pays de grands empires, de vaillants guerriers, avec une organisation étatique et des valeurs de civilisation qui ont brillé de mille feux sous tous les firmaments du monde, le Mali de Soundiata Keita est devenu aujourd’hui la risée du monde. En proie aux attaques terroristes et à un irrédentisme de mauvais aloi entretenu par un groupuscule minoritaire, le Mali est sur le point de s’effondrer. Il bat aujourd’hui le record en coups d’Etat dans la sous-région, soit cinq au total dont le plus récent a été perpétré le lundi 24 mai 2021. Cet énième coup de force a non seulement terni l’image de notre armée, qui passe aujourd’hui pour une armée beaucoup plus politisée et assoiffée du pouvoir, mais aussi et surtout a jeté l’opprobre sur la classe politique, plus portée à chercher des strapontins que de défendre les valeurs de la démocratie et de la République. La communauté internationale va-t-elle continuer à être complaisante envers la junte militaire qui a décidé de garder le pouvoir ? Le peuple malien va-t-il s’accommoder d’une énième humiliation alors même qu’il a la capacité de dire non et de préserver sa démocratie chèrement acquise ?
Nous ne le dirons jamais assez, ce cinquième coup de force perpétré par des éléments de l’armée malienne, était un coup de trop, surtout dans un pays en guerre, où des fils d’autres nations ont accepté de venir mourir chez nous. Assimi Goita et ses compagnons d’infortunes auront désormais sur leur conscience l’idée d’avoir contribué à la déliquescence du Mali. Leur coup d’Etat va indubitablement précipiter le pays dans un abyssal abîme au grand dam du peuple. Cet énième coup d’Etat est non seulement venu sonner le glas de notre démocratie acquise au prix d’énormes sacrifices, mais aussi et surtout, il vient de prouver que l’armée malienne n’est pas prête à s’éloigner de la scène politique et que sa mission régalienne qui est la défense de l’intégrité territoriale et la sécurisation des personnes et de leurs biens est son dernier souci.
Pour rappel, après le coup d’Etat du 18 Août 2020 contre IBK, la junte militaire auteure du putsch avait accepté sous la pression de la CEDEAO de nommer un Président et un premier ministre civils, tout en gardant la vice-présidence et en occupant tous les postes stratégiques et /ou juteux du gouvernement et au sein des directions et services centraux de l’Etat. En plus de la militarisation à outrance de l’administration, Assimi Goita et ses compagnons d’infortunes, disposant des armes, ont fait planer sur la tête du Président et du premier ministre l’épée de Damoclès pendant neuf mois les empêchant de travailler et quand ces deux ont voulu s’affranchir de leur tutelle ils les ont arrêtés sous le prétexte fallacieux qu’ils étaient de mèche avec la France pour trahir le Mali.
Après avoir neutralisé les deux têtes de l’exécutif, Assimi Goita est parvenu à ses fins en mettant en exécution son machiavélique agenda, celui de diriger à tout prix la transition. Il s’est accaparé du pouvoir en violation de la charte de la transition et la Constitution et cela au grand dam de tous les démocrates et républicains. Ce qui est aberrant, c’est la timide ou pas de réaction de la classe politique, excepté Moussa Mara et Housseini Amion Guindo qui ont condamné sans ambages le putsch. Doit-on rester bras croisé et être complice de la mise à mort de la démocratie ? Assimi Goita mesure-t-il les conséquences de son acte surtout dans un pays en guerre comme le Mali ? La communauté internationale va-t-elle continuer dans sa complaisante condamnation de forme sans aucune autre mesure coercitive obligeant les putschistes à rendre le pouvoir aux civils ? Voici des questions auxquelles beaucoup d’observateurs de la scène politique malienne attendent des réponses concrètes. D’ores et déjà, l’homme fort du moment Assimi Goita a commencé à s’installer dans le fauteuil qu’il n’a eu de cesse convoiter depuis le 18 Août 2020, en prenant certaines décisions comme l’abrogation de cinq décrets de nomination et en commençant ses rencontres avec la classe politique et la société civile, afin d’aboutir à un schéma de gestion du pouvoir. En tous les cas, la classe politique malienne joue sa dernière crédibilité, elle qui s’est morfondue dans la complaisance ou dans des calculs de positionnement politique en cautionnant de façon tacite le coup d’Etat. Elle, dont le souci premier de ses leaders est d’avoir des strapontins quel que soit le prix. Quant à la junte, elle doit comprendre que dans un monde globalisé où les intérêts sont liés en d’autres termes dans une communauté de destin, le coup d’Etat n’a aucune chance de prospérer, donc qu’elle accepte de rentrer dans les casernes en laissant les civils diriger la transition. Dans le cas contraire, elle s’expose à des sanctions pouvant la conduire à la CPI et expose également le Mali qui ne pourrait plus supporter un embargo.
En somme, le monde se moque de nous et de notre armée qui est en passe de battre le record du monde en coups d’Etat. Ayez pitié du Mali mes COLONELS.
Youssouf Sissoko
Source : Inf@sept