L’union pour la République et la Démocratie (URD), le parti de Soumaïla Cissé, a organisé, le jeudi 2 juillet dernier, un rassemblement pour la libération de son leader. Le chef de file de l’opposition a disparu depuis plus de 100 jours. En effet, le 25 mars, alors qu’il était en campagne électorale pour les législatives, le candidat a été enlevé par des hommes armés, mais son rapt n’a jamais été revendiqué. A Bamako et à l’extérieur, ses proches et soutiens politiques se mobilisent pour sa libération et réclament toujours plus d’implication des autorités.
Cela fait pratiquement plus de t trois mois que le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, a été enlevé le 25 mars dernier par un groupe d’individus armés dans la région de Tombouctou alors qu’il était en campagne pour les législatives de mars et avril derniers. Mais, à ce jour, aucun groupe n’a ouvertement revendiqué le rapt. Un silence qui inquiète de plus en plus.
Aussi, plusieurs rassemblements et manifestations ont eu lieu pour réclamer sa libération et plus d’implication des autorités. La dernière manifestation en date (jeudi dernier) a réuni plusieurs centaines de personnalités politiques et des militants de tous bords. Ce rassemblement a réuni aussi bien des membres de l’opposition que de la majorité présidentielle. Cependant, la manifestation est venue rappeler l’acuité de la situation sécuritaire et l’impuissance du pouvoir à obtenir la libération de M. Cissé, un des mots d’ordre des protestations de juin. Sur le plan international, la mobilisation est aussi d’ampleur. Plusieurs personnalités africaines et de la diaspora, hommes politiques, intellectuels, membres de la société civile, appellent à sa libération sans condition
Ainsi, une centaine de personnalités africaines ont appelé dans une pétition à sa libération. Pour ses amis et soutiens, Soumaïla Cissé, peut être détenu dans des » conditions difficiles et inacceptables : « La santé et la vie de Mr Soumaïla Cissé sont exposées de façon dangereuse, ce, depuis son enlèvement. Depuis le début de la crise sécuritaire que traverse le Mali, l’enlèvement d’une personnalité d’une telle envergure est unique et sans précèdent », écrivent-t- ils dans leur pétition.
Autre appel à sa libération, dans une tribune, onze personnalités, dont deux anciens Premiers ministres du Burkina Faso et du Sénégal, lancent un appel à « tout faire pour obtenir sa libération ». Ils estiment que « le sort du Mali est lié à celui de Soumaïla Cissé » : « Nous pouvons également témoigner que Soumaïla incarne ce qu’il y a de meilleur dans la méritocratie et la promotion par l’école et le travail, ayant été sélectionné comme l’un des plus brillants étudiants de l’Université de Dakar et bénéficiaire à ce titre d’une bourse pour poursuivre ses études en France où il termina major de sa promotion à l’Institut des Sciences de l’ingénieur de Montpellier. Son début de carrière en France est également impressionnant : IBM, Pechiney, Thomson…, avant de rentrer au pays pour le servir.
Ce parcours exemplaire doit inciter chacun à tout faire pour obtenir sa libération. Le Mali et l’Afrique ont besoin de Soumaïla Cissé ; il serait criminel de l’abandonner. C’est bien plus que son sort qui est en jeu. C’est la vie publique du Mali, son processus démocratique, le fonctionnement de l’État et l’avenir d’un pays qui a tant besoin de dirigeants de son calibre. », affirment les signataires de la tribune.
Pour sa part, l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, le Parlement panafricain et l’Union parlementaire africaine lancent un appel aux autorités maliennes et aux forces de maintien de la paix comme la Minusma et Barkhane, afin qu’elles multiplient leurs efforts pour sa libération. A ce effet, les parlementaires invitent « Les plus hautes autorités maliennes ainsi que celles de la sous-région et du continent à une forte mobilisation et à accentuer leurs efforts pour la libération de Soumaila Cissé ; Les forces de maintien de la paix – notamment la MINUSMA, l’opération Barkhane et tous les partenaires sécuritaires du Mali – à mettre tout en œuvre pour accompagner et faciliter le retour rapide et en bonne santé de Monsieur Soumaïla Cissé auprès des siens ; Enfin, toutes les bonnes volontés qui peuvent jouer un rôle à œuvrer en concertation avec les autorités en charge du dossier pour un dénouement heureux et prompt de cette situation. »
“L’enlèvement de Soumaïla Cissé risque de créer des précédents graves et préjudiciables à l’entrave de l’exercice de parlementaires ou bien d’hommes politiques. Je souhaite vivement que les autorités maliennes puissent s’investir davantage pour la libération de Soumaïla Cissé dont la famille doit vivre des moments très difficiles actuellement”, affirme Roger Nkodo Dang, président du Parlement panafricain.
L’ex-ministre guinéen de la Justice, Cheick Sako, qui a démissionné de ses fonctions le 20 mai 2019, espère ainsi que cet appel va inciter les autorités maliennes à s’occuper plus sérieusement du dossier. :“Si c’était quelqu’un de la majorité, ils s’en seraient plus préoccupés. Ce qui est un peu regrettable. Donc, on espère que cet appel va faire bouger les autorités maliennes et au-delà, d’autres autorités, d’autres pays”, affirme-t-il.
Même le pasteur baptiste américain Jesse Jackson, a appelé à sa libération dans un message personnel adressé au Président IBK.
“J’exhorte S.E. Ibrahim Boubacar Keita, président de la République du Mali, les leaders communautaires et religieux, à travailler ensemble et à redoubler d’efforts afin d’obtenir la libération pacifique de M. Cissé”, écrit le militant des droits civiques aux Etats-Unis.
Les autorités pontées du doigt
Le gouvernement s’avoue préoccuper par l’enlèvement de la principale figure de l’opposition parlementaire. Soumaïla Cissé est en vie”. C’est l’annonce faite par le président Ibrahim Boubacar Keïta le 16 juin dernier.
IBK révèle aussi que les autorités détiennent des “preuves de vie”. “Nous connaissons ses ravisseurs. Et s’il plaît à Dieu, il reviendra bientôt”, a dit le chef de l’Etat devant des responsables et des membres de la société civile. Toutefois, cette déclaration ne semble pas satisfaire tout le monde aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Pour Mohamed Amara, sociologue : “Ces preuves de vie arrivent malheureusement trop tard et le point de non-retour a été atteint. Loin de rassurer, cela a plutôt accentué le climat de suspicion. Aujourd’hui les Maliens ont besoin de choses concrètes et visibles, ils ne croient plus les politiques. Si ces preuves de vie existent, alors il faut les montrer. Pour le moment ça reste du discours”, déplore le sociologue. Même scepticisme de la part de Nicolas Tiangaye, ancien premier ministre centrafricain, selon lui, “même si les autorités maliennes font quelque chose, nous souhaiterions qu’elles en fassent davantage, en terme de mobilisation de moyens, pour que Soumaïla Cissé puisse être libéré.”
Une plus grande Implication de la communauté internationale
Pour espérer obtenir la libération du chef de file de l’opposition, le constitutionnaliste béninois Robert Dossou invite la communauté internationale à s’impliquer plus dans cette affaire. L’ancien bâtonnier de l’ordre des avocats du Bénin, Me Robert Dossou qui est aussi l’un des acteurs clés de la Conférence nationale des forces vives de la Nation de février 1990, estime que “les Américains peuvent aider. Les Français aussi peuvent venir en aide au gouvernement. Je crois qu’il faut mobiliser l’opinion publique pour qu’au moins une clarté arrive dans ce dossier. Qu’on nous rassure que quelque chose bouge. Sinon, nous serons tous exposés à des enlèvements de ce genre.”
Réponse de Mahamat Saleh Annadif, le patron de la Minusma : “la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali s’est mobilisée dès les premières heures de l’enlèvement de Soumaïla Cissé pour aider à obtenir sa libération. À cet effet, nous sommes en contact avec les autorités maliennes dans l’espoir d’une issue heureuse de cette affaire.”
Dans une lettre adressée au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la France, Jean-Yves Le Drian, le lundi 1er juin, e Sénateur français, Damien Regnard, attire l’attention des autorités françaises sur l’enlèvement de Soumaila Cissé, depuis le 25 mars 2020.
« Le 25 mars dernier, le leader de l’opposition malienne Soumaila Cissé a été enlevé. Cela fait désormais plus de soixante jours que l’on est sans nouvelles ni preuves de vie. Plus de soixante jours que rien ou presque ne filtre des négociations menées pour obtenir sa libération. Plus de soixante jours que nous attendons une mobilisation forte de la France et de la Communauté internationale », exprime-t-il.
Pour le Sénateur français Regnard, qui dit avoir une pensée pieuse pour son épouse et ses enfants, cette situation est particulièrement inquiétante pour le peuple malien, mais aussi pour l’avenir de cette région particulièrement sensible.
Selon lui, avec la force Barkhane, la France s’est toujours tenue fièrement aux cotés de ce pays ami pour combattre les djihadistes dans cette région.
« La France a le devoir de faire entendre sa voix, cette voix singulière qui porte dans le monde. Monsieur le ministre, aujourd’hui plus que jamais, la France doit tout mettre en œuvre pour obtenir la libération de Soumaila Cissé », plaide le Sénateur français Damien Regnard.
Mémé Sanogo
Source : L’aube