Enquête – Mali-France : Jean-Yves Le Drian, VRP breton auprès d’IBK (2/2)

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Jean-Yves Le Drian (c.), son fils Thomas (g.) et l'ex-président malien Ibrahim Boubacar Keïta (d.). © Photomontage : JA
Jean-Yves Le Drian (c.), son fils Thomas (g.) et l'ex-président malien Ibrahim Boubacar Keïta (d.). © Photomontage : JA

« Jean-Yves Le Drian – Business, famille, patrie » (2/2). En 2015, une entreprise basée en Bretagne, la région d’origine de l’actuel ministre français des Affaires étrangères, obtenait le marché de la fabrication des passeports biométriques au Mali. Selon plusieurs sources, elle aurait bénéficié du soutien actif de celui qui était alors ministre de la Défense.

Dans le milieu des affaires, chez les grands industriels français et les géants de l’armement, Jean-Yves Le Drian est une valeur sûre. Et pour cause : la vente d’armes, il s’y prépare depuis 2006. À l’époque, la gauche n’est pas encore au pouvoir, et Ségolène Royal s’apprête à affronter Nicolas Sarkozy. Le Breton vient de décider de ne pas se présenter de nouveau aux législatives de 2007 et de se consacrer à sa région.

Mais l’ancien secrétaire d’État à la Mer n’entend pas se couper de Paris. Lors d’un déjeuner – « Chez Françoise », près de l’Assemblée nationale – avec Cédric Lewandowski, conseiller au Parti socialiste qui deviendra son directeur de cabinet, Le Drian évoque la nécessité de rester attentif à des opportunités gouvernementales. Lewandowski – franc–maçon du Grand Orient comme son futur patron – suggère la Défense. Le Breton, qui a commencé à travailler en tant que député au sein de la commission Défense de l’Assemblée dès 1978, acquiesce.

Pour l’ancien maire de Lorient, le domaine militaire est une évidence. Né dans cette ville d’après-guerre en ruines, il s’est formé politiquement au sein de la Jeunesse ouvrière chrétienne, dont ses parents sont militants, et a grandi au contact de l’arsenal de la ville, qui a longtemps produit les navires de combat de la République française.

Réseau

La guerre et l’industrie. En 2006, ces deux piliers deviennent l’alpha et l’oméga de son ambition ministérielle, que quatre hommes se chargent de concrétiser : Lewandowski, évidemment, l’énarque François Roussely, son futur conseiller spécial Jean-Claude Mallet (aujourd’hui directeur des affaires politiques chez Total) et l’ancien officier de l’armée de terre Jean-Michel Palagos.

Ce groupe, baptisé Sémaphore, prépare officiellement les éléments de langage de la candidate Royal sur la défense. Mais il travaille en réalité pour Le Drian, qui multiplie déjà les rencontres avec les industriels et les militaires. Cela paie : en 2007, le Breton est appelé par Nicolas Sarkozy, qui a battu Royal, et travaille à un gouvernement d’ouverture. Le socialiste refuse. Il patientera cinq ans de plus, jusqu’à l’élection de François Hollande.

Mais le travail de Sémaphore, qui se réunit environ une fois par mois autour d’une bonne table durant le quinquennat de Sarkozy, a porté ses fruits. De l’avis de tous, Le Drian est devenu l’un des meilleurs connaisseurs du système militaro-industriel français, en particulier au sein d’une gauche française où l’utopie antimilitariste a encore ses adeptes.

Grâce à son Comité ministériel des exportations de défense (Comed, piloté par Lewandowski), il fait passer le montant des ventes d’armes françaises de 4,8 à 16 milliards d’euros lors de ses trois premières années à l’Hôtel de Brienne (« Le Phénomène Le Drian », Les Éditions du coin de la rue, 2016). Pour les industriels de la défense, le VRP breton fait figure de champion. Un statut largement assumé par l’intéressé, qu’il a continué à endosser après son passage à l’Europe et aux Affaires étrangères, en 2017, où il a embrassé sans rechigner le concept de « diplomatie économique » vanté par l’un de ses prédécesseurs, Laurent Fabius.

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