On serait surpris du classement des fortunes et des riches au Mali. En effet, elle ne vient ni du travail, ni de la famille. Nos plus riches sont les moins travailleurs et surtout, les plus invisibles aux yeux des impôts.
«La richesse est un voile qui couvre bien des plaies». Au vu des grandes fortunes inexplicables au Mali, l’adage tient bien. En effet, la vérité absolue est que le travail est source de richesse. Mais, si, certains richards maliens peuvent effectivement dire que ce qu’ils font est du travail, le fait que ce n’est ni codifié ni pris en compte par les impôts amène à se poser des questions.
Les Marabouts
Selon les données auxquelles nous avons eu accès, il ne s’agit pas de petits marabouts ayant élu domicile aux flancs des collines et détroussant de bonnes ménagères de ce qu’elles grappillent sur les frais de condiments pour mieux mettre leur mari sous les aisselles ou faire partir la concurrente. Nous avons au Mali des marabouts riches au milliard !
«Ce n’est pas étonnant, explique un politologue. Les marabouts sont devenus les compagnons de tous les politiciens. C’est cela un grand paradoxe de notre société : quelqu’un est allé étudier toutes les sciences, a l’esprit cartésien, mais, oublie tout et s’abandonne aux mains d’un marabout. Eux ont compris, et de plus en plus, préfèrent rouler carrosse plutôt que d’afficher une mine d’ascèse qui ne fait plus recette. Plus vous êtes bien habillé, bien véhiculé et bien logé, plus vous donnez la preuve que vos prescriptions sont bonnes».
En tout cas, selon les banques, le phénomène mérite d’être souligné : parmi les gros déposants des personnes qui ont sur leur papier, profession marabout, et qui ne justifie de rien d’autres, sauf à avoir veillé et prié pour régler le problème d’une autre personne.
«Dans les livres des banques au Mali, vous trouverez au moins une vingtaine de marabouts dont les dépôts frôlent ou dépassent le milliard. La seule question que l’on se pose est de savoir comment ils font ? Certains vous déposent dans les 50 millions en une seule opération, sans sourciller. C’est à se reconvertir !», ajoute notre interlocuteur, un banquier. Selon lui, toutes les banques du Mali ont aménagé aujourd’hui des espaces VIP, pour justement les soustraire du regard des envieux et autres petits déposants.
Aujourd’hui, au Mali, les marabouts comptent parmi les plus riches. Ils ont la différence que, au moins, ils ne gèrent aucun fonds public, donc, moins assujettis à une redevabilité. «Il y en a qui escroquent, mais, au moins ils n’appellent personne», affirme un interlocuteur.
Les griots
Le griot a le pouvoir de la parole. Il est en effet l’artisan du verbe, généalogiste… Il est le chantre, le héraut de la société mandingue, et par la même son influence sur ladite société apparaît évidente. Dès lors, parler de musique et de pouvoir à propos des griots, c’est d’abord évoquer le pouvoir du griot à travers sa musique, un pouvoir exercé sur ceux qui l’écoutent, c’est-à-dire toute la société mandingue, à des degrés différents selon les échelons de la hiérarchie sociale. Ce pouvoir du griot, aujourd’hui, est devenu monétaire.
Il est vrai que de plus en plus se fait une démarcation entre griots et artistes, même si les premiers préfèrent leur titre de griot. Il est plus lucratif. En effet, eux également ne sont répertoriés nulle part au niveau du fisc. Ils sont devenus très riches et se font même situer au niveau de travail informel, ou même certains se disent chômeurs. «Je connais des personnes de caste qui ont arrêté leur travail de fonctionnaire pour se consacrer exclusivement à la profession de chanter les louanges de ceux qui ont l’argent».
Les politiques
Au sens noble du terme, la politique désigne ce qui est relatif à l’organisation ou autogestion d’une cité ou d’un État et à l’exercice du pouvoir dans une société organisée. La politique porte sur les actions, l’équilibre, le développement interne ou externe de cette société, ses rapports internes et ses rapports à d’autres ensembles. La politique est donc principalement ce qui a trait au collectif, à une somme d’individualités et/ou de multiplicités. C’est dans cette optique que les études politiques ou la science politique s’élargissent à tous les domaines d’une société (économie, droit, sociologie, etc.). L’art de la politique se réfère donc à la pratique du pouvoir, soit aux luttes de pouvoir et de représentativité entre des hommes et femmes de pouvoir, et aux différents partis politiques auxquels ils peuvent appartenir, tout comme à la gestion de ce même pouvoir.
Le principe veut que s’investissent en politique ceux qui ont déjà fait leurs preuves dans la vie civile, qui ont réussi par leur travail et leur créativité. Seulement, sous nos tropiques, au Mali surtout, il existe des gens riches, qui ne revendiquent autres sources de revenus que des activités politiques. Au Mali, on devient riche en devenant homme politique. Et il existe des hommes politiques qui n’ont jamais appris à utiliser leurs dix doigts.
Les hommes politiques sont riches et ne peuvent aucunement justifier leur fortune. L’adage populaire dit que derrière toute fortune existe une histoire sombre. Dans le cas des hommes politique, cela est pire et va au-delà de l’imaginable.
Les fonctionnaires
Le Mali présente cette bizarrerie : l’Etat est pauvre, ses serviteurs sont riches. Ceux qui font le choix de devenir des fonctionnaires sont normalement ceux qui ont une haute idée de l’Etat, qui décident de la servir, voulant renoncer ainsi à devenir comme Crésus, en allant au privé.
Au Mali, cela ne fonctionne pas de cette façon. «C’est seulement au Mali qu’on rencontre des fonctionnaires milliardaires. Ils sont nombreux à posséder des chantiers ici à la Cité du Niger, et e viennent que nuitamment voir l’évolution de leur chantier», affirme un gardien à la Cité du Niger, là où le m2 coûte les yeux de la tête.
Un banquier ajoute : «Le BTP est le domaine où il y a le plus de recyclage de l’argent détourné par les fonctionnaires. Généralement, on dit que quand le bâtiment va, tout va, ce n’est pas le cas au Mali. Vous voyez pousser des building, financés sur fonds propres, en tout cas, sans que rien ne passe par la banque».
Les fonctionnaires maliens, en tout cas, à certains niveaux, sont riches. D’ailleurs, la croisade menée actuellement contre une structure comme l’Office central de Lutte Contre l’Enrichissement illicite (Oclei) par les syndicalistes, explique clairement les desseins et les visées à ce niveau.
L’Etat aveugle, sourd, muet
Dépendant des chefs d’Etat et des gouvernements, nous avons eu des volontés de lutter contre le blanchiment, des folklores et des indécisions, ou, pire, des incitations. Au finish, l’Etat malien peut revendiquer peu d’actions d’envergure.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas de répressions. Il faut certes réprimer, mais, l’idéal est de pourvoir empêcher que se perpètrent des actions de vols et de blanchiments.
Le Dans un rapport datant de 2019, le Groupe Intergouvernemental d’Action Contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (Giaba) affirme que «le Mali dispose d’un cadre juridique pour la mise en œuvre de sanctions financières ciblées sur le Financement du Terrorisme et la prolifération. Si le mécanisme de mise en œuvre de la Résolution 1267 du Conseil de sécurité des Nations Unies a accusé certains retards, en revanche celui de la Résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies n’est pas encore opérationnel. Le Mali ne dispose pas de mécanisme en place pour les sanctions financières ciblées relatives au financement de la prolifération. Les exigences relatives à la mise en œuvre des Sanctions financières Ciblées liées à la prolifération sont largement mal comprises et les entités déclarantes ne sont généralement pas supervisées pour assurer le respect des Sanctions financières Ciblées en matière de Financement du Terrorisme et de Financement de la Prolifération. Le Mali n’a pas procédé à une évaluation complète du secteur des Organisme à But Non-Lucratif. Il n’existe pas de campagne de sensibilisation soutenue dans le secteur. L’on note une inexistence de mécanisme de réglementation ou de supervision fondée sur les risques, et les autorités de supervision du secteur des Organisme à But Non-Lucratif ne sont pas dotées en ressources».
Alexis Kalambry
Source : Mali Tribune