C’est parti pour le dialogue politique inclusif. Comme annoncé dans ses termes de référence, les amarres ont été larguées la semaine dernière avec le début de concertations locales un peu partout à travers le pays, sans qu’on sache si la mayonnaise a réellement pris. Pas d’indicateurs fiables sur le niveau de ratissage, mais échos en provenance de l’intérieur font état d’une fréquentation plutôt timide.
On sait, en revanche, que son caractère inclusif est d’ores et déjà entamé avec la défection de protagonistes sans la participation desquels la démarche perd manifestement de sa substance, à défaut d’en être totalement dépourvue. Il s’agit en l’occurrence de pans indispensables comme les composantes de l’opposition malienne, ainsi que du principal mouvement signataire de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. La première entité citée, quoique demanderesse de l’initiative, n’en a accompagné le processus qu’au seuil de la validation des termes de référence, à l’issue de laquelle elle a fait valoir ses nombreuses réserves, qui constituent autant d’arguments pour fausser compagnie aux autres composantes socio-politiques acquises à la tenue du Dialogue dans le forma concédée par les autorités. Au nombre de ses griefs figurent notamment un enjeu qu’elle juge de grande portée et sur lequel les compromis devaient achopper: le caractère exécutoire des conclusions du débat. En clair, dans sa grande majorité, l’opposition a fait bloc autour de son chef de file qui juge inutile un dialogue dont les résolutions sont laissées à l’appréciation et à discrétion des hautes autorités, tandis que pour ces derniers une portée injonctive du dialogue s’apparente à un empiètement sur les prérogatives régaliennes voire une cogestion de l’Etat qui ne dit pas son nom. Soumaïla Cissé et compagnons pouvaient cependant se réjouir par ailleurs que l’initiative débouche sur une flexibilité des lignes par rapport à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, tel que l’a annoncé le chef de l’Etat dans son discours de fête de l’indépendance. Mais il n’en fallait pas autant pour que le Dialogue national inclusif accuse un autre coup en perdant un autre protagoniste de taille. La CMA, il s’agit d’elle, s’en est en effet aussitôt désolidarisée pour avoir auparavant conditionné sa participation à l’immuabilité des dispositions dudit Accord remis en cause dans l’adresse d’IBK à la Nation. Ni à Kidal ni ailleurs dans le septentrion, la Coordination des Mouvements de l’Azawad n’est pas en train pour autant de faire obstacle à la tenue des concertations locales, mais sa désapprobation peut se juger au rythme de la désertion progressive de ses troupes au sein des MOC (Mécanismes Opérationnels de Coordination).
Avec l’absence de protagonistes de si grande envergure, difficile de ne pas admettre que la démarche, dans sa dimension politique tout au moins, est sur le point d’être circonscrite à une simple retraite ordinaire de cogitation interne sur les équations du pays, un exercice juste bon pour enrichir la future Déclaration de Politique Générale du chef du Gouvernement. Et l’extension du dialogue aux forces vives ne saurait être compensatoire au point d’occulter la tendance pour débarrasser le dialogue des ingrédients de monologue. De quoi s’interroger, en définitive, sur le gâchis que préfigure la persistance dans une démarche qui s’éloigne des résultats escomptés à mesure que les protagonistes sont divisés sur le compte qu’ils pourraient y trouver. En effet, aucune estimation n’a été faite de son coût financier depuis que le dialogue occupe le devant de la scène, mais il est loisible de s’imaginer combien est onéreuse la prise en charge de participants parfois fictifs sur toute l’étendue du territoire, sans compte l’entretien du triumvirat et de tout un dispositif organisationnel mis en branle pour les besoins d’une cause apparemment perdue d’avance. Alors question : ne faut-il devant l’évidence d’échec avoir le courage d’interrompre le processus au lieu de continuer à tabler sur un hypothétique isolement des défections en perdant des ressources susceptibles de combler tant de besoins pour lesquels les autorités n’ont de solutions que la levée de fonds sur les marchés internationaux ?
A KEÏTA
Source : Le Témoin