Entre le partage des instruments du pouvoir et le partage du contrôle de ses attributs il y a sans doute la mer à boire, un écart qui ne se mesure qu’à l’aune du fossé qui se creuse chaque jour entre les différents organes de la Transition. Le plus récent malaise a trait à un feu qui couve, depuis quelques jours, entre la Primature et le Conseil National de Transition.
On eut dit un prolongement de la gênante interpellation du Premier ministre par cet organe législatif car le torchon brûle si ardemment entre le Dr Choguel Maiga et les collègues du Colonel Malick Diaw que le premier, de bonne source, a cru bon de recourir de toute urgence à l’arbitrage du président de la Transition pour circonscrire la paralysie que les législateurs sont sur le point d’infliger à un projet de loi très substantiel dans la marche de la refondation – ou du moins à la trajectoire que le chef du Gouvernement voudrait donner audit texte. La nouvelle loi électorale – Il s’agit d’elle – est en passe en effet de ressortir de la procédure législative complètement défigurée par rapport à la mouture initiale, au grand dam des espoirs et des orientations voulues par Choguel Maïga. Ce faisant, les membres du CNT ne manquent pas de raison, d’autant que leur démarche repose sur la solidité d’arguments et informations recueillies auprès d’une majorité écrasante de personnes ressources et protagonistes du jeu électorale malien. Les écoutes leur ont ainsi inspiré pas moins de 160 amendements dont la validation rendra méconnaissable le texte initial et déjouera probablement bien des visées politiques de ses initiateurs. Sollicité pour inverser une tendance apparemment irréversible et vraisemblablement ressentie comme une humiliation, un arbitrage présidentiel n’implique guère moins une ingérence inter-institutionnelle susceptible de déboucher sur une répercussion du malaise sur l’axe Koulouba – CICB, lequel parait à son tour déjà affecté par une succession d’antécédents à peine contenus.
On y dénombre la démonstration de suprématie institutionnelle avec l’abrogation en son temps du décret du quatrième vice-président du CNT, Issa Kaou Djim, dont la destitution tenait lieu en même temps d’indicateur de fragilité de l’organe législatif ainsi que de chacun de ses membres, y compris son président doublé de la dignité de figure emblématique du CNSP. Autre ferment plausible du malaise qui s’installe entre le CNT et l’Exécutif : l’arrestation récente d’un de ses membres – et non moins proche collaborateur du Colonel Diaw – dans le cadre du coup d’Etat récemment déjoué. L’épisode a donné lieu, en effet, à de vicieuses insinuations d’implication du président du CNT sans que les plus hautes autorités lui aient volé au secours par une quelconque clarification du rôle à lui prêté dans la tentative de leur renversement. Malick Diaw jouira, en revanche, de la solidarité affichée de ses collègues à l’ouverture de la session en cours de l’organe législatif, avec des acclamations très nourries comme signe d’attachement et de loyauté des membres du CNT à leur président.
Les honorables collègues du Colonel Diaw, selon toute vraisemblance, ne paraissent pas moins solidaires de la déconvenue infligée par le dernier décret de prorogation de la durée de la Transition par le chef de l’Etat. Quoique leurs alléchants avantages en sortent indemnes et même confortés par le nouveau délai, il n’en demeure pas moins que la démarche traduit un empiètement sur leurs prérogatives tel qu’elle ne pouvait laisser indifférents les membres de l’organe législatif. C’est l’impression qu’il se dégage, en tout cas, du ton ainsi que de la teneur du communiqué par lequel le CNT se contente de prendre acte de la mesure de prorogation unilatérale de la durée de la Transition, tout en sacrifiant aux formalités usuelles de témoignage de solidarité aux mêmes autorités.
Suffisamment d’ingrédients, en définitive, pour que l’arbitrage sollicité par le PM serve d’élément catalyseur supplémentaire.
A KEÏTA
Source : Le Témoin