«Je m’emploierai également à la réduction du train de vie de l’Etat. D’ores et déjà, j’ai décidé d’allouer les deux tiers du fonds de souveraineté du président, soit un milliard huit cent millions annuels aux œuvres socio-sanitaires, notamment pour faciliter l’accès à l’eau potable et aux soins de santé primaire dans des zones difficiles de notre pays. »
Une annonce faite par le président de la Transition dans son discours d’investiture, le 7 juin 2021, au centre international de conférences de Bamako. Une annonce accueillie dans la salle par un tonnerre d’applaudissements. Elle est jugée forte par les soutiens du colonel Assimi Goïta.
Analysons donc les propos présidentiels. Si les échéances fixées pour les élections seront respectées comme l’a promis le président de la Transition, il reste donc neuf mois. Un petit calcul permet de savoir que les deux tiers de la caisse noire de Koulouba pour les neuf mois restants de la Transition équivaudraient à 900 000 000.
Même si on procède au calcul selon la base des chiffres avancés par le colonel président, les deux tiers du fonds de souveraineté du Palais de Koulouba ne valent pas un milliard huit cent millions. Cette somme annoncée publiquement par le Colonel Assimi Goïta est l’ensemble du montant versé par le Trésor public dans cette caisse noire en raison d’un versement mensuel de 150 000 000. En douze mois, les deux tiers de ce fameux fonds ne sont ni plus ni moins que 1 200 000 000. A ce niveau, quelque chose n’a pas fonctionné dans la rédaction du discours présidentiel.
A analyser de près, le président de la Transition ne renonce pas aux deux tiers du fonds de sa caisse mais plutôt il va procéder à une réaffectation de ce montant vers d’autres secteurs. En procédant ainsi, Assimi Goïta peut être soupçonné de se constituer un fonds de publicité dans la perspective d’une future probable ambition politique. Ce que l’on appelle un « placement politique » qui consiste à financer ses ambitions politiques avec des fonds publics. Ce qui fut toujours le cas pour les autres prédécesseurs d’Assimi Goïta dont certains ont utilisé une partie de ce fonds pour des pratiques peu orthodoxes ayant perverti la démocratie malienne.
Ce soupçon est renforcé par l’absence des mesures à prendre pour les autres caisses noires. Pour une telle mesure, le président de la Transition devrait annoncer dans le même discours des dispositions pour les autres institutions si la volonté affichée est réellement de réduire le train de vie de l’Etat.
La réduction du train de vie ne consiste pas à remplacer les véhicules V8 par des 4×4 Double Cabine. Elle ne consiste pas non plus à affecter une partie du fonds de sa caisse noire à des œuvres socio-sanitaires. Elle consiste à réduire drastiquement les fonds de souveraineté des chefs des institutions, les traitements accordés aux membres du Conseil national de Transition, les déplacements de l’avion présidentiel et des hautes personnalités à l’extérieur, la consommation de l’électricité, de carburant, de l’eau, du téléphone et de l’internet dans l’administration publique. Elle consiste aussi à supprimer certains avantages dont bénéficient les responsables des institutions. Elle consiste également à mettre fin à la perception des salaires des fonctionnaires fictifs militaires ou civils.
Les milliards ainsi récupérés doivent être orientés vers des investissements en mesure de créer des richesses. Pourquoi ne pas installer à Koutiala une usine de textile pour transformer un petit pourcentage du coton?
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger