Le 15 mai 2015 s’est déroulée, au cours d’une cérémonie grandiose en présence de plusieurs chefs d’Etat, la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Elle marquait ainsi l’aboutissement d’une médiation menée par des acteurs internationaux, suite à l’énigmatique revers subi par les Famas face aux groupes rebelles, lors de la visite à Kidal, de la délégation gouvernementale conduite par le Premier ministre Moussa Mara.
En bas du document ont signé, tour à tour, le ministre des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, au nom d’un gouvernement acculé dans ses derniers retranchements et les représentants de certains groupes armés. Le 20 juin, soit 40 jours après, feu Sidi Brahim Ould Siddati y apposait aussi sa signature au compte de la Coordination des mouvements de l’Azawad (Cma).
Mais voilà que sept ans après, aucune des parties signataires n’est satisfaite de la mise en œuvre d’un accord rejeté par une frange importante de la population pour diverses raisons. Dans son dernier rapport, le centre Carter, une organisation non gouvernementale à but non lucratif et observateur indépendant de sa mise en œuvre, «l’accord se trouve dans une situation de blocage sans précédent». Aucune avancée n’est enregistrée depuis un an, constate-t-il.
Au contraire, règne une certaine méfiance entre Bamako, la CMA et une partie de la Plateforme, malgré la participation au gouvernement de Transition des groupes armés signataires. Un climat peu propice à l’application du document signé à Alger et parachevé à Bamako.
Le Mali, poussé qu’il est dans un quasi-isolement diplomatique et financier, ne semble toujours pas en position favorable pour imposer sa lecture de l’accord ni aux groupes signataires ni à une composante de la communauté internationale. Et comme pour ne rien arranger du tout, le mandat de la MINUSMA est renouvelé sans tenir compte des réserves formulées par Bamako.
Pourquoi le gouvernement de transition n’a pas fait recours au soutien populaire pour exiger la «relecture intelligente» de l’accord comme ce fut le cas lors des sanctions de la Cedeao et de l’Uemoa ? Par crainte de la réaction algérienne ? Et aussi de ses alliés russe et chinois qui se sont abstenus lors de vote de la Résolution 2640 (2022) du Conseil de sécurité des Nations Unies prorogeant le mandat de la Minusma au 30 juin 2023 ?
L’Algérie n’a jamais fait mystère de son attachement à l’accord. La Russie semble aussi tenir à son application. De son côté, la Chine par la voix de son Représentant à l’ONU«a rappelé que la première tâche de la MINUSMA est d’aider à la mise en œuvre de l’Accord de paix signé à Alger en 2015 en tenant compte des positions du Gouvernement malien en matière de restauration de l’autorité de l’État, de sécurité et de transition politique».
Reste que pour la Résolution 2640 (2022) «la principale priorité stratégique de la MINUSMA est d’appuyer la mise en œuvre de l’Accord par les parties maliennes ainsi que par d’autres parties prenantes maliennes, ainsi que la transition politique ». Sa seconde priorité stratégique est «de faciliter l’application par les acteurs maliens d’une stratégie politique globale et inclusive visant à lutter contre les causes profondes et les facteurs des conflits violents, à protéger les civils, à réduire les violences intercommunautaires et à rétablir la présence et l’autorité de l’État ainsi que les services sociaux de base dans le centre du Mali, en s’acquittant des tâches qui lui ont été confiées ».
Tout se passe actuellement comme si le gouvernement marchait sur des œufs. Il a déclaré, par la voix de son représentant aux Nations unies, avoir pris acte de la Résolution non sans réitérer ses réserves et exprimé sa ferme volonté de ne pas appliquer les dispositions les concernant. Saura-t-il œuvrer de sorte que le Mali ne soit davantage fragilisé ? L’abstention de la Russie et de la Chine lors du vote de la Résolution 2640 (2022) doit-elle inciter nos autorités à plus de réalisme ?
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger