Entre Nous : La roue de l’histoire

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Chiaka Doumbia
Chiaka Doumbia

«J’aimerais souligner qu’aujourd’hui un mandat d’arrêt de la justice malienne aurait des difficultés à être exécuté pour la bonne raison que nous sommes sous un régime militaire….Par définition, les autres pays ne nous considèrent pas comme une démocratie…C’est difficile d’exécuter ces mandats-là  d’autant que ceux qui sont visés sont pour la plupart des hommes politiques…On va considérer à l’étranger ces mandats comme des mandats politiques». Ces propos ont été tenus par Me Cheick Oumar Konaré, Avocat à la Cour sur le plateau de l’émission « Débat du dimanche» d’Africable Télévision.

Il se prononçait sur les mandats d’arrêts internationaux lancés par le Procureur général près la Cour suprême contre certaines personnalités dans l’affaire dite d’achat de matériel militaire dénommée « Paramount ». Il s’agit de Dr Boubou Cissé, ancien Premier ministre, Tiéman Hubert Coulibaly, ancien ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Mamadou Igor Diarra, ancien ministre de l’Economie et des Finances et Babaly Ba, ancien Président Directeur Général de la Banque Malienne de Solidarité (BMS-SA). Tous les anciens responsables visés par le mandat international ont réagi dans des communiqués différents. L’émission de ces mandats d’arrêt intervient dans un contexte ou le Mali a des difficultés relationnelles avec plusieurs pays du continent et d’ailleurs. Me Cheick Oumar Konaré a raison de dire que les mandats délivrés par la justice malienne ont peu de chances de connaître une exécution. Déjà, le mandat visant l’honorable Karim Keïta, fils de feu Ibrahim Boubacar Keïta et non moins ancien Président de la Commission Défense nationale, Sécurité et Protection civile de l’Assemblée nationale n’a jamais connu un début d’exécution. Il faut remonter un peu loin pour se rendre à l’évidence que d’autres mandats de la justice malienne ont été complètement jetés aux oubliettes.

En 2012, le Procureur général près la Cour d’appel de Bamako a lancé des mandats d’arrêt contre plusieurs responsables du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), des groupes islamistes. Il n’y a eu  aucune arrestation liée à l’exécution de ces mandats. Pis, des membres du gouvernement se mettaient sur la même table pour discuter avec ceux qui sont recherchés par la justice pour des crimes et autres infractions. Avant la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation en 2015, le gouvernement avait levé des mandats d’arrêt concernant une vingtaine de personnes, notamment des responsables de groupes armés comme Ansar Dine, le Haut conseil pour l’unité de l’azawad, le MNLA.  Il est donc peu probable que les mandats d’arrêt émis par une Chambre d’instruction spéciale de la Cour suprême puissent connaître un début d’exécution.

Les conditions dans lesquelles est décédé en détention l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, ont contribué à jeter le doute sur l’impartialité des opérations engagées par les autorités de Transition dans le cadre de la lutte contre la corruption. Et depuis lors, ces opérations dont la légalité avait fortement divisé les juristes et autres observateurs de l’appareil judiciaire ont pris un sacré coup. Les sorties multiples du magistrat Mohamed Chérif Koné, limogé sans management de son poste d’avocat général à la Cour suprême ont servi à alimenter le débat. Un débat qui est loin d’être clos. Quand la politique entre par la porte, le droit sort par la fenêtre. Il ne faut jamais oublier que la roue de l’histoire tourne.

Par Chiaka Doumbia

Source : Le Challenger 

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