«Au nord, les législatives se gagnent au forceps, au vol et à la kalachnikov. L’administration nous fait honte par sa complicité active. Attendons l’arbitrage de la Cour Constitutionnelle ! Nous sommes sur une pente glissante. Il vaut mieux prévenir que guérir. Si les recours légaux ne marchent pas, n’accusez pas les citoyens de rebelles, car ils n’auraient d’autres choix que la révolte. Que Dieu nous en garde ! Solution : Assainir les représentations locales du pouvoir central (administration, justice, forces de sécurité, etc.). On ne peut pas continuer à se plaindre et demander à la communauté internationale de nous aider à déployer l’Etat partout au Mali alors que là où l’Etat est présent les abus et irrégularités continuent de plus bel». C’est le regard porté par Hamatha Ag Hantafey, un citoyen, sur le déroulement des opérations de vote du 1er tour de l’élection des députés à l’Assemblée nationale.
Pour Oumar Ibrahim Touré, Président de l’Alliance Pour la République (APR), la victoire dès le premier tour de son candidat dans la circonscription électorale de Gourma-Rharous a été confisquée par la Cour Constitutionnelle.
Dans une déclaration sur le deuxième tour de l’élection des députés dans la circonscription électorale de Ténenkou, l’UDD, par la voix de son président, Tiéman Hubert Coulibaly, « appelle les autorités maliennes à la vigilance, pour permettre l’expression de la volonté des populations de Ténenkou ». « Rappelant à tous les acteurs nationaux que les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets, l’UDD exige que les voix artificielles créées soient annulées et que puissent siéger à l’Assemblée nationale ceux qui ont été effectivement désignés par le peuple. Car, l’injustice d’aujourd’hui produira inévitablement le conflit de demain. Le parti prend l’opinion nationale à témoin et informe que les fossoyeurs de la démocratie et de la République veulent imposer leur logique destructrice au peuple. Cela comportera forcément des conséquences. Et l’UDD en appelle au sens de la résistance de tous face à une entreprise honteuse et méprisante pour notre République», peut-on lire dans cette déclaration signée par un ancien ministre mais aussi un allié du président de la République.
Si Hamatha Ag Hantafey et Tiéman Hubert Coulibaly fondent leur espoir sur la Cour Constitutionnelle, Oumar Ibrahim Touré accuse vertement l’institution de confiscation de la victoire de son candidat.
La justice est le dernier rempart pour tout citoyen qui éprouve une forme d’injustice. Et l’un des rôles de la Cour Constitutionnelle est de rétablir l’équilibre en veillant scrupuleusement à la sincérité des opérations de vote. L’institution joue-t-elle convenablement son rôle ? Difficile d’y répondre. Toutefois, il faut rappeler qu’elle a fait l’objet de sévères critiques.
En 2002, la Cour avait annulé un demi-million de voix à l’élection présidentielle au détriment de ceux qui sont accusés aujourd’hui par d’autres acteurs politiques d’instrumentaliser l’administration et l’institution pour confisquer leur victoire. Le rôle de la Cour dans la gestion du contentieux électoral lié à l’élection des députés la même année a été fortement décrié par certains acteurs politiques, à l’image de Pr Dioncounda Traoré, interpelé par la justice de même que des journalises, pour des déclarations fracassantes contre les membres de la Cour. En 2007, les inversions des voix opérées par l’institution ont permis à certains de siéger au Parlement. La Cour a fait, en 2013, l’objet de sévères critiques sur les cas de Nara et de Nioro du Sahel.
Faiseurs de rois….sages ?
La Cour constitutionnelle au Mali, une institution dont les arrêts ne font l’objet d’aucun recours, est à l’image d’autres juridictions africaines chargées de vider le contentieux électoral. Cette élection des députés à l’Assemblée nationale n’échappera pas à la règle. Les neuf sages sont des faiseurs de rois. Et le troisième tour du scrutin se joue entre les quatre murs de cet imposant immeuble abritant le siège de l’institution à l’ACI 2000. Sauf que les murs, selon un proverbe, ont des oreilles.
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger