Le 26 février 2020, les ambassadeurs des pays du G5 Sahel ont été auditionnés par la Commission Défense du Sénat français. L’ambassadeur du Mali en France, Son Excellence Toumani Djimé Diallo, a tenu certains propos qui ont agacé les autorités françaises. «Il n’y a pas de sentiment anti-français au Mali. Il y a eu, à un moment donné, un ressenti au sein de la population contre la présence militaire française…D’abord, avec tant d’hommes et de moyens déployés, on s’attendait à plus de résultats, moins coûteux en vie humaine.
D’autre part, je vais vous parler franchement, dans ces forces, il y a des officiers, l’armée normale mais aussi la Légion étrangère. C’est là le problème…. Par moments, dans les Pigalle de Bamako, vous les retrouvez, tatoués sur tout le corps, en train de rendre une image qui n’est pas celle que nous connaissons de l’armée française. Ça fait peur, ça intrigue… C’est bien, parce qu’ils sont connus pour être âpres à la bataille, âpres au combat, mais ils sont aussi âpres au gain […] il y a des débordements qui posent problème…Le président Ibrahim Boubacar Keïta l’a dit : tous ceux qui aujourd’hui au Mali appellent au départ des forces étrangères et notamment françaises sont des ennemis du Mali, des complices des djihadistes […] mais il faut que le comportement de certains éléments de l’armée ne laisse pas à désirer. Certains font n’importe quoi dans les rues de Bamako, ce n’est pas bon pour l’image de la France ».
Selon le cabinet du ministre français des Armées, ces propos de l’ambassadeur Toumani Djimé Diallo constituent une mise en cause «inacceptable et indécente quand la France s’est résolument engagée pour combattre les groupes terroristes qui menacent les populations du Sahel».
L’ambassadeur Diallo a été convoqué au ministère français des Affaires étrangères. Ayant pris la mesure de la situation, Bamako a dépêché, le 27 février dernier à Paris, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tiébilé Dramé. Ce n’est pas tout. L’ambassadeur a été rappelé à Bamako. Le président IBK et son gouvernement entendent signifier à la France qu’ils désapprouvent les propos tenus par leur représentant.
On aurait crié à une crise diplomatique si l’Etat français avait ordonné l’expulsion du diplomate malien en le déclarant personae non grata. Ce qui est loin d’être le cas. Il faut donc clore rapidement cet incident.
Contrairement à une manipulation savamment orchestrée et véhiculée à travers des médias mensongers, il n’y a pas d’anti-français au Mali. Il y a certainement des Maliens qui critiquent ou contestent des agissements de l’ancienne puissance coloniale. Mais critiquer ou contester la politique menée par le gouvernement français dans le cadre de la résolution de la crise sécuritaire au Mali ne veut pas dire être un anti-français.
L’ambassadeur Toumani Djimé Diallo n’a rien dit de nouveau. Peut-être que Paris ne s’attendait pas à ce qu’un officiel malien tienne de tels propos. L’ambassadeur n’est pas le seul à porter un tel jugement sur le résultat de l’intervention militaire française au Sahel. D’anciens diplomates voire de haut-gradés de l’armée française ne mâchent pas leurs mots. C’est un ancien diplomate français qui a révélé que la France a livré Kidal aux séparatistes du Mali.
Malgré la présence des milliers de soldats au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane et de la MINUSMA, des massacres de populations civiles sont commis dans une indifférence presque totale de la communauté internationale. Outre le nord, les violences se sont propagées dans d’autres localités du pays. Des communautés qui vivaient en parfaite harmonie depuis des siècles sont dressées aujourd’hui les unes contre les autres. Que de morts ! Que d’orphelins ! Que de déplacés ! Que de villages détruits ! Bamako pique donc une vraie fausse colère.
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger