Nous l’appellerons Ali, car nous sommes obligés de protéger sa véritable identité, compte tenu des révélations qu’il fait ici et des menaces qui pourraient peser sur lui et sa famille. De passage à Bamako, cet Arabe Berabich originaire du Nord de Tombouctou parle de sa région, des problèmes que rencontrent les éleveurs et les commerçants et surtout de la terreur exercée par les terroristes sur sa communauté. Ce qu’il rapporte est à la fois effrayant et porteur d’espoir. Il n’a pas peur de révéler le nom d’un terroriste important, qui sévit dans la zone de Salam.
Ali, présentez-vous, s’il vous plaît
Je suis Arabe, de la fraction Ouasra. Nous sommes des nomades, commerçants ou éleveurs. Je ne peux pas vous en dire plus sinon je serais immédiatement identifié et je serais en danger. Tout ce que je peux affirmer, c’est que je suis originaire de la zone d’Arouan. J’étais commerçant et j’ai possédé jusqu’à 50 (cinquante) chameaux, des vaches et des moutons, comme beaucoup de Ouasra. Mais j’ai dû quitter ma région.
Pourquoi êtes-vous parti ?
Avant, il y avait beaucoup de touristes à Tombouctou et dans la région, le commerce était très profitable. Puis en 2012, Tombouctou est tombée aux mains des Salafistes. Ils étaient cruels et terrorisaient les populations. Tout le monde se cachait, tout le monde avait peur d’eux. Certains djihadistes voulaient épouser de force des femmes de ma communauté. C’était comme si la ville et la région leur appartenaient, il y avait une police Islamique, une justice Islamique, une brigade des mœurs. Les communautés ont beaucoup souffert. Puis les salafistes se sont retirés, alors mon commerce a été pillé et je me suis réfugié avec ma famille à MBerra en Mauritanie.
Et aujourd’hui, comment se porte la région de Tombouctou?
On dit que les terroristes sont partis de la ville. C’est vrai que leur présence est moins visible, et plusieurs ont été capturés ou tués. Mais certains se cachent toujours à moins de 100 (cent) kilomètres de Tombouctou : il y a notamment un djihadiste qui continue à terroriser les populations dans la zone de Salam. Il n’est pas Malien, on l’appelle Talha Al Libia, c’est un salafiste. Il pense qu’il est invulnérable, mais j’ai des informations à vous révéler : je peux dire que Talha Al Libia tombera, parce que certains sont en train de le trahir.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Je le vois dans une région débarrassée des Salafistes. C’est ce que veulent les Ouasra. Je veux retourner très bientôt dans ma région. Les populations veulent tourner la page, retrouver du développement et tout le monde a compris que c’est le djihadisme qui empêche le développement. C’est pourquoi aujourd’hui, les gens n’ont plus peur de parler. Dans la zone de Salam, tout le monde connait les Salafistes, leur nom, leurs modes de fonctionnement. Au marché de Toual, on dit que même les proches de Talha Al Libia font des révélations sur lui, parce que certains veulent le quitter. La région sera bientôt débarrassée de ce djihadiste, l’économie locale pourra alors redémarrer, le développement se reconstruira et je pourrai rentrer chez moi pour rouvrir mon commerce.
Paul-Louis Koné
Malijet