Depuis un certain temps, la formation des équipes gouvernementales dans notre pays donne lieu à plusieurs constatations, particulièrement la taille du gouvernement et la cohérence entre les ministères.
La version de la charte de la transition discutée au cours des concertations table sur un maximum de 25 postes ministériels. Cette limitation semble motivée par les nécessités de rationalisation des coûts de fonctionnement. Cependant, il y a lieu de noter qu’il n’y a pas de taille (nombre) idéale dans la structuration d’un gouvernement, mais une certaine dose de cohérence apparaît nécessaire.
Sur la taille par exemple, le premier gouvernement formé par le Président Sarkozy en France en mai 2007 ne comptait que 15 ministres (avec 4 secrétaires d’État et 1 Haut-Commissaire), tandis que le premier gouvernement formé par IBK en septembre 2013 comptait 29 ministres (avec 5 ministres délégués). Comme on le voit, le toit semble fonction du contexte. Cependant, la tendance actuelle semble plaidée de plus en plus pour une décroissance du nombre de ministres avec une moyenne de 15 à 20 dans les pays occidentaux.
Selon les auteurs, si un gouvernement peu nombreux peut être plus maniable et plus efficace, il peut aussi comporter un risque de faible représentation et de mainmise. Ainsi, dans le contexte actuel du pays, on peut premièrement se demander dans quelle mesure un gouvernement de 25 membres peut être représentatif dans différents acteurs (CNSP, M5-RFP, les signataires de l’accord pour la paix, le M4 et même les soutiens du régime défunt, etc.) tout en tenant compte des couches spécifiques comme les femmes, les jeunes ou les personnes en situation d’handicape ? Deuxièmement, va-t-on vers un gouvernement resserré qui risque de symboliser une mainmise d’un “groupe” sur le pouvoir (par exemple CNSP et M5-RFP) ?
À l’inverse, “un gouvernement plus nombreux peut représenter un éventail d’intérêts plus complet, mais être incapable de prendre des décisions claires”. Ainsi, serait-il mieux d’élargir l’attelage gouvernemental dans une perspective d’inclusivité ? Comme on le voit, il n’y a pas de taille idéale, néanmoins il y a lieu de veiller à la cohérence des ministères à créer. Ainsi, un premier niveau d’incohérence dans la pratique malienne réside dans la structuration des ministères. Par exemple, dans le gouvernement formé par le décret n°2017-1034/P-RM du 30 décembre 2017 portant nomination des membres, sous la direction de Soumeylou B. Maïga, on dénombrait 36 postes ministériels avec à la fois : un ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, un Ministre des Collectivités territoriales et un ministre du Développement local. Le même risque est fort présent dans le contexte actuel malgré la volonté de resserrement affichée puisque nous sommes en face d’un Vice-Président qui sera en charge de la défense et de la sécurité. Y aura-t-il dans le nouvel attelage des ministères en charge de ces questions ? Une perspective affirmative à cette question nous conduirait alors à une sorte de co-errance, où on aurait trois responsables pour le même domaine général. Or, la volonté de recaser le fameux groupe des cinq (Colonels) du CNSP pourrait conduire à une telle perspective.
Dans la même optique, la répartition des services publics entre la Primature et les départements ministériels n’échappe pas au même enchevêtrement. En ce sens, les structures supra-ministérielles ou en chargent d’activités intersectorielles de coordination sont en principes au niveau de la Primature. Cependant, la pratique de notre pays semble obéir à une autre logique où des structures de coordination ou d’impulsion peuvent se retrouver au niveau sectoriel d’un ministère. Ce fut le cas pour le Contrôle général des services publics (CGSP) et Commissariat au développement institutionnel (CDI) qui se sont retrouvés rattachés à un ministère sectoriel (ministère de la Réforme de l’Administration et de la Transparence de la Vie publique) en 2018. Ce phénomène semble même devenir une tradition pour le CDI, qui malgré sa mission centrale de conduire la réforme de l’État se retrouve cloisonné au niveau sectoriel d’un ministère. Or, il est admis que le niveau d’ancrage d’une structure de pilotage de la réforme constitue un levier essentiel de la gestion du changement, eu égard aux multiples phénomènes de résistance aux changements ou d’accessibilité aux ressources nécessaires au pilotage de la réforme ou même la mobilisation des acteurs autour du processus de réforme.
Par ailleurs, les écrits postulent qu’un gouvernement élargi nécessite un centre politique et administratif fort et une culture d’interministérielle. Or, si le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) qui incarne le centre administratif à travers le filtrage de la légalité des actes, on peut se questionner sur la mesure dans laquelle il peut effectivement peser sur les choix gouvernementaux. De même, notre système politique et administratif semble plus caractériser une culture beaucoup plus sectorielle qu’interministérielle.
En conclusion, la réussite des multiples défis organisationnels du nouveau gouvernement sera non seulement fonction du choix entre l’efficacité (gouvernement resserré) et l’inclusivité (gouvernement élargi) en termes de taille (ou nombre), mais aussi de la cohérence du casting entre les différents postes ministériels afin d’éviter une co-errance comme c’est souvent le cas.
Daouda Coulibaly, Ph. D.
Chercheur en Gouvernance et Management Public
Source : Mali Tribune