Esclavage par ascendance à Kayes : les victimes accusent, « les maîtres » démentent, l’autorité opte pour le silence

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Au total ce sont 110 personnes, principalement des femmes et d’enfants, qui ont quitté Khérouané un jeudi 21 novembre pour se réfugier à Diéma. Elles ont du fuir les représailles de certains habitants du village pour avoir refusé « le statut d’esclaves ». Selon ces familles déplacées, c’est sous la profération systématique des injures assorties de violences physiques qu’ils ont abandonné leurs concessions afin de préserver leur sécurité. Un mois après ces évènements, une équipe de Studio Tamani revient dans le village de Khérouané et à Diéma pour constater leurs conditions de vie.

Sur place à Diéma la prise en charge et les conditions de vie de ces familles déplacées relèvent d’un casse-tête. Elles doivent leur salut aux personnes de bonne volonté qui leur servent en vivres et autres dons de première nécessité. Une situation qui préoccupe les autorités du cercle.
Ces familles ont fuit leur village par peur de représailles. A l’origine du conflit, leur refus d’accepter « le statut d’esclaves ». Une information démentie par le chef du village de Kérouané. Car selon lui, « aucune famille n’a été traitée d’esclave ».
Mais pour Nadia Traoré, l’esclavage est une réalité dans cette localité et dans bien d’autres. Elle fait partie de la centaine de personnes venues se réfugier à Diéma. Âgée de plus de 80 ans, elle nous explique, ce qui l’a poussé à quitter le village : « c’est vers 14 heures qu’ils nous ont chassés de Khérouane, on est sorti la main vide, on n’a rien amené avec nous sous menace de mort, on a fui en laissant nos marmites sur le feu c’est parce qu’on a juste refusé de se soumettre à l’esclavage. C’est la seule raison », nous raconte Nana Traoré.
Selon Idrissa Coulibaly, un autre déplacé. Selon lui, « c’est la deuxième fois, qu’ils sont confrontés à une telle situation ». L’homme considéré comme « esclave » dans cette localité, demande aux autorités de prendre des dispositions pour leur sécurité. « Le 25 octobre 2018, ils nous ont attaqués pour la première fois. Notre village vient d’être attaqué ainsi pour la deuxième fois Qui sont les auteurs ? C’est un ensemble de villages de 66 villages qui fait appel à leur jeunesse pour cibler le village à attaquer. En 2018, notre village a été attaqué et c’est une ambulance qui est venue chercher les blessures », dénonce Idrissa Coulibaly.
Ces avis ne sont pas partagés par les responsables du village de Khérouané. Selon Waly Diawara, premier conseiller au chef de village, ces déplacés n’ont aucune preuve qui montre qu’ils ont été traités d’esclaves. « Il n’y a jamais eu de polémique entre nous. Ils ont quitté Khérouané sans contraintes. S’ils disent qu’on les a chassés et détruit tous leurs biens, tout cela n’est que mensonge », dément le conseiller du chef de village. Selon Waly Diawara, avant d’ajouter : « les grands parents de ces familles déplacées ont vécu ici sans qu’il y ait de mésentente entre nous. Et pourquoi allons-nous les chasser sous prétexte qu’ils sont des esclaves. Tout ce qu’ils font et gagnent c’est pour eux. Donc je ne vois pas de problème ici », renchérit notre interlocuteur. Pour Waly Diawara, seul le dialogue peut résoudre ce problème. Car selon lui, « le vivre ensemble entre les Diawara et les Coulibaly ne date pas d’aujourd’hui ». « Le conflit est quelque chose qui est couché, il dort. Il n’a ni membre, ni yeux, ni bouche, ni œil. La personne qui le réveille ne sait pas quand est ce qu’il va s’arrêter. Dieu seul sait », conseille Waly Diawara.
Dans le cercle de Diéma plusieurs familles se disent « victimes » de la pratique d’esclavage. Il y a quelques mois, le ministère de la justice a du raccompagner certaines familles ayant fui les mêmes représailles, car considérées comme des « esclaves ». A ce jour, plusieurs plaintes ont été déposées devant les autorités pour « injures, coup et blessures volontaires ». Mais elles sont restées sans suite.
L’association « Gambana », qui lutte contre la pratique de l’esclavage dans la localité, tire la sonnette d’alarme et demande aux pouvoirs publics de « prendre leurs responsabilités ».

Source: Studio Tamani

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