Le mardi 26 février 2019 aux environs de 21 heures, un tête-à-tête a eu lieu à Koulouba (Palais présidentiel) entre le Président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et son challenger de l’élection présidentielle de 2018, le chef de file de l’opposition malienne, l’honorable Soumaïla Cissé. Cette rencontre intervient après un appel téléphonique entre les deux personnalités, le jeudi 14 février 2019. Après ce tête-à-tête privé et non médiatisé ayant duré deux heures de temps, les deux personnalités sont descendus de Koulouba dans le même cortège. Séance tenante, le même soir aux environs de 23h35 minutes, le chef de file de l’opposition malienne, a bien voulu nous accorder une interview exclusive à son domicile au quartier Badalabougou de Bamako. Dans cette interview, Soumaïla Cissé a fait savoir que l’ensemble de la discussion a porté sur les difficultés du pays. « Nous avons abordé sans détour l’ensemble des problèmes, nous nous sommes parlés en vérité. Nous allons essayer ensemble de voir comment nous pouvons conjuguer les efforts pour sortir notre pays des difficultés. Nous avons convenu de nous revoir dès la semaine prochaine », a souligné Soumaïla Cissé. Lisez !
Le Républicain : Vous venez d’être reçu par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), qu’est ce qu’on peut retenir de cette audience ?
Soumaïla Cissé : D’abord l’accueil a été cordial. Nous avons eu une longue discussion pendant près de deux heures. Nous avons parlé de l’ensemble de la situation du pays. Le problème lié à la crise sécuritaire, à la crise sociale, à la crise électorale, la crise économique et financière. Il n’y a pas un pan de difficulté actuelle que nous n’ayons abordé. Nous sommes tous les deux convenus que la situation mérite un traitement de choc et qu’il faut pouvoir rassembler les Maliens autour des difficultés actuelles. Nous avons donc passé en revue l’ensemble des solutions éventuellement possibles. Ce qu’il faut retenir, c’est que la discussion a été franche, nous avons abordé sans détour l’ensemble des problèmes, je pense honnêtement que nous nous sommes parlés en vérité parce que c’est ce qu’il sied des circonstances actuelles. La crise que le pays connait depuis 2012 jusqu’à aujourd’hui s’est malheureusement approfondie surtout sur ses aspects sécuritaires. Nous allons essayer ensemble, en toute responsabilité de voir comment nous pouvons conjuguer les efforts pour sortir notre pays des difficultés que le Mali connait. Nous avons convenu de nous revoir dès la semaine prochaine, lundi ou mardi prochain pour pouvoir tracer ensemble les solutions que nous avons envisagé. Nous allons éprouver de ceux qui sont avec nous les solutions possibles et dès la semaine prochaine, nous allons nous rencontrer pour essayer d’avoir un mode opérationnel, pour que nous puissions proposer des solutions aux Maliens pour pouvoir avancer dans la résolution des problèmes qui assaillent le pays. Nous sommes sûrs que la responsabilité est grande face à l’histoire, face à l’ensemble des maliens parce qu’ils sont tous préoccupés par la situation actuelle. Ce que je veux que vous reteniez, c’est que le dialogue n’est pas fermé, parce que c’est un début, c’est que très prochainement nous allons nous revoir, je crois que c’est à partir de là que nous pourrons dire voila les propositions de solution à mettre sur la table.
Le Républicain : Est-ce qu’on peut parler désormais d’une décrispation du climat politique au Mali ?
Soumaïla Cissé : je crois que dès le premier pas a été fait par cet appel (Ndlr, appel téléphonique entre le président IBK et le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé le 14 février 2019), que nous aussi, nous avons fait un deuxième pas en allant à Koulouba (Palais présidentiel), je crois que c’est le début de quelque chose. Maintenant, ce que nous ferons la semaine prochaine va confirmer ou infirmer la décrispation qui est attendue par tous les maliens qui semble aujourd’hui en vue. Attendons, un début a été fait, les problèmes ne sont pas réglés encore, il y a encore des difficultés, il faut créer la confiance, il faut créer le cadre de dialogue pour que nos responsabilités soient vraiment avancées et qu’on puisse dire qu’on est sur le bon chemin. Je pense que les discussions qui auront lieu la semaine prochaine vont nous aider à vraiment avancer.
Le Républicain : Et l’atmosphère de cette rencontre?
Soumaïla Cissé : L’atmosphère est cordiale, c’est un aîné, je suis un cadet, je crois qu’au-delà de cette partie qui a été très courte, il n y avait pas de place pour des considérations individuelles et personnelles. L’ensemble de la discussion a porté sur le pays, sur les difficultés du pays, comment chacun de nous envisage pour qu’on puisse sortir de la crise, ça été une discussion d’une grande tonalité emprunte de beaucoup de sérieux, beaucoup de gravité, ce n’était vraiment pas une discussion d’amitié, de fraternité, bien sûr il y en a toujours, mais je crois que la situation du pays méritait la gravité qui a marqué notre discussion.
Le Républicain : Par rapport à cette situation, est ce que vous avez eu des discussions sur la révision constitutionnelle à venir ou un autre sujet particulier ?
Nous avons tout abordé y compris la révision des textes, le code électoral, la révision constitutionnelle, les problèmes liés à la sécurité, nous avons même échangé des vues, des vidéos sur des difficultés actuelles, nous avons parlé vraiment de tout et je crois aujourd’hui, c’était une grande soirée de balayage, il fallait tout balayer, ne rien oublier à mettre tout dans le panier et après, il fallait mettre de l’ordre dans tout ça et aborder les choses de façons très sérieuse pour que nous puissions trouver des chemins de sortie de crise, il faut sortir de la crise mais il faut sortir de façon réussie et ça nécessite encore beaucoup de réflexion, ça nécessité encore de la gravité et aussi l’accompagnement de ceux qui sont avec nous pour qu’on puisse partager avec eux un début de solution. Il s’agit de ne pas se tromper, il s’agit de trouver un bon chemin aujourd’hui pour que l’espoir qui est crée par ces rencontres puisse servir les maliens et que vraiment le cœur revienne aujourd’hui à un Mali apaisé, à un Mali qui avance. Je crois que notre responsabilité est très grande, et je crois que nous en mesurons tous les deux la portée.
Le Républicain : Est-ce qu’une question de gouvernement d’union nationale a été évoquée ?
Soumaïla Cissé : Non, on n’a pas parlé de ça, nous avons parlé du pays, nous avons parlé des solutions qui amènent tous les maliens à se rassembler, à trouver les chemins de sortie de crise et c’est après qu’on va voir les modes opératoires, on n’a vraiment pas parlé de gouvernement, on n’a pas parlé de poste, on n’a pas parlé de ces choses qui sont vraiment secondaires. Dans un premier temps, c’est d’abord de partager ensemble les difficultés, qu’on soit tous les deux conscients du niveau des difficultés, se mettre quelque part à niveau sur les informations que nous avons. Je crois que quand nous mesurons la gravité de la situation, que nous mesurons tous les deux l’état du pays, c’est en ce temps qu’on peut essayer d’aborder les solutions, de trouver les hommes, les associations, les partis politiques, tous ceux qui peuvent aider à sortir de la crise, vraiment, on n’a pas parlé de gouvernement, ce n’était pas le jour ni le moment pour cela.
Le Républicain : Est-ce qu’on peut dire que la crise postélectorale est terminée, votre non-reconnaissance de la réélection d’IBK est-elle terminée ?
Soumaïla Cissé : Vous savez qu’on n’a même pas parlé de ça. On a parlé du Mali, qu’est ce qui se passe au centre de notre pays, qu’est ce qui se passe au nord du pays, les difficultés qu’on a eues à Siby, à Koulikoro. La nécessité de revoir la loi électorale, de voir la façon dont le scrutin est abordé. Qu’on est un peu chahuté sur ce qui s’est passé au moment des élections, ce n’est pas vraiment ça le cœur des échanges. Le cœur des échanges, c’est que le pays est en crise. Nous avons une crise sécuritaire importante, une crise sociale avec toutes ces grèves, des écoles qui ferment, ça c’est très préoccupant. On est en crise sur les difficultés économiques et financières, c’est préoccupant, on est en crise électorale bien sûr, il faut revoir le mode de scrutin, il faut remettre tout ça sur la table, on a parlé un peu de tout ça, de la sous région, de nos partenaires, qu’est ce qu’ils souhaitent ou pas. Nous avons mis vraiment le Mali au cœur et c’est ça le plus important.
Le Républicain : Vous sortez optimistes de ces échanges avec le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta ?
Soumaïla Cissé : Non, je reste toujours préoccupé par la situation du Mali. Il faut être comme Saint Thomas, il faut croire que ce qu’on voit, il faut être pragmatique, le moment où on sera sur les rails, qu’on se dit bon, le chemin est tracé, ce jour là, l’optimisme va venir. Je crois que nous devons rester très graves sur la situation du pays, savoir où les responsabilités sont énormes et que le pays est très grand et que notre pays est face à un mur aujourd’hui, il faut le briser, il faut trouver un chemin, il faut tracer ce chemin et il faut pouvoir l’emprunter de façon sure pour avancer, nous ne sommes qu’au début mais il faut s’activer assez vite, ne pas laisser le temps aux forces du mal de prendre la place.
Propos recueillis par Aguibou Sogodogo
Source: Lerepublicainmali