Dans son adresse à la nation, vendredi dernier, le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, a annoncé une batterie de mesures économiques visant à soutenir les agents économiques (commerçants, sociétés et entreprises) déjà mis à rudes épreuves par la maladie à coronavirus. L’incidence financière est évaluée à près de 500 milliards de Fcfa, «selon les hypothèses les plus basses»
Un geste énorme et presque inespéré par nos concitoyens évoluant dans le secteur privé. Certains d’entre eux ont déjà commencé à fermer boutique. Les mesures prises par le chef de l’État permettront d’empêcher le Covid-19 d’étouffer notre économie. Pour ce faire, l’ensemble de la dette intérieure (l’ensemble des crédits détenus par les agents économiques) due au 31 décembre 2019 dont «le reste était évalué à 70 milliards de Fcfa», sera apuré. Aussi, sera diligenté le paiement des mandats au titre de l’exercice 2020 à hauteur de 100 milliards de Fcfa. Soit un total de près de 170 milliards de Fcfa de soutien direct à l’activité économique et aux entreprises.
Ce choix privilégié par le président Keïta est loin d’être fortuit. En effet, l’accumulation d’arriérés de paiement au titre de la dette intérieure, dont 59% arrivent à échéance entre 2019 et 2021, constituait un risque de blocage de l’activité économique et du secteur privé. Les institutions financières africaines et internationales alertaient à ce sujet depuis longtemps.
Toujours pour doper l’activité économique, des garantis seront mis à la disposition des petites et moyennes entreprises qui forment plus de 70% de nos entreprises. Pour ce faire, le chef de l’État a promis de doter le Fonds de garantie du secteur privé de 20 milliards de Fcfa, destinés à garantir les besoins de financement des PME/PMI, des systèmes financiers décentralisés, des industries et de certaines grandes entreprises affectées par la pandémie.
Ce fonds pourrait par exemple servir les entreprises textiles et les artisans locaux qui vont être mobilisés pour la confection de milliers de masques lavables. À préciser que le Fonds de garantie pour le secteur privé, établissement financier au capital social de 5,6 milliards de Fcfa, garantit partiellement les banques et établissements financiers pour des crédits accordés à des PME/PMI et à des institutions financières décentralisés du secteur privé. Cela concernant : la création, la modernisation et l’extension de leurs activités, pour des crédits à court terme (crédits de campagne, besoins en fonds de roulement, etc).
Pour les entreprises sérieusement affectées par Covid-19, leurs crédits seront restructurés et des orientations seront données aux banques, afin qu’elles puissent bénéficier des concessions accordées par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, a rassuré le président de la République. Ici, le chef de l’État faisait allusion à la décision de la BCEAO d’augmenter les ressources mises à la disposition des banques. En application de cette directive, «une première hausse de 340 milliards de Fcfa a été apportée au montant que la Banque centrale accorde chaque semaine aux banques, pour le porter à 4.750 milliards de Fcfa». En matière de refinancement des banques, la BCEAO a pris l’initiative de coter 1.700 entreprises privées dont les effets n’étaient pas acceptés auparavant dans son portefeuille.
«Cette action permettra aux banques d’accéder à des ressources complémentaires de 1.050 milliards de Fcfa et aux entreprises concernées de négocier et bénéficier de meilleures conditions pour leurs emprunts», selon la Banque de l’Uemoa. Elle invite les banques à l’utilisation de ressources disponibles sur le guichet spécial de refinancement des crédits accordés aux petites et moyennes entreprises (PME/PMI). Ce guichet, sans plafond, a été créé dans le cadre du dispositif mis en place par la BCEAO en accord avec les banques et les États pour promouvoir le financement des PME/PMI dans l’Union. En contrepartie, la BCEAO promet de solliciter les banques pour qu’elles accordent les reports d’échéances appropriés, en particulier aux PME/PMI. Une demande très chère notamment à nos transporteurs qui ont, ces dernières années, contracté beaucoup de crédits auprès des banques. Plusieurs d’entre eux se disent aujourd’hui dans l’incapacité de rembourser les prêts à cause de la fermeture des frontières.
Outre le suivi rigoureux de l’application de ces recommandations de la BCEAO, Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé des «remises d’impôts, au cas par cas et secteur par secteur, aux entreprises privées impactées par les mesures de prévention du Covid-19, en l’occurrence les secteurs les plus sinistrés tels que les industries touristiques (hôtellerie, agences de voyage et restauration), culturels et les transports. Le but de ces renonciations est de protéger les emplois.
Cheick M. TRAORÉ
Source : L’essor