Qu’est-ce qui arrive à notre armée ? Pourquoi, malgré certaines dispositions prises en son sein et dans le cadre de sa direction, elle enregistre la plupart du temps d’incompréhensibles défaites comme celle de Sokolo d’il y a quelques jours ?
Avant Sokolo (que nous déplorons tous), il y a eu Indelimane, Boulkessy, Guiré, Nampala, Diabaly… Le scénario est à chaque fois simple et le même : une horde d’hommes armés à motos, habillés en haillons et détenant un drapeau noir (sur lequel est inscrit une phrase en arabe), font irruption, à l’aube, dans un camp militaire, tirent sur tout ce qui bouge, brûlent tout sur leur passage et sèment la désolation dans nos rangs. Bilan à chaque fois : au moins une dizaine de morts et tout le matériel acquis à coup de milliards emporté.
Qu’est-ce qui ne marche pas pour que nos FAMa (Forces armées maliennes) soient toujours, par effet de surprise, attaquées, qu’elles subissent, à chaque fois, de telles pertes, et que (jamais) aucun renfort ne vienne à leur secours ?
Aucune de ces questions n’a de réponse exacte à notre niveau, ni à celui du citoyen lambda. Nous allons, ici, essayer de dénoncer certaines pratiques au sein de notre armée. Des pratiques qui, à notre avis, si elles sont châtiées, permettraient de sauver des vies et faire monter notre armée en puissance. Et véritablement !
Inconscience et insouciance
Avant toute chose, il est important de signaler ici que la première pratique qui paralyse, sérieusement et dangereusement, notre armée, c’est le mauvais management ; à savoir, le comportement malsain et indigne d’une certaine hiérarchie et de certains civils (politiques) ayant pignon sur rue dans le secteur militaire.
Il s’agit ici des actes de détournements d’argent, de biens et d’équipements destinés à l’armée. On ne finira jamais de dénoncer les scabreuses et humiliantes affaires relatives à l’achat de l’avion présidentiel, d’équipements militaires (avec des paires de chaussettes à 30 000 FCFA) et, récemment, celle des avions cloués au sol.
Dès le départ, en réalité, à savoir le début du mandat de l’actuel président de la République, une certaine mafia, abusant de la confiance d’un peuple déjà usé par la crise partie du Nord de notre pays, des rébellions récurrentes, avait vite compris qu’il y avait, au niveau de l’armée, «à boire et à manger». Une mafia d’autant plus puissante qu’elle se trouvait (se trouve encore) très haut perchée, très proche du nouveau président et associée aux prises de décisions au plus haut niveau.
Des membres de sa famille, des futurs députés, des ministres, des membres de son cabinet, de véritables escrocs, venaient de décider qu’ils allaient s’enrichir impunément au détriment du pays et de son armée. Aussitôt dit aussitôt fait !
La suite, c’est surtout la Loi d’orientation et de programmation militaire et tous les milliards qu’elle a injectés et déversés dans les poches de plusieurs responsables et sur des comptes bancaires au-delà de nos frontières. Plus du millier de milliards engloutis, pour quel résultat ? Aucun ! Nos soldats continuent de tomber comme des mouches. Ils ne disposent d’aucune infrastructure digne de ce nom. Des camps sans adduction d’eau, sans, même, le moindre petit mirador.
Injustice et négligence
Au sein des FAMa, le souci, ce ne sont pas simplement les détournements et autres comportements cupides de la hiérarchie. Il y a aussi de l’injustice. Tous les militaires, surtout les jeunes qui viennent d’arriver ou ceux qui sont sur le terrain (ou futurs envoyés), ne sont pas logés à la même enseigne. Ils ne bénéficient pas des mêmes avantages et ne sont pas traités de la même manière.
Certains passent toute leur carrière dans des zones à risques, d’autres n’y vont jamais ; certains avancent en avantage et en grade, presque tous les ans, pendant que d’autres gardent le même grade des dizaines d’années, bien qu’ils travaillent dans des parties dangereuses du pays.
Toute leur carrière durant, certains militaires maliens (surtout les fils de riches, de puissants hommes politiques, et d’officiers supérieurs), et c’est facile à vérifier, ne prennent jamais de risque ; sont mis dans les meilleures conditions, affectés aux meilleurs postes, pendant que certains meurent tous les jours sous le coup d’embuscades, de poses d’EID et autres attaques lâches.
Où sont passés les renforts
La situation de nos soldats, surtout ceux sur le terrain, est tellement précaire et incompréhensible que l’on a, souvent, l’impression qu’il n’y a pas de chef et que personne, au niveau de la hiérarchie, ne se soucie du sort des FAMa. La preuve, ce sont les conditions dans lesquelles les militaires meurent sur le terrain.
Le dernier cas en date est celui de Sokolo. Deux heures durant, les gendarmes se sont battus sans qu’aucun renfort ne vienne leur prêter main forte, en dépit de tous les appels de détresse et demandes de soutien à un camp proche (celui de Diabaly) distant d’une vingtaine de kilomètres. Cette question de renforts -qui n’arrivent jamais à temps- revient de manière récurrente et personne ne peut l’expliquer.
Moussa Touré
Source : Nouvelle Libération