Au Mali, dans ce pays laïc à majorité musulmane, des voix se lèvent de plus en plus contre l’ouverture ou pour demander la fermeture de bars-restaurants.
« L’État malien doit savoir traiter de la question de la place de la religion dans notre société et des rapports entre le religieux et le politique, entre le religieux et l’État pour établir des relations apaisées », invitait Moussa Mara, ex-président du parti Yéléma, le changement, dans son ouvrage « Le Mali entre vents et marée : 2015-2017 ». Un passage qui renouvelle le débat sur la laïcité dans la démocratie malienne.
De la division sociale
Dans la république, chaque couche sociale demeure dans une cage qu’il doit savoir occuper en se sacrifiant à s’y contenir pour éviter tout débordement dans des cages voisines. Cela nous rappelle la division platonicienne, en référence à l’intellectuel antique grec Platon, de la société. D’un côté les gouvernants, qui correspondent aux hommes politiques dans nos démocraties et aux plus intelligents selon cet intellectuel ; d’autre part, les ouvriers qui doivent se soucier de la santé économique de la nation ; et enfin les gardiens pour assurer la sécurité de l’État. Tant que cette architecture est respectée, l’égalité règne dans la société et par ricochet la stabilité et la paix sont au rendez-vous.
En République du Mali, toutes les classes auraient l’ambition de rejoindre la première. D’où une présence de plus en plus accrue des religieux sur la scène politique. Beaucoup d’initiatives viennent d’eux, ils sont concertés par les autorités politiques, en quête de popularité, lors de la prise de certaines décisions sur la vie de la nation.
À travers cette exfiltration des religieux de leur cage, les politiques se tirent une balle dans les pieds. Toutefois, cette exfiltration n’est-elle pas salutaire dans un pays où les dirigeants mépriseraient les textes ?
Des soulèvements
En 2020, l’imam Mahmoud Dicko n’était-il pas la caution morale du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui a fait partir l’ex-président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) ? Le chérif de Nioro, M’bouillé Haidara ne s’est-il pas également opposé, en 2020, à un avant-projet de loi contre les violences faites aux femmes tout en demandant la démission de la ministre qui l’avait introduit ?
Depuis quelque temps déjà, des musulmans du Mali sont vent debout contre une certaine pratique, qui constitue pourtant une activité génératrice de revenus dans ce pays frappé par une insécurité multidimensionnelle : l’ouverture des bars dans certaines conditions. En mai 2021, à Boulkassoumbougou-Kouloubléni, des musulmans se sont opposés à l’ouverture d’un bar-restaurant de l’artiste Salif Kéïta pour la raison que l’édifice est proche d’une mosquée. Pendant le même temps, à Kabala, quartier périphérique du district de Bamako, une frange de la jeunesse, accompagnée de quelques imams et de jeunes de certaines mosquées, mène également la danse contre le bar-restaurant « Espoir » pour le même motif, en plus de la proximité aux domiciles. Dans ce quartier, plusieurs autres bars seraient dans l’œil du cyclone. Mais n’ont-ils pas d’une part raison ?
Aux autorités politiques d’agir
Le décret N° 2018 — 0968/P-RM du 31 décembre 2018 précise, en son article 15, les conditions d’implantation de ces établissements : « Les établissements de tourisme comme les débits de boissons, situés entre les maisons à usage d’habitation ou adjacents aux édifices ci-dessous ne peuvent prétendre à une autorisation d’implantation ». Les édifices auxquels ils ne doivent pas être proches sont les lieux de culte, les cimetières, les établissements scolaires et universitaires, les crèches et les jardins d’enfants, les établissements hospitaliers et les centres de santé, des casernes et autres édifices et espaces militaires.
Ces soulèvements, s’ils ne sont pas rationnellement gérés par l’État, risquent de basculer le Mali dans une autre zone de turbulence. « L’État doit s’intéresser rapidement à la question de la prolifération des maisons closes et des hôtels de prostitution en collaboration avec les collectivités dans le sens du durcissement des conditionnalités de leur fonctionnement et surtout dans le sens du strict respect des textes en la matière », recommandait l’ex-Premier ministre Moussa Mara dans son ouvrage ci — dessus cité.
De nos jours, à Bamako, difficile d’ouvrir des établissements de jouissance sans être proche d’une mosquée, d’un domicile, d’une école ou d’un établissement sanitaire.
Fousseni Togola
Source : Maliweb.net