La tragédie de Ogossagou semble avoir déréglé la belle mécanique du gouvernement dans une région qui avait été présentée par le premier ministre, à sa nomination, comme la future clé de son succès. L’expression et les actes traduisent depuis samedi un manque de cohérence et de sérénité. Quelques heures après les massacres, le gouvernement publie un communiqué où il met le crime de masse sur le compte d’individus “non identifiés” qu’il promettait de traquer et de punir !
Vingt-quatre heures après, le Conseil des ministres extraordinaire prononçait la dissolution du groupe Dan Na Ambassagou, laissant planer une forte odeur de soupçon sur cette milice d’auto-défense. Il n’est pas idiot de penser que cette décision n’a pu venir que de IBK lui-même devant les atermoiements d’un gouvernement visiblement mal à l’aise.
L’embarras presque palpable du premier ministre annonçant la mesure était une indication de l’impasse de sa gestion de crise adossée à des mouvements aussi incontrôlables.
Les multiples allégations contre la milice, à mesure que la violence meurtrière s’amplifiait, n’ont dicté aucune attitude de prudence au sommet du gouvernement. Les visites de terrain du PM donnaient lieu à des scènes surréalistes de proximité avec celui qui se présente comme le chef d’état-major de Dan Na Ambassagou, Youssouf Toloba, qui obtenait même pour le désarmement de sa milice, le recrutement de dizaine de jeunes dans l’armée. Troublant !
Personne ne fera au premier ministre le procès de ne s’être pas intéressé au Centre du pays, mais personne ne peut mettre aussi à son actif la moindre avancée en faveur de la paix dans ce ventre mou de l’insécurité qui a relégué les régions du Nord au second plan. Bien au contraire !
La dissolution de Dan Na Ambassagou signe l’échec du plan de sortie de crise du PM qui suscite la méfiance des responsables de la communauté peule et perd la carte qu’il avait dans son jeu, côté communauté Dogons.
L’attitude des partenaires étrangers dans la sécurisation de notre pays est encore plus troublante. L’obsession pour la mise en œuvre de l’accord dit d’Alger leur a fait oublier que le Mali vit une crise d’ampleur plus grave au Centre qu’il n’en a connu au Nord depuis 2012. Le drame de Ogossagou a symboliquement éclaboussé les membres du Conseil de sécurité réunis à Bamako à la même date. Personne ne peut plus détourner son regard de cette tragédie.
La MINUSMA qui n’a pas vocation à combattre le terrorisme serait en peine de nous dire que la protection des civils au Centre n’est pas aussi dans son mandat. Que dire de la tiédeur de la France, de l’Union européenne ? Les militants des droits humains se consoleront de constater que Fatou Bensaouda et la CPI se sont réveillées de leur torpeur!
C H Sylla