Il n’y a aucun doute que sept années de règne d’Ibrahim Boubacar Keïta ont plongé le Mali dans un cul-de-sac béant. Mais cet ogre traqué, puis chassé et mis hors état de nuire, l’on avait bien nourri l’espoir que les sales écuries qu’il a laissées seraient vite nettoyées à grande eau pour amorcer une vie normale pleine d’espoir.
Hélas ! C’est le temps des incertitudes qui s’est ouvert. Oui, ce sont les incertitudes qui turlupinent maintenant nos compatriotes et leur font douter de l’avenir radieux dont ils ont rêvé.
L’incertitude au sommet de l’État est ce qui le plus plonge les Maliens dans l’angoisse, voire dans l’anxiété quasi permanente. Un trio est désormais en place pour la bonne gouvernance, mais les missions de chacun des membres de ce triumvirat semblent constituer une lourde hypothèque pour celles des deux autres. Le Président de la Transition n’est pas clairement le chef suprême des armées, garant de l’intégrité du territoire national et de la sécurité des personnes et des biens. Le vice-président est chargé de la défense et de la sécurité, prérogatives qu’il chipe, en quelque sorte, au Président ; mais la Charte de la Transition ne dit pas qu’il est le chef des armées, et pourtant c’est lui qui s’est précipité, après le 18 août, à nommer aux fonctions militaires ; même le chef d’état-major particulier du Président a été nommé par lui le 24 septembre, un jour avant la double prestation de serment de Bah N’Daw et lui-même.
On se demande quelle marge de manœuvre aura Moctar Ouane, Premier ministre nommé par Bah N’Daw : sera-t-il sans ambiguïté aucune sous l’autorité effective du Président ou devra-t-il apprendre à nager entre les deux premières têtes de la gouvernance transitoire ? Colonel Assimi Goïta sera-t-il, en plus d’être le vice-président, le super ministre de la défense et de la sécurité ? Au cas où ces postes devraient être pourvus par d’autres, qui va nommer le futur ministre de la défense et celui de la sécurité ? Le Président de la Transition ou le vice-président chargé des questions de défense et de sécurité ? Grave questionnement.
L’autre grande incertitude est la position de la CEDEAO qui rechigne à lever l’embargo contre notre pays. Elle ne veut nullement s’accommoder de militaires qui veulent maintenir la haute main sur les institutions du Mali. Or, ces militaires ont des idées derrière la tête qui ne peuvent plus être cachées, personne n’en est encore dupe. Le bras de fer risque de durer, au grand dam des Maliens.
Une troisième incertitude qui n’en clôt pas le cercle vicieux, c’est la réaction attendue de nos concitoyens face aux deux premières. Il est évident que le peuple pris à la gorge ne continuera pas à gémir simplement comme le loup de Vigny. Il se fera entendre, c’est la manière qui reste à déterminer. Pourvu qu’au sommet, la sagesse prévale en faisant place à toute l’intelligence patriotique.
C H Sylla
Source : L’aube