Alors que les autorités de Transition ont informé par écrit la CEDEAO de l’incapacité de tenir les élections législatives et présidentielles au délai initialement prévu, l’organisation sous-régionale, au cours de sa 3è session extraordinaire tenue le 06 novembre courant à Accra, a toutefois imposé une interdiction de voyager et un gel des avoirs financiers à la junte, au gouvernement, au CNT, à leur famille, ainsi que des « groupes identifiés ». Elle a aussi invité l’UA, l’ONU et l’Europe à faire de même et promet en outre d’autres sanctions le mois prochain. Quant à la France qui tire les ficelles de toutes ces sanctions de la CEDEAO contre le Mali, elle dit vouloir apporter son aide à l’organisation sous-régionale. Au vu des recommandations prises, il y a plus de peur que de mal, mais la question qui est sur toutes les lèvres est la suivante : s’achemine-t-on vers une véritable strangulation lente mais inexorable de notre pays si seulement si les progrès que veut la CEDEAO (même au détriment des intérêts du peuple malien) ne sont pas réalisés ? Ce qui se dessine n’est rien d’autre qu’un complot venant de l’intérieur du pays contre la Transition entretenu par la France et la CEDEAO.
– Où se situe le problème ?
Sans contexte, il est clair que la pomme de discorde, c’est bien la tenue des Assises Nationales de Refondation (ANR) et le respect des dates des élections législatives et présidentielles. D’un côté, la CEDEAO tient fermement à ses sanctions tant que le Mali n’a pas respecté les engagements pris, de l’autre le Mali qui poursuit inexorablement sa refondation en posant le premier acte que sont les Assises rejetées par la CEDEAO, pourtant passage obligé, côté Transition, pour les élections fermement exigées par la CEDEAO. Pour l’instant, nous assistons non pas à un dialogue de sourds, mais un jeu de ping-pong entre des prétendus adversaires qui se pèsent et soupèsent, chacun espérant que la balance se penchera de son côté. Si la mission de la CEDEAO est de nature à aider le Mali, pourquoi est-elle si réticente à l’idée même de la tenue des Assises nationales, malgré les explications fournies par les autorités de la Transition ? Pourtant, à analyser de près, ces Assises nationales sont censées apporter du sang neuf dans notre système de gouvernance que la CEDEAO ne cesse d’exiger à ses Etats membres. Et pour cause :
– La CEDEAO dit exiger la bonne gouvernance, ces Assises Nationales sont le levier pour y parvenir ;
– La CEDEAO exige la tenue d’élections paisibles et sujettes à moins de contestations, ces Assises Nationales tracent le chemin pour y parvenir ;
– La CEDEAO exige l’instauration d’un régime démocratiquement élu, ces Assises Nationales en donnent la possibilité. Alors, où se situe le problème ?
A notre avis, il se situe au cœur même du système que les dirigeants de la Transition, avec le soutien du peuple, veulent déboulonner dont les tenants, trente ans durant, ont trahi les idéaux du peuple malien et l’ont jeté en pâture à ses pires ennemis : les fossoyeurs de son économie au profit de leur mentor qui n’est autre que la France. La CEDEAO doit comprendre que la nouvelle mentalité que nourrissent les maliens depuis les moments chauds de la lutte contre le régime d’IBK et depuis le mois de juin dernier avec l’arrivée du Colonel Assimi au pouvoir, est que les élections ne doivent plus être une question de personne et lorsque les électeurs votent, ils ne cherchent ni un mari, ni un ami, ni un papa ou une maman. Car, les considérations sur les prétendues « personnalités indispensables » (qui ont jadis gouverné et détruit l’expression populaire) sont les artifices des hypocrites pour ne pas assumer les réalités politiques de fond. Maintenant, seuls doivent compter les sacrifices que les candidats sont en mesure de concéder pour leurs localités qui leurs vaut le soutien des électeurs. C’est cela le Mali koura.
– Des politiciens populophobes
Mais, ce qu’on a constaté lors du meeting du M6-KFC. C’est bien un ramassis de mécontents, tous nantis d’un faux manteau de populisme en manque d’initiatives, ligués contre la personne du Premier ministre Choguel K MAIGA (comme si c’est Choguel qui fixe les règles du jeu alors qu’il a un Chef en la personne d’Assimi GOITA et tout le monde connaît les limites d’un Premier ministre dans un régime d’exception (comme la Transition) et/ou présidentiel (comme le confère notre Constitution). En effet, pour être populiste, il faut être populaire, ce qui n’est pas le cas de cette meute de politiciens affamés et accablés par l’instinct de survie cherchant désespérément de quoi s’entretenir et entretenir les militants qui les abandonnent petit à petit pour chercher leur pain ailleurs. Ces politiciens sont plutôt populophobes, car ils parlent beaucoup du Mali, mais peu se sacrifient pour lui. Et au plus fort de la lutte du M5-RFP contre le régime IBK, ce sont ces mêmes politiciens qui se retranchaient derrière le pouvoir avant de lui donner l’estocade quand ils ont su que la cause était entendue et qu’il faille changer de fusil d’épaule. Après cette trahison ourdie contre le Président IBK, les voilà qu’ils remettent avec ce meeting qu’ils viennent d’organiser et qui prouve à suffisance qu’ils n’ont pas encore compris le sens de la direction du vent de la refondation et du Mali Koura. En revendiquant les mêmes griefs formulés par les Chefs de la CEDEAO contre les autorités de la Transition, ils ont montré leur face cachée trempée dans du fiel de la trahison au peuple et qu’ils ont, malheureusement, reculé pour sauter encore… plus bas.
C’est d’ailleurs ce soutien loufoque qui génère un effet d’optique déformant dans les perceptions des Chefs d’Etat de la CEDEAO. Et à distance de la réalité du terrain, se joue donc le destin (tragique) d’une nation sciemment entretenu par certains de ses propres fils. Une nation qui aspire à la paix et au bien-être de sa population mais que des politiciens véreux (par incurie politique) veulent bloquer parce qu’ils ne se retrouvent plus dans un schéma qui les tient à l’écart de la nouvelle real politique malienne. A tout point de vue, il semble que les organisateurs de ce meeting et leurs partisans en général ont été payés de leur naïveté face à la mesure de sanctions que la CEDEAO s’apprêtait à prendre contre le Mali. Mais, tel Icare qui a brûlé ses ailes, les anti-Assises Nationales ont brûlé leurs faisceaux auprès du peuple malien dont la majorité est favorable à sa tenue.
– Un renouvellement de la classe politique s’impose
Principal moteur de l’Histoire et/ou instrument aux mains de meneurs habiles qui exploitent à leur profit ses qualités et ses défauts, c’est le lieu d’interpeller la jeunesse à prendre sa destinée en mains et à se débarrasser de ces vieux briscards de la politique qui n’ont d’autres soucieux que leur perpétuation à la tête des partis. Histoire d’éviter de refourguer sur la scène les hommes-politique qui ont lamentablement échoué, il est temps d’injecter “du sang neuf” dans la classe politique et la jeunesse doit pousser ces vieux loups à trouver le moyen d’encourager la transmission. Pendant trente ans qu’ils sont aux commandes de l’Etat, le pays ne cesse d’aller à reculons et c’est parce qu’ils ont échoué qu’on en est arrivé là : aucune perspective pour le pays, un état disloqué aux antipodes du progrès, un avenir sombre pour ses enfants. Loin d’un déni de démocratie, il s’agit de reconnaître, de valoriser et d’encourager l’engagement des jeunes qui se trouvent en première ligne, poussés par leur besoin d’absolu, leur désir de changement, leur courage et leur dynamisme. Les jeunes sont donc avertis, ils ne doivent pas rater pas ce virage au risque de compromettre définitivement leur avenir. Car, le Mali Koura, c’est aussi le renouvellement de la classe politique.
En cette phase de la crise sécuritaire généralisée que traverse notre pays, il y’a lieu d’être inquiet de voir certains politiques enjamber les Assises Nationales. Parce qu’en toute conscience, après toutes ces souffrances subies, le peuple ne peut pas se donner le luxe de rater ce virage de la refondation. Ces Assises sont un moyen pour tout citoyen de pouvoir se forger une opinion politique loyalement avant de l’exprimer dans l’urne. C’est pourquoi, elles demandent du temps pour développer les idées et arguments et des formats transparents et loyaux. En somme, loin des sentences marionnettistes de la CEDEAO et de leurs thuriféraires politiques de seconde main qui prétendent nous assigner quoi dire ou quoi penser. Notre chemin vers l’urne doit être libre et éclairé. Peut-on réellement réussir ce challenge en un si peu de temps dans un pays en guerre et occupé des 2/3 ?
L’énergie consacrée par les Chefs d’Etat de la CEDEAO, la France et leurs soutiens politiques pour conjurer le coup d’Etat au Mali est redoutable. Tout simplement parce qu’ils ont peur que le peuple prenne vraiment le pouvoir politique pour « bouleverser les équilibres politiques et économiques de la sous-région ». Aidée par la France et par des politiciens en mal d’audience auprès du peuple, tout est mis à l’œuvre par la CEDEAO pour faire plier les dirigeants actuels de la Transition. Comme s’ils oublient que le ver du changement est déjà dans le fruit sous-régional et que l’identité républicaine du peuple est un socle solide et majoritaire depuis la chute d’IBK. Les maliens de tout temps sont attachés à la souveraineté du peuple et à la liberté. Et à chaque fois, il a trouvé le ressort nécessaire de surmonter les dures épreuves. Cette guerre qui nous est imposée par la France et la CEDEAO ne fera pas exception.
Mohamed Sacko
Source : Zénith Balé