G5 SAHEL : chronique d’une disparition programmée

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Disparition, en lieu et place d’opérationnalisation, tel est le choix que font la France et l’Allemagne à propos de la force conjointe du G5 Sahel. En effet, une des annonces du sommet du G7 qui s’est achevé le lundi dernier à Biarritz en France, c’est l’avènement en perspective d’un nouveau pacte de sécurité dans la zone sahélienne. En réalité, un doux euphémisme pour constater l’échec de l’initiative du G5 Sahel et annoncer un nouveau cadre sécuritaire et de coopération pour lui succéder. Rien de mal en cela, à priori. Eu égard à la vitesse à laquelle le péril terroriste se propage dans toute la région ouest-africaine, il est même compréhensible qu’une approche plus inclusive soit envisagée. Il y a un hic cependant ? La crainte que tout cela n’ait été en réalité initié par la France et l’Allemagne pour être imposé à la région ouest-africaine. Dans cette éventualité, on peut être certain que le nouveau machin ne sera guère plus efficace que celui qu’il est appelé à remplacer.

 Un échec collectif, une responsabilité partagée

Néanmoins, quand on administrera l’ultime coup de grâce au G5 Sahel, pas grand-monde ne devrait verser des larmes. Parce qu’en vérité, il n’y aura pas de quoi en pleurer. Depuis sa création en février 2014, l’initiative peine à produire des résultats tangibles. L’essentiel de sa vie, elle l’aura passé à se débattre sur des questions de sa propre existence. Bien sûr, les Etats de la région en général et les cinq membres de la force en particulier, sont responsables de cet échec cuisant. Parce qu’après tout, c’est à eux qu’il incombe de réunir les conditions de la sécurité de leurs pays respectifs. Mais après ce niveau de responsabilité plutôt basique, c’est celle de la communauté internationale dans son ensemble qu’il convient de situer. En effet, comment le G5 aurait-il pu produire des résultats si les grandes puissances rechignent à le financer ? Certes, Emmanuel Macron, depuis son avènement au palais de l’Elysée, se bat comme il peut pour booster le dispositif du G5 Sahel. Quoi que son volontarisme, à lui aussi, est davantage dicté par le besoin de sortir ses troupes de cette lancinante crise sécuritaire du Sahel. Mais il faut bien admettre que son lobbying s’est d’abord heurté à la méfiance de Donald Trump. Puis, le sommet des donateurs de Bruxelles en février 2018, est resté sans suite. Or, sur le terrain pour faire des résultats, la force mixte avait besoin des 414 millions d’euros promis pour s’offrir des équipements de protection individuelle, des moyens de transport appropriés à une zone truffée de mines anti-personnel, de moyens de communication, d’armement, pour des nécessités de formation ou de construction de 14 camps fortifiés ou la reconstruction du QG de Sévaré, détruit à la suite d’un attentat l’ayant ciblé en juin 2018. Les engagements n’ayant pas été honorés, les résultats n’ont pas suivi. Personne ne devrait en être étonné.

Emmanuel Macron ou l’art de contourner un échec

Sauf que cet échec-là, Emmanuel Macron l’envisage un peu trop de manière personnelle. Ce qui n’est pas nécessairement inexact. Adepte des grandes annonces, il est vrai que c’est lui qui s’était engagé à faire du G5 Sahel un dispositif efficace et crédible. Porté à l’époque par l’euphorie de sa brillante élection, il pensait sans doute qu’il lui suffisait de claquer le doigt pour que le reste du monde suive. Eh bien, à l’heure du bilan, force est de constater que son grand soutien au G5 Sahel n’aura pas fait bouger les lignes. Loin s’en faut. Depuis deux ans, on tourne en rond. Au point que lui-même se rend à l’évidence. Et puisqu’il n’est pas du genre à admettre son échec, il profite du sommet du G7 qu’il vient d’organiser à Biarritz, pour annoncer un nouveau pacte stratégique pour la sécurité au Sahel. Ayant tiré les leçons de sa précédente aventure solitaire, il prend cette fois le soin d’associer au nouveau dispositif Angela Merkel, la chancelière allemande. Ça tombe plutôt bien car l’Allemagne manifeste de plus en plus son intérêt vis-à-vis de l’Afrique de l’ouest. Depuis la crise migratoire que le pays a enregistrée en 2015, en particulier. Et concrètement, le nouveau dispositif dont les contours devraient être mieux définis prochainement, suppose une plus grande implication des autres pays de la sous-région dans la gestion de la problématique sécuritaire au Sahel. Au-delà des cinq pays du G5, le nouveau pacte devrait impliquer le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Ghana, le Togo, le Bénin, etc. Bref, ce devrait être une articulation autour d’une bonne partie des pays de l’espace CEDEAO, plus le Tchad. Par ailleurs, des douaniers, gendarmes et policiers de tous ces pays réunis devraient suivre une formation pour participer de manière plus active à la veille et à la lutte du péril terroriste dans la région.

Tirer les leçons

D’un certain point de vue, l’évolution préconisée est fort louable. Mais pour que le nouveau partenariat obtienne les résultats escomptés, il faudra tirer les leçons de l’échec du G5 Sahel. La seule substitution d’un dispositif à un autre ne suffit pas à gommer les problèmes de fond. Par ailleurs, il faudra s’assurer que les pays africains, les premiers concernés par tout ce débat, adhèrent librement à la nouvelle initiative et que la présence de Roch Marc Christian Kaboré au sommet du G7 n’aura pas été qu’un coup de com symbolique pour Macron. Autrement, le président français court infailliblement vers un nouvel échec diplomatique.

Boubacar Sanso BARRY    

Source : https://www.ledjely.com

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