Quelques magasins ont été approvisionnés ces derniers temps, mais les bombonnes ont été enlevées comme de petits pains. Les commerçants affichent leur optimisme, mais la crise n’est pas encore terminée
Ménages, unités industrielles, restaurants et autres petites activités dépendantes du gaz butane ont tous senti la suspension de la production et de la distribution du gaz butane. Cela, pendant presque deux mois. La cause principale évoquée par les gaziers est d’ordre économique. D’après eux, le gouvernement doit leur verser environ 7 milliards de Fcfa pour la subvention des bombonnes de 3 et 6 kilos. Cette subvention permettait aux ménages d’avoir les bonbonnes subventionnées par l’État moins chères. Mais force est de constater que chaque année, la pénurie de gaz revient sur la table. Le mercredi 5 février dernier, le Groupe des professionnels du gaz butane au Mali a tenu un point de presse au siège de Sodigaz, un des poids lourds gaziers au Mali. Au cours de cette rencontre, le directeur général de la société, Oudiari Diawara, a annoncé la reprise timide de la production et de la distribution du gaz butane. Il a précisé que cette reprise ne concerne, pour le moment, que les bouteilles de 12 kilos et le vrac qui ne sont pas subventionnés par l’État.
Le DG de Sodigaz, a, par ailleurs, souligné que la timide reprise fait suite aux accords issus des rencontres et de dialogues avec les pouvoirs publics. Aux termes des rencontres, le gouvernement s’est engagé à régler une bonne partie des factures impayées de 2019 avec la ligne budgétaire de 2020, a indiqué Oudiari Diawara. Cet engagement de l’État est concrétisé par l’ouverture des crédits budgétaires, aboutissant à des mandats de paiement par le Trésor public, détaille un communiqué remis à la presse. Le document précise que les mandats de paiement par le Trésor public ont permis à certains producteurs de gaz de convaincre leurs banquiers et fournisseurs afin de redémarrer.
Par la voix de Oudiari Diawara, le Groupement des professionnels du gaz butane au Mali assure que la crise qui touche le sous secteur du gaz n’est nullement une grève encore moins une volonté délibérée de rétention du produit. Le problème, dit-il, est plutôt une crise de trésorerie aiguë due au manque de paiement du différentiel de prix pendant l’année 2019. Pour comprendre le différentiel de prix, il faut savoir que les sociétés importent le gaz. Elles paient le transport et le droit de douane à l’État malien. Pour vendre le produit fini aux consommateurs, les producteurs calculent le coût de revient en ajoutant leur bénéfice. C’est là que l’État intervient en prenant en charge 54% des prix de vente des bonbonnes de 3 et 6 kilos. C’est pourquoi, le consommateur trouve la bouteille de 6 kilos à 3.500Fcfa par exemple.
Soutenant l’État dans sa recherche de solution, le Groupement invite les autorités à accélérer le paiement des factures en souffrance afin de permettre aux opérateurs d’approvisionner le pays, en prévision du mois béni du Ramadan. Les professionnels du gaz ont déploré le comportement spéculatif de certains opérateurs du secteur informel, la passivité du gouvernement, des associations de défense des consommateurs et de la population. Pour la protection des consommateurs, les gaziers invitent l’État à interdire l’importation frauduleuse, l’emplissage des vieilles bouteilles, ainsi que leur transvasement qui, selon eux, constitue un réel danger. Aussi, les producteurs ont fait part de leur peur concernant la résolution des paiements de 2020. D’après eux, aucune piste n’est envisagée à présent. Par conséquent, ils se réservent le droit de vendre le gaz au prix réel si la situation en reste là. Face à cette préoccupation, une source du ministère de l’Économie et des Finances explique que l’État fixe chaque année un montant plafond à ne pas dépasser. Mais que, remarque la même source, les producteurs importent beaucoup plus d’année en année. « L’État paie par ligne, si cette ligne s’épuise, on attend l’année suivante », explique notre source, évoquant qu’un fonds gaz est actuellement en cours de préparation. Les producteurs gaziers vont participer à la gestion dudit fonds, confie notre source ministérielle.
Depuis l’annonce de la timide reprise de la vente de gaz, les consommateurs ont afflué sur les quelques revendeurs qui ont été les premiers à être servis. Il y a quelques jours, Aliou Traoré, un revendeur de gaz au Quartier-Mali en Commune V du district de Bamako expliquait que la reprise, bien que timide, est une excellente chose. Mais au passage de notre équipe de reportage, le commerçant était en manque de gaz et c’est seulement mardi dernier qu’il a été approvisionné, avec l’arrivée de quelques bouteilles de 6 kilos. Il vend la bouteille à 3.500Fcfa, contre 4.000, voire 5.000F cfa pour certains commerçants. Contrairement à Aliou Traoré, Amadou Kida, un commerçant du Quartier du fleuve n’a que des bouteilles vides dans son magasin. Il attend toujours son fournisseur qu’il appelle plusieurs fois par jour, mais qui ne décroche pas le téléphone. Pour le jeune commerçant, ce silence veut tout dire.
Source: L’Essor