Mr le Gouverneur, vous vous êtes rendu chez la cheffe du bureau de la MINUSMA le 14 octobre 2019 en compagnie dit-on des forces vives de la région de Mopti pour exprimer votre désolation face à la tournure des évènements qui ont consisté à saccager la base sinon le camp de la MINUSMA. Au cours de cette rencontre, vous avez rassuré que 120 policiers maliens viendront bientôt, pour asseoir l’autorité de l’Etat dans la ville de Mopti.
Quelle belle initiative si cette autorité pouvait s’étendre sur Boulkessi,Mondoro, Bandiagara, Bankass et Koro, etc.. Si cela était possible, pourquoi avoir attendu tout ce temps pour se rendre compte qu’un Gouverneur de surcroit un général peut asseoir une quelconque autorité de l’État sur l’ensemble des populations de la 5ème région ?
Posons-nous tout d’abord la question de savoir si notre Gouverneur a à son actif des hauts faits d’armes au Mali ? Où se sont passés ces hauts faits d’armes ? Et dans quelles régions du nord du Mali se sont passés ces hauts faits d’armes ? Êtes-vous un général de salon, comme tous les généraux nommés sous le mandat du Président IBK. Combien de généraux sont au Mali, cachés dans l’administration, alors que le Mali tel que légué par les pères fondateurs est en voie de disparaitre. Nous devons nous demander si par hasard, vous n’êtes pas impliqué dans les surfacturations des équipements militaires et l’achat d’hélicoptères en état épave au compte des FAMA.
Lorsque Boulkessi et Mondoro étaient en feu, l’aviation des FAMA stationnée à Mopti n’a pas pu décoller faute de carburant. Où étiez-vous en ce moment pour n’avoir pas pris les dispositions nécessaires pour ce faire, et éviter ainsi la mort d’une quarantaine de vos compagnons d’armes ? Il a fallu les avions français venus du Tchad et du Niger pour contrer les djihadistes et reprendre le camp. Le constat est que lorsqu’un militaire occupe un poste d’administrateur civil, il devient forcément un griot politique. Griot politique, vous l’êtes désormais, zélé vous l’êtes désormais, ‘’coco’’ (sel) vous l’êtes désormais, ‘’codiateur’’ (encenseur) vous l’êtes désormais. Avez-vous mesuré réellement l’ampleur de la crise malienne avant de délirer, comme si nous étions dans un pays normal ? Nous sommes désormais devant un vrai dilemme politique, sécuritaire du fait que les forces militaires étrangères (Barkhane et MINUSMA) n’ont pas la volonté de coordonner leurs actions sur le terrain ; et celle du G5 Sahel n’a pas reçu mandat de coordonner de ses actions, sachant bien qu’elles dépendent chaque année des fonds étrangers pour boucler leur financement. Ce qui fait que les populations sahéliennes se sentent outrageusement occupées par ces différentes forces armées étrangères qui finalement n’engrangent pas la victoire souhaitée par elles.
Les populations sont désormais convaincues que l’insécurité et le terrorisme armé ne pourront pas être éliminés par ces différentes forces avec des agendas cachés envers l’État malien, notamment face aux diverses stratégies non conventionnelles d’adaptation, de mobilité et de recomposition incessantes pratiquées par les groupes rebelles et les mouvements djihadistes sur le terrain, où l’État est généralement absent et/ou perçu comme illégitime.
- le Général Gouverneur savez-vous que les djihadistes ont accru leurs attaques terroristes dans le nord, notamment sous l’impulsion depuis 2017 du nouveau groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, dirigé par Iyad Ag Ghaly qui n’a pas été associé à l’accord d’Alger) et d’autres djihadistes ont lancé une nouvelle rébellion dans le centre du Mali notamment la région de Mopti dont vous avez en charge la gestion. Elle a désorganisé l’armée par leurs attaques contre, l’administration publique, le système judiciaire et le secteur scolaire. Ces attaques sont, semble-t-il, l’œuvre du prédicateur peulh Amadou Kouffa, qui serait membre du GSIM et voudrait instaurer un État théocratique salafiste dans la région de Mopti à l’image de l’empire du Macina.
La stratégie de ce mouvement djihadiste au centre du Mali est de diviser et d’opposer militairement les groupes ethniques (notamment Dogons et peulhs) et de se substituer à l’État pour régler les problèmes socio-économiques et judiciaires des populations locales en vue d’instaurer cet État théocratique.
Du fait de la déstabilisation politique au nord et au centre du Mali et de l’insécurité subséquente instaurées par les groupes rebelles et les mouvements djihadistes armés, depuis 2012 des dizaines de milliers de personnes ont fui ces zones (120 000 selon les organisations humanitaires) en direction d’autres régions du pays et à l’étranger, entraînant la chute de l’économie agricole rurale tout en multipliant les problèmes socio-économiques des parents et de ceux qui les reçoivent dans ces autres régions et à l’étranger. Savez-vous, M. le Général Gouverneur, que la presse malienne dénombre déjà plus de 6 000 morts civils et militaires de 2013 à 2018.
Notre conviction est qu’aucun général de l’armée ne doit être à des postes administratifs lorsque le pays est en guerre. Tel n’est pas votre cas. Cela ne vous fait-il pas honte ? Dans cette position administrative, le Mali ne gagnera jamais cette guerre, tant que ceux qui doivent être sur les champs de guerre préfèrent se réfugier dans des postes administratifs pour s’enrichir sur le dos de leurs administrés. De toutes les façons la victoire ne s’obtiendra pas en tout cas avec des généraux de salon.
Badou S KOBA
Source : Le Carréfour