Face à la situation sociopolitique et sécuritaire au Mali, un groupe d’une dizaine d’experts s’est réuni les 10 et 11 avril 2018 afin d’examiner le processus électoral du pays, en mettant en place le Groupe d’observation et d’analyse du processus électoral au Mali (GOAPE). Pour ce groupe réuni autour de 9 thématiques, au-delà d’un examen du processus électoral, il s’agit de définir les contours d’un mécanisme d’observation et d’analyse du processus électoral, avec une démarche innovante et d’informer les décideurs sur les modifications en lien avec la démocratisation dans notre pays. Les responsables de ce groupe, accompagné du représentant résident de la Fondation Konrad Adenauer, étaient face aux hommes de médias le jeudi 19 juillet 2018 à l’Hôtel Onomo. C’était pour présenter aux journalistes, le mécanisme qui fournira des analyses devant aboutir à des publications de rapports à la fin du processus en septembre prochain.
Selon les explications de ses responsables, il ressort que le GOAPE est composé d’une dizaine d’experts, de praticiens et d’universitaires. Il s’agit d’un groupe pluridisciplinaire ayant une connaissance approfondie des différents systèmes électoraux sur le continent ; comme au Burkina-Faso, au Tchad, en RD Congo, en Côte d’Ivoire, en Guinée, en Centre-Afrique, au Madagascar, au Mali et autres.
Le Pr Naffet Keita, membre du groupe de dire que « le GOAPE est un mécanisme non classique d’observation du processus électoral et a pour objectif de faire le monitoring du processus, de participer à l’observation des opérations de vote, de produire des analyses scientifiques et de rendre compte des changements démocratiques ». Pour eux, l’architecture et le contenu d’une grille dépendent de l’orientation que l’on veut donner à l’observation elle-même. Ainsi, disent-ils, « le GOAPE intègre les principes clés de l’observation qui sont, entre autres, la neutralité de l’observateur, la fiabilité des sources d’informations, l’analyse basée sur le cadre légal du pays ».
Aussi, à propos de la mission du GOAPE, il faudrait souligner que longtemps, l’observation des élections a été basée sur une démarche classique, se limitant à constater la transparence, la régularité des élections. Or, l’observation des enjeux, des défis et des positionnements politiques et citoyennes relatifs au cycle électoral ne sont pas toujours capitalisés. Et, ce défi limite la connaissance empirique du processus électoral au Mali. Ainsi, pour sortir de cette singularité méthodologique, le GOAPE est conçu, selon ses responsables, comme une approche innovante, afin d’éclairer les évolutions du cycle électoral, de la crise sociopolitique, institutionnelle et sécuritaire au Mali. C’est dans cette perspective que le GOAPE permettra de rendre compte des dynamiques de changement en cours au Mali.
Les 9 thématiques du GOAPE
Le Pr Naffet Keita expliquera aussi que le champ d’investigation du GOAPE est structuré autour de 9 thématiques. Le premier champ concerne l’analyse du contexte sociopolitique, institutionnel et sécuritaire du processus électoral. Le deuxième champ concerne la dynamique du cadre juridique, avec une analyse de la Constitution, du système législatif, de la loi électorale, des situations historiques et actuelles des élections, de la gestion du contentieux électoral et autres. La troisième thématique concerne l’analyse des discours, des questions majeures, des défis et enjeux liés au travail du ministère en charge des élections, de la DGE et de la CENI. La quatrième thématique concerne la dynamique des partis politiques et des mouvements associés. Ici, il s’agit d’analyser les déclarations de candidatures, l’animation de la campagne électorale, la mobilisation, l’influence de l’argent dans la campagne, les discours politiques, les projets de société et les jeux d’alliance entre les deux tours. La cinquième thématique se rapporte à l’activité électorale et à la dynamique du vote. Là, les membres du GOAPE analyseront la planification, la programmation, la budgétisation, la formation. Et, le jour du vote, ils observeront les agents électoraux, le processus du dépouillement et de centralisation et la proclamation des résultats. Avec la sixième thématique liée aux médias et aux réseaux sociaux, les analystes du GOAPE examineront les stratégies de communication des candidats, du gouvernement et la campagne électorale sur les médias, le comportement des médias publics et privés et l’utilisation de l’internet et des réseaux sociaux. Le septième champ concerne les dynamiques sociales et citoyennes relatives aux élections. Ici, il s’agit d’analyser l’influence de la dimension religieuse, notamment des leaders, dans l’élection, la logique des associations et clubs de soutien. Il y a aussi la cartographie de soutien aux candidats, les stratégies citoyennes pour la mobilisation des ressources des candidats, et le rôle de la société civile au niveau national, régional et local. La huitième thématique est liée aux dynamiques des acteurs extérieurs et des partenaires ; avec l’analyse de leur rôle, discours, positionnements, contribution et aussi des observateurs internationaux. La neuvième et dernière thématique concerne les dynamiques communautaires, spatiales et les revendications extrapolitiques dans le processus électoral, notamment la prise en compte de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. Là, il s’agira de faire une analyse socio-anthropologique du processus électoral, des mouvements communautaires et culturels et de la dynamique électorale. Il s’agira aussi d’observer les groupes armés, les mouvements signataires de l’accord dans le processus électoral, les conflits, les revendications ethniques en lien avec le processus électoral et la question politique.
Soulignons enfin que la mise en place du GOAPE a reçu le soutien de la Konrad Adenauer Stiftung. Il s’agit ainsi, pour elle de contribuer à la meilleure connaissance de la dynamique électorale au Mali, à travers cette approche.
Dieudonné Tembely