Longtemps annoncée et souhaitée, l’autonomie financière des Etats d’Afrique subsaharienne devra attendre encore un peu. Alors que beaucoup s’attendaient à l’opérationnalisation de la nouvelle monnaie, il semblerait que les chefs d’Etats ouest-africains ne sont pas d’accord sur le sujet. Véritable locomotive économique de l’UEMOA, la Côte d’Ivoire d’Alassane Ouattara défend contre vents et marées le CFA. Le Nigéria quant à lui est prêt à prendre part à l’Eco uniquement si la France n’est point présente dans le circuit. En attendant, voici dans les lignes qui suivent la complexité de l’existence même du Franc CFA, entre soumission coupable de nos autorités, mainmise française, et aussi ignorance du domaine financier.
Quatre règles d’or sont à retenir : 1- le Trésor Public français garantit la convertibilité des Franc CFA et comoriens dans n’importe quelle autre monnaie. 2- En échange, 50% des réserves de CFA et celles de 65 % du Franc comorien doivent être déposées sur les comptes du Trésor Public français. 3- Le taux de parité entre les Franc CFA ou comorien et l’Euro est fixe, 1 euro étant égal à 655, 957 F CFA depuis 1999. 4- Enfin, les transferts de capitaux dans la zone franc sont entièrement libres et gratuits. Pour la France, ces mécanismes permettent de maintenir un certain équilibre. Elle estime aussi que la zone franc est un instrument de solidarité et de développement. Mais, parmi les 15 pays de la zone, 13 sont considérés comme étant pauvres et très endettés par le FMI alors que dans le même temps l’Afrique constitue après l’Asie, la deuxième locomotive de croissance mondiale.
Pour assurer la parité avec l’Euro, les pays de la zone F CFA sont obligés de contrôler leur inflation, en d’autres termes, l’argent en circulation. Un taux d’inflation qui est de 2% pour l’UEMOA et 3% pour la CEMAC. Les banques nationales limitent donc les prêts aux entreprises. Des prêts qui ne représenteraient que 23 % du PIB dans la zone franc contre 150% en Afrique du Sud et 100% en Europe. Le cocktail est assassin pour l’économie de nos pays. Moins de crédits induit moins d’investissements, moins d’infrastructures et aussi et surtout moins de développement. A l’inverse, grâce au libre transfert des capitaux, les entreprises étrangères, elles, peuvent investir sur place. Dans les pays de l’UEMOA, les sociétés françaises assurent 50% des investissements étrangers. Concernant les banques, Société Générale, BNP Paribas et LCL représentent à elles seules, 70% du chiffre d’affaires des banques. Plutôt donc que de produire sur place, les pays de la zone franc importe de plus en plus. Le F CFA a 77 ans et les pays qui l’utilisent sont indépendants depuis plus de 50 ans. Après tout ce temps, force est de constater que toute décision sur le plan économique se fait sous l’œil de la France via ses représentants présents dans les organes décisionnaires des banques centrales.
Servitude volontaire des dirigeants africains
La Banque de France et le Trésor français exigent que lorsqu’on émet 1 Franc CFA, qu’on soit sûr d’avoir dans les caisses françaises 0, 20 F CFA sous forme de devises. Mais les Etats africains couvrent jusqu’à la totalité de l’émission monétaire. L’écart qui est de 80% pourrait servir à divers projet de développement dont des investissements. La question donc se pose : pourquoi nous détenons autant d’argent au sein du trésor public français que nous délaissons finalement ? Force est de constater que ce n’est pas la faute du Trésor français puisqu’il ne demande qu’une couverture à 20%. C’est donc la faute aux dirigeants africains qui n’utilisent pas cette grande réserve pour financer des investissements structurels. La reconquête d’instruments de souveraineté que sont le budget et la monnaie sont des conditions sine qua non pour tout développement. Les banques centrales de la zone franc sont évidemment au courant et participent sciemment à ce système de rente qui est dénoncé par tout un continent. Par ailleurs, le traitement de ses cadres et de ses retraités est dispendieux. Les élites africaines profitent de ce système pour s’en mettre pleins les poches au détriment de l’intérêt général. Pour avoir un niveau de vie prêt des standards occidentaux, ils sont prêts à sacrifier le développement de leur pays. Toute chose que l’écrasante majorité d’africains ignorent. La servitude monétaire de nos Etats est bien volontaire et non forcée. La souveraineté monétaire est un impératif impérieux pour les Etats de l’Afrique francophone.
Ahmed M. Thiam
Source : Inf@sept