Contraint de se séparer de son Premier ministre suite à une motion de censure pilotée par son propre parti, le président IBK a décidé de reprendre non seulement les commandes dont certains l’accusaient d’avoir laissées entre les mains de SBM, mais aussi l’initiative en direction de la classe politique et des forces vives du pays. Il s’agit, de manière stratégique, pour le locataire de Koulouba, de sonner la fin de la récréation en mettant chacun devant ses responsabilités en vue d’une sortie définitive de crise.
En conviant tous et chacun autour de la table « pour discuter d’une part, de la situation socio-politique du pays, et d’autre part de la constitution d’un gouvernement de large ouverture » et en insistant « auprès de ses interlocuteurs sur la nécessité de mettre le Mali au-dessus de tout et (en les exhortant) à l’accompagner dans le processus de reconstruction de notre pays », le président IBK prend à témoin l’opinion malienne que la balle n’est pas que dans son camp. Parce que, seul, il ne peut être l’architecte du renouveau et l’artisan de la paix et de la concorde nationale.
L’offre présidentielle de mettre en place un gouvernement de large ouverture laisse-t-elle le choix à l’opposition au regard de l’ambition légitime de ses cadres et de l’attente des Maliens de voir tous les politiciens travailler ensemble pour faire sortir le pays de la croire ?
En proie à de fortes dissensions internes et à d’insurmontables divergences de stratégies, l’opposition malienne se trouve piégée et coincée. Refusant de s’enrôler dans l’équipe du Dr Boubou Cissé, en plus d’une rébellion inévitable de ses cadres à bout de patience, l’Opposition devra faire face au jugement de l’opinion. Une opinion qui pourrait simplifier l’équation du partage de responsabilités dont l’opposition elle-même a exigé comme ceci :
Qu’est-ce qu’ils veulent finalement ?
Vous n’avez pas gagné. Vous avez demandé à celui qui a gagné de se séparer de son Premier ministre. Il l’a fait.
Vous avez demandé à être associés à la gestion. Il vous a été appelés à venir prendre place dans son gouvernement.
Vous aussi, vous dépassez les bornes.
La rançon d’une telle désaffection de l’opposition serait catastrophique pour une opposition hétéroclite, pour ne pas dire hybride, en proie à une crise aiguë de légitimité et de stratégie.
Obligée, elle est, dès lors de s’embarquer dans le navire du gouvernement du capitaine Boubou Cissé avec comme conséquences de ce ralliement d’une part la mise en sourdine des dénonciations et les critiques et d’autre part leur séparation d’avec ses alliés religieux, qui eux même étaient contraints de s’aligner derrière le modéré Chérif Ousmane Madani à l’issue du congrès de la faîtière des musulmans.
L’arrivée de Chérif Ousmane Madani, le religieux le plus populaire et le plus soutenu de ses millions d’Ansars, à travers le pays, pourrait augurer d’un apaisement durable sur ce front dominé jusqu’ici par Dicko et le Chérif de Nioro ouvertement opposé au régime. En effet, le Chérif Ousmane Madani Haïdara n’a apporté jusqu’ici son soutien à aucun candidat. Toutefois, il est connu comme un patriote et un homme de paix loin de l’agitation politicienne.
L’initiative de Koulouba ne mate pas seulement l’opposition et ses alliés religieux. Homme d’État et démocrate, connu comme un fervent défenseur du fait majoritaire, le président IBK ne demeure pas moins un homme de tolérance et d’ouverture. Oui, vous voulez la tête de son PM. Je vous l’offre. Mais je suis et reste celui qui décide, pourrait être la réponse du président IBK à sa Majorité. Et ça, ça ne présage rien de bon pour les appétits connus, ici aussi.
Le premier signe des représailles du Palais contre la fronde interne dont on dit que son locataire a durement vécu n’est-il pas la nomination du Dr Boubou Cissé qui n’est apparenté ni au RPM ni à aucun autre parti de la majorité contrairement à son prédécesseur.
En appelant l’opposition à participer à un gouvernement de large ouverture, le président IBK met un terme aux velléités boulimiques de sa propre majorité, notamment du parti présidentiel (RPM), accusé par certains de vouloir occuper plus de postes de responsabilité, dont celui de Premier ministre.
La demande du président IBK à sa majorité de lui faire parvenir des listes pour la formation de ce gouvernement de large ouverture, une première, depuis 2013, si ce n’est pas une rupture, présage d’un malaise dont il faut prendre note et en avoir bonne lecture. Il pourrait signifier et solder pour la majorité une équidistance désormais de sa présidence entre elle et les diverses forces politiques. Conséquences : au lieu de son gouvernement, la majorité pourrait se retrouver à part égale dans une équipe avec l’opposition et la société civile sous l’arbitrage de la majorité.
Comme l’opposition avec laquelle elle a manœuvré contre l’assentiment du président IBK, la majorité n’aura d’autres choix que de se contenter de la portion congrue, en tout cas de sa part du gâteau. La mort dans l’âme.
Dans la frénésie salivaire, opposition et majorité, attendent et se taisent comme des sages convives qui piaffent de se délecter et se régaler.
Toute chose qui amène cet observateur à dire que Boua est vraiment fort. Il a maté tout le monde en même temps.
Par Sidi DAO