Insalubrité : Bamako passe de ‘’coquette’’ a ‘’ville sale’’

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A Bamako, l’insalubrité est un phénomène très préoccupant qui prend de l’ampleur de jour en jour. La ville a longtemps perdu la réputation qui faisait son charme ‘’Bamako la coquette’’. En cause, l’incivisme de la population et la mauvaise gouvernance des dirigeants. Des montagnes d’ordures par-ci, des caniveaux bouchés par-là et des eaux usées partout dans les rues et ruelles. Voilà ce qu’est devenu la ‘’coquette’’ ces dernières décennies. Certains habitants d’une certaine époque sont nostalgiques du temps où Bamako était un endroit agréable à vivre. «La ville était propre, les rues étaient toujours bien entretenues, il était rare de voir des eaux usées ruisseler partout dans les quartiers et la population respectait l’environnement, c’était la bonne époque », se souvient un interlocuteur interrogé par nos soins.

Force est de reconnaître que ce décor fascinant est bien loin derrière et s’est effondré sous le poids de la croissance démographique, de l’indifférence de l’Etat et de l’incivisme des citoyens. Conséquence : la capitale malienne s’est littéralement métamorphosée et est passée de ‘’ville coquette’’ à ”ville immonde’’.

Elle est sale et même très sale. Un tour en ville suffit pour se rendre compte que la capitale malienne est aujourd’hui étranglée par les déchets. Des montagnes d’ordures qui s’accumulent, çà et là, étouffent leur voisinage en tant que source de toutes formes de pollution. Les habitants de la capitale sont ainsi exposés à cet environnement malsain et qui se dégrade de jour en jour.  Au grand marché, par exemple, la voie principale est devenue un véritable dépotoir d’ordures de même que les petits marchés de quartier. Mme Aïchata Sangaré, ménagère, constate que «ces marchés censés être des lieux très propres et salubres ont pour la plupart l’apparence de déchetterie avec des immondices envahissantes de partout». Et notre interlocutrice de relever  la spécificité de  l’hivernage avec ses bouées nauséabondes faites de mélange d’ordures et de déchets liquides où se nichent et germent les moustiques, vecteurs de maladies en tous genres.

Selon un commerçant, rencontré au marché de Banconi, il est très difficile voire impossible de maintenir les lieux propres avec des gens généralement indifférents à  l’environnement. «A quoi bon se fatiguer à entretenir seul un endroit que d’autres vont salir ?», s’interroge-t-il.

Or les flaques d’eaux usées, les déchets, les rues boueuses, etc., empêchent littéralement les gens de se déplacer convenablement. Un phénomène qu’El Hadj Moussa Togo juge très énervant et dénonce en ces termes : «Certains déversent directement l’eau de leurs toilettes dans la rue au lieu de creuser des fosses». Et d’ajouter qu’ «aller à la mosquée devient tout un problème à cause des eaux usées car il est pratiquement impossible d’y arriver en étant propre».

L’état d’insalubrité des quartiers reflète ainsi le degré de civisme des citoyens car si chacun s’occupait mieux de sa devanture et de ses fosses septiques, la cité présenterait un autre visage. Cette tâche est normalement dévolue aux services d’hygiène qui ne s’occupent plus comme jadis de la désinfection de l’environnement pour prévenir les problèmes de santé publique.

Ainsi, Mme Dia Oumou Sy explique combien sa crainte grandit à l’approche de chaque hivernage, à cause des syndromes liés à cette période. «Nous souhaitons et prions  même pour qu’il pleuve à cause de la chaleur, mais tout est bon dans une certaine limite : quand la pluie est abondante, les gens en profitent pour salir notre environnement. Ce qui nous rend malade. Nous devons profiter de la pluie pour rendre notre ville plus propre et saine», indique-t-elle. Allusion est ainsi faite aux décharges de déchets domestiques déversées dans le courant pluvial et qui sont sources de pollution et d’infection. S’y ajoute l’abondance dans les rues, canaux d’évacuation des eaux de pluie, et même dans le fleuve, de déchets plastiques qui pullulent en même temps que dans les poubelles qui ne servent plus à rien selon le Salif Dramé. Ce chef de famille s’interroge en effet sur l’utilité des services d’enlèvement des ordures auxquels ils paient mensuellement la somme de 3 000 francs.

Les mêmes interrogations valent pour l’utilité des politiques et programmes d’assainissement, en dépit desquels le Mali reste confronté à un problème sérieux d’insalubrité. Le désordre au niveau des dépôts de transit, l’incapacité des autorités municipales et d’autres acteurs impliqués dans la gestion des déchets sont passés par-là. Par exemple, la décharge du marché de Médine, censé être un dépôt de transit, est devenu le cauchemar des familles avoisinantes. L’odeur pestilentielle qu’elle dégage rend l’air insupportable et expose les riverains à plusieurs types de maladies car nombre de pathologies sont liées à insalubrité.

Il urge par conséquent de trouver les solutions appropriées à commencer par la prise de conscience par les Bamakois de la corrélation entre l’insalubrité et la santé publique ainsi que de ses implications socio-économiques. Mais les responsabilités étant partagées entre la population et les autorités, une prise en charge s’impose du côté  des gouvernants quant à la gestion des dépôts et décharges d’ordures par un meilleur service d’hygiène dans les communes. Toutefois, le changement de comportement demeure la clé de l’équation.

Ali Poudiougou

Source : Le Témoin

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