La question de la présence française dans le Sahel est au cœur de la polémique et des préoccupations. Au Mali plus que dans les autres pays de cette région minée par le djihadisme, l’opinion s’en mêle particulièrement au gré des intérêts et enjeux politiques que le sujet renferme. Côté français, il n’est pas exclu que le retrait progressif annoncé des forces Barkhane – le recours à d’autres euphémismes comme Takouba – procède d’une manœuvre pour dissimuler un aveu de lassitude assimilable à une capitulation face au terrorisme, à un gâchis lourd de conséquence à l’heure de la restitution.
Or l’échéance fatidique n’est visiblement pas si loin, au regard d’un paysage politique français bouillonnant de sondages et d’acharnements dans la conquête des opinions. Il est loisible de comprendre, en clair, que l’intervention française au Mali sera au cœur du débat électoral et que sa mutation en expédition sahélienne pourrait s’expliquer par un besoin évident de diluer les échecs essuyés par Barkhane dans les exploits mitigés d’une certaine force internationale. De même, l’envergure régionale de la problématique terroriste servirait d’argument plus précieux parmi tant d’autres pour justifier le maintien des troupes françaises dans le cadre d’un partenariat antiterroriste élargi à d’autres voisins européens.
La question ne renferme pas moins d’enjeux pour les autorités maliennes de Transition au Mali, qui ne s’offusquent que du bout des lèvres de la décision française de retirer progressivement les troupes du bourbier malien. Par-delà les regrets qu’a donné l’air d’en éprouver le Premier ministre malien sur la tribune de l’ONU – à coups de menaces d’un recours à des forces alternatives -, le retrait de Barkhan n’est peut-être pas moins accueilli comme opportunité d’explorer une autre alternative à laquelle la France fait longtemps obstacle autant qu’avènement de Wagner au Mali. Il s’agit de la possibilité de trouver la solution à l’insécurité et aux crises cycliques dans la négociation avec les principales figures maliennes de l’International djihadiste.
Le Le régime défunt avait déjà bravé les lignes rouges tracées par Paris et la communauté internationale en esquissant plusieurs démarches discrètes dans ce sens, avant que ses tombeurs ne poussent l’allégeance jusqu’à des pourparlers localisés avec les occupants de certaines localités hors du contrôle de l’Etat central. De nombreux villages dans le centre du pays doivent ainsi leurs droits aux activités économiques à un gentlemen agreement implicite avec les groupuscules islamistes que la junte militaire rechigne à affronter sur le théâtre. À l’opposé beaucoup d’autres localités ayant refusé les conditions de ce deal encadré par des émissaires du Haut Conseil Islamique sont économiquement asphyxiés par la neutralisation de leurs labeur champêtre. Au nez et à la barbe de troupes régulières assez désemparées pour ne pas cracher une négociation avec les djihadistes selon les conditions dictées par ces derniers.
Et, parmi les préalables à l’ouverture de tout dialogue figuraient, depuis les toutes premières démarches, le renoncement des autorités maliennes à toute présence d’armée étrangère. Le discours, comme on le voit, est en phase avec une prédisposition manifeste des autorités de Transition à ne rien faire pour retenir un partenaire hermétique à tout rapprochement avec le redoutable ennemi commun alors que d’autres pourraient s’y prêter. Considéré sous ce prisme, la rupture avec la France apparaît comme une précieuse opportunité pour la junte au pouvoir de se libérer des vicieux liens de diabolisation des qatiba, quitte à exposer une partie du pays au péril d’un régime islamiste rigoriste.
A KEÏTA
Source : Le Témoin