Insécurité généralisée dans une grande partie du pays, remous politiques avec le réveil du M5 et d’autres acteurs politiques et de la société civile, crise économique causée par la gestion calamiteuse de l’ancien régime, grogne sociale suite à des revendications de plusieurs organisations syndicales… ce sont là, entre autres, les différents fronts qui s’agitent devant les Autorités de la Transition.
En effet, en cette période transitoire plusieurs chantiers majeurs s’imposent, avec la même urgence au nombre desquels le retour de la sécurité. Mais force est de constater que l’on assiste à une recrudescence des attaques au Nord et au Centre contre l’Armée et les forces étrangères (Minusma, Barkhane). Aussi, ce début d’année a été très meurtrier.
La tension n’a d’ailleurs fait que croitre tout au long de ces derniers mois où il ne s’est pas passé des jours sans qu’une mine explose, qu’un véhicule se fasse rançonner ou qu’une patrouille soit l’objet d’une embuscade… Les civiles sont victimes de vols, rackets et de règlements de compte (violences intercommunautaires ou exactions de divers groupes armés)). Plus globalement, ils ont vu leurs chances de retour à une vie normale se restreindre drastiquement au cours du temps : difficulté et danger de voyager, de commercer, crainte quotidienne d’être victime d’une attaque, d’une mine ou de la vengeance d’un groupe armé…
Car dans ce conflit asymétrique, tout se mêle : attaques de djihadistes, brigandages, trafics de drogues et d’êtres humains, violences intercommunautaires et exactions de militaires.
Le peu de présence de l’État au Nord et au Centre renforce l’impression de « zone de non-droit » livrée aux bandes armées.
Aussi, plusieurs attaques meurtrières ont eu lieu au cours de ces derniers mois. Ces attaques visent particulièrement les forces armées (FAMA) et les Casques bleus.
Le 25 janvier dernier, six soldats (FAMA) ont été tués et 18 blessés lors des attaques contre “deux postes de sécurité” à Boulkessy et Mondoro, une précédente attaque, avait déjà entraîné la mort de trois soldats dans le secteur de Mondoro. Une autre attaque a fait au moins neuf morts et plusieurs étaient portées disparues ou blessées près de Bandiagara, le 26 févier 2021. En outre, des hommes armés ont fait feu le même jour contre deux villages dans la même zone de Bandiagara et ont pris d’assaut plusieurs bus.
La dernière attaque en date a eu lieu lundi 1 mars 2021 où, le poste de contrôle douanier de. Hèrèmakono a été ciblé. Le bilan provisoire donné serait d’un mort (un FAMA) et deux blessés (un chauffeur routier et une autre personne non identifiée). Les deux blessés ont reçu des balles perdues. Plusieurs bureaux et véhicules ont été aussi incendiés.
Les forces Etrangères pas épargnées
Les forces partenaires, notamment la force Onusienne (Minusma) ne sont pas non plus épargnées. En effet, cinq soldats de la paix sont morts en une semaine lors d’attaques à la mi-janvier. Une vingtaine de Casques bleus déployés au sein de la Mission de stabilisation des Nations Unies au Mali (MINUSMA) ont été blessés le 10 février 2021, après que leur base temporaire a été attaquée dans la région de Mopti.
Dans un communiqué, la MINUSMA a déclaré que les Casques bleus, après, avoir essuyé des tirs, ont été capables de repousser les assaillants, qui ont fui. La base attaquée est située à Kéréna, dans les environs de Douentza, où les soldats de la paix ont mené de nombreuses opérations de sécurité ces derniers mois, selon le chef de la Mission.
Pour sa part, Barkhane (force française) a de son côté subi depuis fin décembre plusieurs attaques occasionnant des victimes (morts et blessés).
Face à cette situation désastreuse, les autorités transitoires doivent mettre le paquet pour un retour de l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale du Mali gravement compromises depuis plusieurs années par l’action des groupes armés qui sévissent encore dans les régions du nord et du centre. Des mesures fortes doivent figurer dans l’agenda de la transition à cet égard parmi lesquelles : la relecture et la mise en œuvre de l’Accord d’Alger ; une amélioration significative de la gouvernance de la sécurité permettant aux forces de défense et de sécurité d’assurer efficacement leurs missions ; le redéploiement de l’État sur toute l’étendue du territoire national ; la consolidation de la décentralisation ; la réconciliation nationale.
Il revient à l’armée, qui a souvent été dénoncée comme un des points faibles face à des ennemis aguerris, de démontrer que ses troupes sont en mesure de trouver en eux-mêmes les ressources morales, techniques et matérielles pour reprendre l’avantage. Ce combat doit être mené en parfaite intégration avec les actions des forces amies et être très vite accompagné d’un retour de l’Administration dans les territoires reconquis. Il ne doit être caché à personne que la lutte sera longue et difficile. Mais c’est le terrain privilégié sur lequel le Mali et son armée peuvent montrer un nouveau visage, reconquérir la confiance indispensable des populations et des partenaires.
Le retour de la paix et de la sécurité a un rôle majeur à jouer dans les orientations à prendre pour le relèvement du pays avec le retour de l’administration sur l’ensemble du territoire national. Cela sera un signal fort envoyé aux populations.
Méfiance des politiques
Autre défi capital pour les Autorités de la Transition, apaiser le climat politique. Car au fil de temps, une grande méfiance (rupture ?) s’est installée entre les Autorités de la Transition et une grande partie de la classe politique, notamment le M5 RFP, acteur majeur de la chute du régime IBK. Ce mouvement accuse les autorités de la transition, d’être à la solde des militaires qui ont mené le coup d’État contre IBK. En outre, le M5 demande la dissolution pure et simple du Conseil National de Transition (CNT) en l’état. En effet, pour le M5, le CNT est organe illégal et illégitime,
L’autre pomme de discorde entre la classe politique et les Autorités Transitoire concernent les modalités d’organisation des prochaines élections. En effet, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a été dissoute le 1er février dernier. Bien que le mandant de la CENI avait expiré en juillet 2020, sa dissolution soudaine a soulevé une vague de critiques au sein des partis politiques et de la société civile, qui craignent un renforcement du poids de l’administration dans l’organisation des élections les prochains scrutins se tiendront en 2022 selon la charte de la transition. Un reproche adressé de manière récurrente aux autorités de transition, soupçonnées d’être sous l’emprise de la junte qui a renversé l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita.
Une économie en lambeaux
Au-delà de la crise politique, sanitaire et sécuritaire, les Autorités de la Transition doivent jeter les bases d’une véritable relance économique en redonnant confiance aux différents secteurs économiques. La pandémie de COVID-19 et l’instabilité politique du pays ont eu des incidences sur le commerce, l’investissement, l’emploi, les recettes publiques, les envois de fonds de l’étranger et les secteurs secondaire et tertiaire.
La première chose à faire pour les Autorités de la Transition sera, donc, de regagner la confiance des donateurs internationaux. Car, leurs différentes contributions ont soutenu la croissance du (PIB) du pays entre 5 et 6% au cours des récentes années. C’est indéniable, sans le soutien de ces Donateurs, notre pays continuerait de connaître une profonde crise sociale. Sur une base purement mathématique, le PIB par Habitant est de 2471 $ (soit environ 1,4 million de francs CFA) par an. Mais la redistribution effective de la richesse créée est différente. Selon les données disponibles sur le site de l’Institut national des statistiques, le seuil de pauvreté qui est de 177.000 F CFA de revenus par an est atteint par 46% de la population. En 2020, la pandémie de la Covid-19 a interrompu les chaînes de valeurs mondiales en ralentissant le commerce international et les activités économiques à l’échelle planétaire. Le Gouvernement doit revoir son plan de soutien aux différents secteurs économiques.
La Bonne nouvelle nous est venue de Washington, précisément du siège du FMI, le 13 octobre dernier. En effet, l’institution financière au cours de sa réunion a décidé le décaissement immédiat d’un montant de 57,6 millions de dollars US, soit environ 31,09 milliards de F CFA, pour soutenir les efforts du gouvernement dans la relance de notre économie.
Le malaise social est là !
La transition doit aussi faire face à une grogne de plus en plus forte de certaines couches sociales touchées par la flambée des prix ainsi que les conséquences d’une crise financière sans précèdent. Aussi, des syndicats, notamment la santé, les transporteurs, boulangers… ont tous déposé des préavis de grève afin d’obliger les autorités de la transition à régler leurs différentes doléances. Conséquence : le front social est en train de se détériorer dangereusement.
Illustration de cette détérioration du climat social, la grève de 240 heures des syndicats des Centres Hospitaliers Universitaires des Hôpitaux. Cette grève a débuté le lundi 1er mars 2021. Ce mouvement du personnel de la santé fait suite à l’échec des négociations entre le Gouvernement et les syndicats.
L’une des causes de cette brusque montée de la température sociale est sans nul doute, la flambée des prix des produits alimentaires dont la baguette du pain. En effet, le pain est passé de 200 F CFA à 300 F CFA, la viande de 2.200 à 2.400 F CFA le kilogramme, l’huile de 800 F CFA à 1.000 F CFA le litre, la farine de 375 à 400 F CFA le kilo, le sucre de 500 à 650 F CFA le kilo, le sac de farine au lieu de 10.000, est vendu à 15.000 F CFA et le carton de lait de 25.000 passe à 35.000 F CFA dans certaines localités du pays. Ces augmentations n’ont cessé d’alimenter un mécontentement croissant.
Pour sortir de ce cycle de grèves en répétition, les autorités doivent impérativement crée les conditions d’un vrai dialogue social. Il s’agit de donner un «coup de fouet» à la négociation collective de façon générale. La création de cadres de dialogue social formels et inclusifs ainsi que son institutionnalisation sont des gages de la paix sociale dont l’impact immédiat est l’amélioration de la productivité de façon générale, avec pour incidence directe la croissance. Il faut donc alors dynamiser le dialogue social par la formation des acteurs (employeurs et travailleurs) en leur donnant des compétences nouvelles qui leur permettront de mieux «conjuguer» le dialogue social au futur. D’ailleurs ils ne sont pas les seuls, il faut impérativement former les facilitateurs du dialogue social, que sont les inspections du travail, les organes de dialogue social et les autres acteurs de la régulation sociale.
Mémé Sanogo
Source : L’Aube