Je veux rencontrer le Président mais il y a quelques gars qui font comme s’il y avait une marre remplie de caïmans dangereux entre lui et moi.
Je veux parler au Président parce que mon peuple se meurt.
Je veux parler au Président parce que l’encre de ma plume s’est tarie en écrivant seulement des lettres de condoléances.
Je veux parler au Président parce que je suis atteint de surdité à cause des cris désespérés de femmes et d’enfants qui voient leur logis brûlés.
Je veux parler au Président parce que toute une culture est devenue la peau de chagrin.
Je veux parler au Président parce que les champs n’ont pas pu être débroussaillés pour la culture.
Je veux parler au Président parce que les villages pittoresques jadis admirés et fantasmagorisés se vident pour des aventures incertaines.
Je veux parler au Président parce que les puits que j’ai fait construire ont été empoisonnés.
Je veux parler au Président parce que le dernier orphelinat que j’ai fait construire est partie en fumée.
Je veux parler au Président parce que je suis le Poète fou qui ne dit pas « oui aux fouets sur la route du midi » et « je ne suis un pauvre aux poches vides sans honneur ».
Qu’on me laisse rencontrer le Président parce que je ne veux pas donner mon message aux conseillers qui ne lui transmettront jamais.
Je veux parler au Président parce que je ne souhaite pas que mon nom soit écrit sur la mauvaise page de l’histoire.
Je veux parler au Président parce que je ne veux pas être rattrapé, jugé et condamné par le tribunal de l’histoire…
Drissa Kanambaye
Source: L’Evènement