Le conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni hier, mercredi 15 janvier 2020, sur la situation au Mali. Au cours de la réunion, Jean-Pierre Lacroix, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux opérations de paix, a déclaré que « la situation sécuritaire au Mali et dans l’ensemble de la région du Sahel se détériore à un rythme alarmant».
Pour Lacroix, le terrorisme continue d’alimenter la violence intercommunautaire dans le centre du Mali et le redéploiement des unités reconstituées des Forces de défense et de sécurité maliennes dans le nord du Mali reste une priorité urgente. Le chef des opérations de paix de l’ONU a aussi indiqué qu’ « il n’est pas possible pour la MINUSMA de mettre en œuvre sa priorité stratégique supplémentaire au centre sans ressources supplémentaires ».
Lors de cette réunion sur la situation au Mali, le Conseil de sécurité a fait le point sur les récentes attaques dans le Sahel : la semaine dernière, 18 Casques bleus de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) ont été blessés lors d’une attaque contre leur camp à Tessalit, dans le nord du pays. Jeudi, 89 soldats nigériens ont été tués à Chinagoder, près de la frontière malienne, dans une attaque revendiquée ce mardi par l’organisation terroriste État islamique au Grand Sahara. Le 4 janvier, 14 enfants ont perdu la vie dans une attaque contre un autobus près de la frontière malienne dans le nord du Burkina Faso.
Selon le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux opérations de paix, les groupes terroristes prolifèrent dans les régions de Ménaka et Gao. « Nous avons assisté à une augmentation des attaques d’engins explosifs improvisés contre nos convois, attaques qui ont occasionné plusieurs blessés chez les Casques bleus », a-t-il indiqué, tout en précisant que ces incidents « se produisent presque quotidiennement ».
« Le terrorisme continue d’alimenter la violence intercommunautaire dans le centre du Mali », a indiqué le chef des opérations de paix, précisant que l’on compte actuellement plus de personnes déplacées souffrant de la faim dans la région de Mopti que par le passé. Selon Lacroix, le redéploiement des unités reconstituées des Forces de défense et de sécurité maliennes dans le nord du Mali reste une priorité urgente. « Le 6 janvier, les autorités maliennes ont entamé le déploiement du premier bataillon reconstitué de Bamako à Kidal via Gao. Il devrait arriver à Kidal d’ici la fin du mois. « Il s’agit d’une étape importante vers la restauration de l’autorité de l’État à travers le pays », a déclaré Lacroix.
Pour le chef des opérations de paix de l’ONU, « la présence et les activités accrues de la MINUSMA dans la région de Mopti ont contribué à empêcher une nouvelle escalade de la violence intercommunautaire et des massacres à grande échelle. », a déclaré. Mais, ajoute-t-il, l’accent accru de la MINUSMA sur le centre du Mali oblige cependant la mission onusienne à détourner des capacités clés, telles que des moyens aériens, sa force de réaction rapide et ses moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) de Gao à Mopti. « Il n’est pas possible pour la MINUSMA de mettre en œuvre sa priorité stratégique supplémentaire au centre sans ressources supplémentaires », selon Lacroix.
Le Secrétaire général adjoint de l’ONU a aussi mis l’accent sur le fait que la MINUSMA « n’est qu’un élément d’une réponse collective plus large » pour lutter contre l’instabilité et la violence et leurs causes profondes au Mali et dans la région du Sahel et pour protéger les civils. « Nous sommes encouragés par l’engagement ferme exprimé par les chefs d’État des pays du G-5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) de lutter contre le terrorisme au Mali et dans la région du Sahel avec d’autres présences internationales à leurs côtés », a indiqué Lacroix. Il ajoutera : « les forces nationales et internationales jouent un rôle essentiel et leur contribution reste essentielle, même si une solution militaire à elle seule ne sera pas suffisante pour résoudre les problèmes auxquels le Mali est confronté.»
Pour Lacroix, dans le cadre de son engagement dans le Sahel, la MINUSMA n’a ménagé aucun effort pour fournir à la Force conjointe du G5-Sahel un soutien opérationnel et logistique et a répondu favorablement à toutes les requêtes qu’elle avait reçues de la Force conjointe. « Cependant, la Force conjointe n’a pas été en mesure de tirer pleinement parti de ce soutien, car elle n’a pas les moyens de transporter des articles consommables essentiels fournis par la MINUSMA à tous ses secteurs et contingents », selon le chef des opérations de paix de l’ONU.
« Le dialogue national inclusif a constitué une étape importante »
Dans son allocution, Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France auprès des Nations unies, a indiqué qu’au Sahel, la donne a changé. « Nous assistons désormais face à une extension géographique et à une mutation de la menace. Les groupes terroristes ne cessent de s’adapter. A défaut de pouvoir contrôler un territoire, ils veulent empêcher le retour de l’Etat. Si les populations civiles sont les premières victimes, les soldats sahéliens ont également accusé de lourdes pertes. Je salue la mémoire de ces victimes et de ces combattants. »
Face à cette situation, explique Nicolas de Rivière, la France a jugé qu’il était important et urgent de réagir. Elle a organisé, ajoute-t-il, lundi à Pau un Sommet avec les pays du G5 Sahel, auquel ont également participé le Secrétaire général, des représentants de l’Union européenne, de l’Union africaine et de l’Organisation internationale de la Francophonie. À l’issue de ce sommet, nous avons décidé ensemble de mettre en place une « coalition pour le Sahel ». L’objectif militaire, c’est d’affaiblir durablement les mouvements terroristes. L’objectif politique, c’est d’assurer le retour de l’Etat, dans toutes les régions du Sahel, aussi bien à Kidal que dans le nord du Burkina Faso, a-t-il dit.
Concernant le processus de paix et la situation politique au Mali, le représentant permanent de la France auprès des Nations unies a noté que le dialogue national inclusif a constitué une étape importante. « Le caractère constructif des échanges des mouvements signataires avec les autres participants sur l’accord de paix est un bon signal pour la suite. Il est positif que de nombreuses femmes aient participé à l’exercice. La mise en œuvre de l’accord de paix a connu certains progrès. Le redéploiement, au Nord, des premières unités de l’armée malienne reconstituée est en cours. Une première étape doit être le déploiement dans la ville de Kidal, d’où l’armée et l’administration malienne sont absentes depuis trop longtemps. »
Selon Nicolas de Rivière, la France salue la tenue annoncée, le 19 janvier prochain, d’un comité de suivi de l’accord, alors que les travaux de cette instance étaient interrompus depuis août. Il faut profiter de ce contexte, dira-t-il, pour avancer sur les autres mesures attendues : achever le transfert de 30 pour cent des ressources de l’État aux autorités locales, mener un projet pilote de développement au Nord, ainsi que garantir la participation des femmes au processus. « Sur tous ces aspects, le rôle de la MINUSMA demeurera crucial et il est indispensable qu’elle dispose des ressources nécessaires pour remplir ses missions », a déclare de Rivière. Pour lui, « l’accord d’Alger doit demeurer notre horizon ». « Il fournit le seul cadre pour une réconciliation durable entre les Maliens, qui est une condition impérative de la stabilisation du pays. Comme ce Conseil l’a énoncé à plusieurs reprises, ceux qui entravent sa mise en œuvre s’exposent à des sanctions. », a expliqué Nicolas de Rivière.
M.K. Diakité
Source : Lerepublicainmali