Journée internationale de la femme, Ibrahim Ikassa Maïga : «La refondation se fera nécessairement avec les femmes»

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Ibrahima Ikassa Maïga
Ibrahima Ikassa Maïga

L’Essor : Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, dans son discours de présentation du Programme d’action du gouvernement (PAG), avait souligné que la deuxième thérapie dont notre pays avait besoin était une profonde refondation. Que devrons-nous comprendre par refondation du Mali ?

Ibrahim Ikassa Maïga : Il ne s’agit guère là d’un slogan. En vérité, nous avons constaté de 2012 à aujourd’hui que notre État a failli dans tous ses compartiments : les aspects constitutionnels comme institutionnels, les aspects politiques, les domaines de gouvernance, de justice, de décentralisation et de réorganisation territoriale, mais aussi nos services sociaux de base, l’école, la santé, les infrastructures, les questions de citoyenneté et de vivre-ensemble, etc. Maintenant il s’agit d’aller de l’avant, changer carrément notre façon de faire sur le fondement de nouveaux paradigmes de l’État. C’est cela la refondation : opérer les réformes globales, mais ensemble de façon holistique et intégrée de telle sorte que les unes parlent avec les autres, qu’elles se complètent.

Elle désigne un processus inclusif et participatif de reconstruction de l’État, du Citoyen et de la Nation à travers les trois objectifs suivants  à savoir primo, l’édification de la nation sur la base d’un contrat social de rupture, cadre normatif d’affirmation de souveraineté et de régulation symbolique, axé sur la légitimité et les valeurs sociétales, afin de garantir la satisfaction des besoins vitaux des populations, un développement socio-économique harmonieux, la cohésion sociale et le vivre ensemble. Secundo, il faut retenir l’amélioration de la qualité de la gouvernance, via le nécessaire ressourcement dans les savoirs endogènes, permettant une meilleure emprise de la collectivité sur sa destinée, la confiance des populations, conscientes et responsables, sur fond de justice et de compétences.  Et tierco,  la formation d’un citoyen de type nouveau, pétri de nos valeurs sociétales, respectueux de l’autorité, de l’ordre et du mérite.

L’Essor : Les femmes représentent plus de la moitié de la population malienne. Quel sera leur rôle dans la refondation de l’État ?

Ibrahim Ikassa Maïga : En effet, la femme représente plus de 50% de la population malienne, et dans le but d’enclencher le renouveau du Mali, la refondation ne saurait se faire sans cette tranche majoritaire du pays. Cela se fera nécessairement avec la femme. Ce que nous attendons des femmes, c’est leur implication, leur engagement, leur savoir-faire et savoir-être, leur soutien.  Ainsi, les conditions optimales doivent être créées pour renforcer la promotion du genre et des couches défavorisées et victimes de discriminations de tous ordres fondées sur le sexe, le handicap, l’âge, le niveau d’instruction ou d’expérience, etc. Promouvoir ces couches sociales, c’est impacter positivement le développement de la société toute entière.

D’autre part, nous avons dit que cette refondation est basée sur la promotion de nos valeurs sociétales. Mais qui est garant de ces valeurs là, qui inculque ces valeurs à notre progéniture ? Et bien c’est la Femme, pilier central de la cellule familliale. Donc, la refondation ne saurait se faire sans les femmes. C’est pourquoi depuis notre arrivée au département en charge de la refondation, nous avions entrepris des démarches auprès des forces vives du pays pour expliquer et partager notre vision de la refondation afin de recueillir leurs observations, propositions et commentaires. Dans cette dynamique, nous avions rencontré plusieurs organisations féminines qui ont donné leurs points de vues sur le processus de refondation.

L’Essor : Comment les recommandations faites par les femmes seront-elles prises en compte ?

Ibrahim Ikassa Maïga : Nos mères, sœurs, épouses, nos filles se sont largement illustrées par leur présence et leur leadership féminin lors de nos différents cadres d’échanges et  des Assises nationales de la refondation, en y contribuant par des propositions et recommandations fortes, positives et bien pensées, cela dénote de leur engagements à participer au processus de refondation. Ces recommandations et propositions seront transformées en politiques publiques et appliquées  conformément au caractère exécutoire que revêt les ANR, toute chose qui atteste la volonté des hautes autorités de la Transition à mettre en œuvre les résolutions de ces ANR.

L’Essor : Pouvez-vous nous expliquer comment les femmes seront intégrées dans le fondement du nouveau Mali ?

Ibrahim Ikassa Maïga : Il s’agit de cette volonté qui anime les hautes autorités de notre pays à aller vers une gouvernance vertueuse impliquant tous les segments et composantes de notre vie nationale. Aucune composante des forces vives, à commencer par les femmes, ne sera en marge. Il s’agit de schématiser ensemble l’architecture de notre convenance. La refondation c’est l’opportunité pour toutes les Maliennes et tous les Maliens de se mettre ensemble pour définir l’architecture du nouvel État à bâtir.

C’est dire  donc ce sera désormais à nous tous, de définir la place prépondérante que la femme doit prendre dans ce processus, tout en la valorisant.  Pour cela, il faudrait que la femme soit promue, notamment à travers l’application de la loi n°052 qui elle-même nécessite des adaptations, que les inégalités soient corrigées par les politiques volontaristes de l’État.

En promouvant la femme, on promeut la société, on promeut l’État, on promeut le développement.  Nous sommes conscients aujourd’hui, que ce n’est pas juste parce qu’elles sont femmes qu’il faut les promouvoir, mais parce qu’elles constituent un levier important du développement du Mali, en faveur duquel il faut faire ces correctifs.

Il s’agit de cibler les femmes, les jeunes, les ruraux, tous ceux qui sont victimes d’inégalités, ceux qui n’ont pas accès à l’école, aux services sociaux de base, etc. Nous sommes convaincus qu’une femme éduquée, instruite, épanouie, ce sont des enfants éduqués, épanouis, une communauté épanouie, développée, c’est un État prospère et voire l’humanité entière.

L’Essor : Quelle place sera donnée aux Maliennes dans le mécanisme de la refondation du pays ?

Ibrahim Ikassa Maïga : Voyez vous-mêmes, les grandes dames qui sont au sein du gouvernement le montrent déjà, en étant sur tous les fronts, si vous observez bien, elles sont parmi les principaux leaderships de ce gouvernement. Par exemple si vous prenez la ministre du Travail et de la Fonction publique, la ministre de l’Éducation, la ministre des Transports, la ministre de la Santé, la ministre de la Promotion de la Femme, la ministre déléguée pour les Reformes politiques et institutionnelles, chargée justement de la traduction des recommandations des ANR en réformes  législatives. Elles participent déjà à la conception et à la réalisation de la base des nouveaux paradigmes de la Refondation structurelle de l’État et de la gouvernance des affaires publiques. C’est un pan que l’on devrait revoir en terme d’approche de développement de notre pays.

Pour preuve, les Etats les plus développés aujourd’hui sont des pays qui promeuvent et accordent une place importante à la femme. Et c’est cela que le processus de Refondation vise également à atteindre. Promouvoir la place et le rôle des femmes dans notre société, dans tout ce qu’on fait, à commencer par l’éducation, qui le premier des droits, qui ouvre la voie à tout.

L’éducation aussi pour les hommes, car l’homme sera à mesure de comprendre ce qu’une femme instruite, promue à un poste, peut apporter dans les différents domaines : institutionnel, public, mais aussi dans le secteur privé.  Je suis convaincu qu’une femme à la bonne place peut autant faire sinon mieux qu’un homme. Du reste, le gouvernement actuel est aminé par des femmes et des hommes d’une grande qualité professionnelle doublée d’un grand engagement patriotique à réussir le changement attendu par le peuple malien. Et je pense que l’opportunité est là pour avancer, aller inexorablement de l’avant.

L’Essor : Qu’est-ce qui sera fait pour réunir les femmes maliennes autour du processus de la refondation ?

Ibrahim Ikassa Maïga : Elles y sont réunies déjà car pour preuve, elles ont activement et qualitativement participé aux ANR au cours desquelles, elles ont épluché tous les vecteurs de leur implication dans la gestion de la Nation. À cet égard, je salue la sollicitude et l’abnégation des centaines et milliers de femmes qui ont joint et enrichi de leurs contributions et de leurs actions le processus de préparation et de tenue des Assises nationales de la refondation, depuis la Table-ronde de septembre 2021 jusqu’à la phase nationale de fin décembre 2021, en passant par les niveaux communes, cercles, régions, District et pays de concentration des Maliens établis à l’extérieur.

L’Essor : Quelle touche les Maliennes pourront apporter au processus de la refondation du pays ?

Ibrahim Ikassa Maïga : Vous savez, nous avons tendance à oublier notre essence même. La femme malienne a une place prépondérante dans notre quotidien, notre société est ainsi faite. Quel que soit le peuple que vous allez observer, elle garde cette place. C’est peut- être les influences extérieures qui ont  tendance à nous faire oublier nos valeurs. Je suis sûr que la femme avec ses qualités naturelles, de prudence, de prévoyance, d’humanisme, peut mieux aider à rehausser le niveau de développement. Tant qu’elle est mise en condition de la faire, cela arrivera nécessairement. C’est une conviction personnelle, fondée sur la prise de conscience de plus en plus généralisée de la nécessité de promouvoir la gent féminine dans les différentes sphères de la société malienne.

L’Essor : Avez-vous un appel ou un message à l’endroit de la population malienne en général et des femmes en particulier pour leur accompagnement au processus de la refondation ?

Ibrahim Ikassa Maïga : L’appel, c’est l’union sacrée autour de la Transition et des Hautes autorités en charge de sa conduite afin de bâtir un État refondé répondant aux aspirations du peuple souverain du Mali. Au-delà du Mali, notre vision actuelle, nos actions en cours inspirent les peuples d’Afrique et d’ailleurs épris de libertés, de justice, de paix et de prospérité socio-économique. Nous devons maintenir le cap et ne point décevoir ces espoirs nourris que la lutte d’émancipation paye, et que nous sommes tenus devant l’Histoire de la poursuivre pour un Mali et une Afrique débout et dignes.

Propos recueillis par
Mariam A. TRAORÉ

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UN RENDEZ-VOUS ADOPTÉ APRÈS DES ANNÉES DE LUTTE

La célébration de la Journée internationale de la femme a été officialisée en 1977 par l’Assemblée générale des Nations unies. Au cours de laquelle les pays ont été invités à s’engager en faveur des droits des femmes. La date de la commémoration a été inspirée du 8 mars 1917, une journée durant laquelle des femmes, ouvrières et épouses de soldats avaient manifesté à Petrograd (actuel Saint-Pétersbourg en Russie) pour exiger du pain pour leurs enfants et le retour de leurs maris des tranchées.

Cette journée est née suite aux luttes et rassemblements en Amérique et en Europe pour revendiquer notamment le droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations à l’égard de la gent féminine. Plusieurs autres initiatives ont frayé la voie à la naissance de cette journée mondiale des droits des femmes. Il s’agit notamment de la première Journée nationale de la femme tenue en février 1909 aux États Unis d’Amérique, l’officialisation par la Russie soviétique de 1921 à 1965 d’un jour férié non chômé et l’adoption de l’idée d’une «Journée internationale des femmes» sans qu’une date soit fixée en 1910 à Copenhague.

C’était lors de la deuxième conférence internationale des femmes socialistes qui réunissait une centaine de femmes venant de 17 pays. Selon le site de l’Organisation des Nations unies, la première Journée internationale de la femme a été célébrée le 19 mars 1911, pour revendiquer le droit de vote des femmes, le droit au travail et la fin des discriminations au travail. Plus d’un million de personnes ont participé à ces rassemblements en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse. Autres faits ayant un fort retentissement sur la commémoration de la Journée internationale de la femme, l’incendie pendant une grève des couturières dans un atelier textile à New York causant la mort de 140 ouvrières le 25 mars 1911. À partir de 1945, plusieurs pays de l’Europe de l’Est et du monde font de la célébration du 8 mars une tradition.

Au Mali, la célébration a débuté en 1994. Auparavant, des femmes ont mené depuis la période coloniale, des combats pour défendre les intérêts de la gent féminine. Parmi ces pionnières, Aoua Kéita, Aïssata Sow et Sira Diop. Les acteurs ont misé sur la sensibilisation, l’information et les plaidoyers pour un développement socioéconomique et politique du statut de la femme. Ces actions ont permis d’engranger des acquis importants en termes de réduction des inégalités entre hommes et femmes. L’accès à des postes de responsabilité, à la terre agricole et la lutte contre les violences faites aux femmes et filles. Rappelons que la Journée internationale de la femme est l’occasion de faire le bilan sur la situation des femmes dans la société et de revendiquer plus d’égalité en droits.

Mohamed D.  DIAWARA

Source : L’Essor

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