Le 8 mars étant une journée internationalement dédiée à la femme, la rédaction du journal “Le Confident” décide de rendre hommage à la femme à travers une jeune dame détentrice d’une licence en droit public qui a décidé d’évoluer dans la menuiserie/tapisserie en bois après ses études. Lisez plutôt l’interview qu’elle a bien voulu nous accorder le vendredi 1er mars 2019 dans son atelier à Médina Coura non loin de la Maison de la presse.
Pouvez-vous vous présenter ?
Tout d’abord je témoigne mes salutations distinguées à tous et à toutes. Je suis Kadiatou Adama Sacko, j’ai 25 ans et je suis juriste de formation, niveau licence en droit public. Je suis la fille de Théra Yolande Diarra et de Boubacar Sacko. Après ma licence, j’ai embrassé le métier de menuiserie dans lequel je suis actuellement en train d’apprendre la tapisserie.
Il est très rare de voir la femme pratiquer ces genres de métiers au Mali, surtout une diplômée comme vous, qu’est-ce qui vous y motive ?
La première source de ma motivation est d’endiguer le complexe chez la femme malienne face au métier d’apprentissage. Même s’il s’avère que les femmes maliennes sont ambitieuses, la réalisation de leurs ambitions sont très souvent liées aux hommes, car elles ont toujours cette idéologie que c’est homme qui doit travailler pour la femme. Toute chose qui fait perdurer la dépendance de la femme à l’homme. Alors, de nos jours, sachant que les hommes ne donnent pas l’argent sans arrière-pensée, il est tout à fait nécessaire que la femme se lance dans les métiers qu’exercent les hommes afin de mieux garantir son indépendance.
Les femmes qui s’asseyent en ne gardant l’espoir que sur la féminité doivent prendre conscience qu’elles sont en train de mettre en question leur dignité. La femme est valeureuse pour compter sur de petits sous que les hommes donnent afin de profiter d’elle. Partant du fait que le travail libère l’homme, une femme travailleuse est toujours indépendante et respectueuse, aucun homme n’osera lui manquer du respect ou ternir sa réputation.
Pensez-vous qu’il y a un métier spécifique pour la femme ou pour l’homme ?
Bon nombre de personnes ont cette idéologie de différencier le travail de l’homme à celui de la femme. Ce qui me révolte et me pousse chaque instant à entreprendre le métier tout comme les hommes le font. Pour une petite confidence, une partie de mon enfance est à la base de ma motivation à apprendre spécialement le métier de menuisier. Pendant mon enfance, chaque fois que je partais chez mes amis, je voyais des fauteuils dans le salon de leurs parents contrairement à celui de mes parents pour manque de moyens et je me sentais très triste. J’ai grandi avec ça dans la tête et cela m’a poussé à aimer ce métier après mes études et je me suis engagée à apprendre à le faire.
Ne voulez-vous pas être bureaucrate avec cette licence en droit ?
Au Mali, il y a une triste réalité, tout le monde veut être bureaucrate. Or, comme on le dit, il n’y a pas de sot métier. Il demeure une nécessité que l’on sache que tout le monde ne peut pas être dans les bureaux, et il faudrait que les jeunes prennent conscience que passer la journée à faire du thé devant les portes ou s’adonner à la drogue n’est pas une solution aux défis qui attendent la jeunesse d’aujourd’hui. Bien au contraire cela amplifie le chômage et la délinquance.
Quelle qualification donnez-vous à la jeunesse malienne d’aujourd’hui ?
La jeunesse malienne bien qu’étant très active dans beaucoup de domaines tels que le commerce, la startup, l’agrobusiness dans le cadre de l’entreprenariat jeune, il reste des efforts à fournir pour certains jeunes qui sont pourris par la facilité, ils ne veulent fournir aucun effort afin d’être indépendants et gagner leur pain à la sueur de leur front. Même si le manque d’accompagnement de l’Etat est à souligner souvent, cette pratique à ne rien entreprendre soi-même gangrène la jeunesse et aggrave le chômage des jeunes au Mali.
Pensez-vous qu’il y a discrimination contre la femme sur le marché d’emploi au Mali actuel ?
Pour être directe, j’affirme qu’il n’y a absolument pas de discrimination vis-à-vis de la femme sur le marché d’emploi au Mali. Bien au contraire, la femme a souvent certaines faveurs que l’homme n’a pas. Car sur bon nombre d’avis de recrutement on voit que la candidature féminine est encouragée. Qu’à cela ne tienne ! Il faut marteler que certaines des faveurs faites à la femme lui font perdre sa dignité.
Avez-vous un appel à l’endroit de la jeunesse et de la femme ?
La jeunesse doit avoir l’esprit créatif, savoir réfléchir comment mettre en place quelque chose pouvant servir au développement du pays et construire son avenir personnel. Elle doit comprendre que son destin et celui du pays sont entre ses mains.
Quant à la femme, elle doit montrer aux hommes qu’elle a la capacité intellectuelle et physique de travailler afin de compléter l’homme et donner une meilleure condition de vie aux enfants. Comme on le dit, vouloir c’est pouvoir. A cet effet, les femmes doivent avoir cette volonté d’apporter leur contribution à l’édifice nationale.
Un regret pour les années passées sur les bancs de l’école avant d’embrasser ce métier ?
Je n’ai jamais regretté d’avoir passé plusieurs années à l’école et je ne le regretterai jamais, car mon niveau d’instruction m’a beaucoup aidé à avoir une certaine facilité de compréhension dans mon apprentissage. Et c’est à l’école que j’ai eu cette prise de conscience, qu’il n’y a pas de sot métier et que c’est le travail qui libère l’homme. Egalement l’école m’a permis de connaitre que tout travail que l’homme fait, la femme peut le faire aussi.
Votre mot de la fin ?
Je ne remercierai jamais assez le journal Le Confident d’avoir accordé un tel honneur à ma modeste personne. Mes sincères remerciements aux lecteurs du journal, à mes parents, à mes collègues et surtout à mon patron, Bourama Tiécoura Doumbia, pour sa confiance en la capacité de la femme et le partage de son savoir. Par ailleurs j’exhorte les Maliens de tous bords à la prise de conscience sur la réalité universelle qu’aucun étranger ne viendra construire ce pays, le Mali à la place de ses dignes filles et fils car toutes et tous ont des devoirs vis-à-vis de ce pays. Plus précisément aux filles maliennes, elles doivent combattre le complexe de féminité de leurs têtes afin de travailler dur comme les hommes dans le dessein d’être maîtresses de leurs destins, d’être indépendantes.
Propos recueillis par Dognoume Diarra
Source: Le Confident