La CEDEAO face aux pouvoirs de transitions : L’essoufflement et l’impasse ?

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Leaders from the Economic Community of West African States (ECOWAS) attend an extraordinary summit to discuss a proposal by transitional authorities in Mali to delay elections and a return of the constitutional rule in Accra, Ghana January 9, 2022. Ange Servais Mahouena/Ivory Coast Presidential Press Service/Handout via REUTERS THIS IMAGE HAS BEEN SUPPLIED BY A THIRD PARTY. NO RESALES. NO ARCHIVES.
Leaders from the Economic Community of West African States (ECOWAS) attend an extraordinary summit to discuss a proposal by transitional authorities in Mali to delay elections and a return of the constitutional rule in Accra, Ghana January 9, 2022. Ange Servais Mahouena/Ivory Coast Presidential Press Service/Handout via REUTERS THIS IMAGE HAS BEEN SUPPLIED BY A THIRD PARTY. NO RESALES. NO ARCHIVES.

Les dirigeants africains aiment se gargariser des mots concernant les Traités, Conventions ou autres accords à caractère contraignant signé au niveau international pour faire bonne mine devant le reste de la communauté internationale, mais l’histoire les rattrape à tous les tournants de leur application effective.

C’est le cas en ce moment au sein de la CEDEAO où face aux Pouvoirs de Transition, l’essoufflement et l’impasse accompagnent la mise en œuvre des instruments juridiques et l’utilisation des outils politiques de cette communauté sur la Démocratie et la Gouvernance.

La faute incombe au déphasage entre les aspirations démocratiques des peuples de la CEDEAO et les institutions issues des procédures électorales décoratives.

Les instruments de la CEDEAO sont en passe de devenir des gadgets politiques au mieux, ils sont appliqués à la carte, au pire servent d’argument de domination d’un groupe d’États sur d’autres. C’est plus la volonté politique d’un groupe d’États de se protéger des mouvements sociaux qui détermine les sanctions qu’un réel mécanisme juridique à même de construire une communauté de destin démocratique et de bonne gouvernance.

La situation du Mali, est née d’un vaste mouvement populaire porté par le M5-RFP (Mouvement du 5Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques), réclamant la refondation du pays. Ce Mouvement a été une alerte qui a sonné la cloche dans l’espace CEDEAO. C’est pour cela qu’il fallait l’étouffer à tout prix.

C’est pourquoi dès le départ, il y a eu plus la volonté de punir un pays anti-modèle que de s’appuyer sur le Protocole relatif au Mécanisme de prévention, de gestion, de règlement de conflits, de maintien de la paix et de la sécurité adopté en décembre 1999 et le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance adopté en décembre 2001.

En vérité face à la montée de la révolte des sociétés africaines, la volonté d’agir et de défendre les principes de convergence constitutionnelle dont l’organisation s’est dotée ne suffisent plus à apporter une contribution décisive à la recherche d’une paix et d’une stabilité durables. Tant il est devenu évident que les institutions issues des procédures électorales décoratives sont en déphasage avec les aspirations démocratiques des peuples de la CEDEAO.

Alors plutôt que de s’attaquer aux sources de l’instabilité structurelle et de la violence politique la CEDEAO se prévaut dans ses démarches des Protocoles qui à l’application se révèlent être des instruments politiques et juridiques de protections des Chefs d’États en rupture avec leurs peuples. Le cas du Mali sous le pouvoir IBK était assez illustratif de cette réalité.

Dès le début de la crise politique au Mali, certains Chefs d’Etat, après avoir torturé leur Constitution et dévoyé la procédure de dévolution du pouvoir, ont voulu intimider leur propre peuple en brandissant les sanctions contre les acteurs politiques et ceux des sociétés civiles du Mali. Le chantage à la mer exercé sur le Mali, un pays sans littoral montre à suffisance la volonté d’éradiquer tous mouvements sociaux capables de rendre vie et crédibilité dans les institutions intellectuellement et moralement corrompues.

Et pourtant il était aisé de comprendre que les crises récurrentes dans les pays ne sont que les manifestations d’un processus laborieux et erratique de construction d’États qui soient légitimes et capables d’assurer la sécurité des populations.

La prévention de conflit suppose de mener à bien des réformes profondes du secteur de la sécurité, de mettre fin à l’implication de chefs militaires dans des activités criminelles et à la prédation des ressources des forces de défense et de sécurité ; de mettre fin à la manipulation des élections et des constitutions par des pouvoirs établis, à la corruption et à l’impunité érigées en mode de gouvernance ; de réformer l’administration publique et la gestion économique afin de redonner de la crédibilité à des États particulièrement boudés et désertés par les populations.

Les exigences d’une transition courte aboutissant au transfert du pouvoir à des responsables politiques élus, aussi légitimes et compréhensibles qu’elles soient, ne seront plus recevables si elles perdent de vue les priorités de refondation des États où les fausses démocraties dominées par des élites corrompues ont déstructuré les sociétés dans l’espace communautaire.

Faute d’avoir pu tirer les leçons de la complexité et surtout la nécessité d’élaborer des stratégies différenciées en fonction des menaces les plus immédiates à la paix et à la sécurité dans chacun des pays de l’espace communautaire, la CEDEAO s’est mise dans l’impasse, voire dans un cul-de-sac.

Aussi, en panne de réflexion stratégique, la CEDEAO a même piégé les partenaires extérieurs qui, entretemps avaient abandonné toutes initiatives pour ne pas risquer de l’affaiblir. D’où le décalage actuel entre le soutien international aux décisions de la CEDEAO et la capacité de les mettre en œuvre.

Cette situation a engendré une grande gêne aujourd’hui face à la nécessité reconnue par tous, de profonde reformes des institutions nationales vouées à la préservation de la paix et de la sécurité et à la responsabilisation des autorités politiques dans chacun des États membres.

Dans cette perspective, toutes les reformes commanditées par des institutions qui se reproduisent, sans une implication d’envergure des populations auront les mêmes effets que de plaquer des sparadraps sur une jambe de bois.

Au demeurant, ni les pouvoirs de Transition contestés par la CEDEAO, ni la majorité des Chefs d’États qui les querellent ne peuvent être décrits comme des modèles de démocratie et de respect des droits de l’Homme. Dans la recherche des solutions, le plus curieux est que le parlement de la CEDEAO n’a en aucun moment été associé à la résolution des crises politiques en cours. Ce qui montre si besoin en était le déficit démocratique dans la démarche des Chefs d’État.

Pourtant, il urge que les Pouvoirs de Transition et la CEDEAO sortent du moment actuel par le sommet, il y va de la stabilité prochaine des États et de la survie de la communauté.

Mais, au rythme des résistances des Pouvoirs de Transition face aux sanctions, l’essoufflement de la CEDEAO est déjà perceptible et le danger de paralysie de l’espace est réel.

Il faut bien espérer qu’au sortir de cette crise le Mali aura converti sa continentalité en davantage de centralité géopolitique de son espace. Nous reviendrons sur ce point.

S K

Source: L’Aube

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