Le procès de l’ancien président ivoirien et de l’ex-leader des Jeunes Patriotes Charles Blé Goudé avait démarré en janvier 2016. Tous deux avaient été acquittés en première instance, début 2019, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, dans le cadre des violences commises entre décembre 2010 et avril 2011, suite à l’annonce des résultats de la présidentielle. La CPI doit statuer ce mercredi sur ces acquittements.
L’un des premiers gros temps fort de ce procès, c’est l’intervention de l’équipe de Fatou Bensouda. Le bureau du procureur présente de nombreux documents et appelle près de 80 témoins à la barre, dont des responsables militaires et politiques. Son but: montrer que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé faisaient partie d’un « cercle restreint », qui avait établi un « plan commun » pour se maintenir au pouvoir, au lendemain de résultats contestés fin 2010, et cela passait par la commission d’actes de violence.
« Les preuves montrent que Laurent Gbagbo recevait des informations sur la préparation et la conduite d’attaques, et qu’il donnait des instructions, explique Éric MacDonald, premier substitut du procureur. Il n’est pas utile de démontrer qu’un plan commun a été établi en tant que tel: un plan commun peut ne pas être écrit, ni explicite. Mais il peut être déduit à partir des faits. Notre thèse est que Laurent Gbagbo avait donné des ordres qui ont abouti à la commission de crimes. Par exemple, le 15 décembre 2010, en envoyant des troupes contre des opposants politiques qui marchait dans les rues d’Abidjan, Monsieur Gbagbo était +au minimum+ au courant que des crimes allaient se produire ».
Gbagbo et Blé Goudé acquittés en première instance
Après deux ans d’audiences, le procès bascule, les juges ne sont pas convaincus par les accusations du bureau du procureur. Ils permettent à la défense de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé de plaider l’acquittement, sans présenter leurs témoins.
Les conseils de l’ex-président ivoirien insistent sur un point. Le procureur n’a pas suffisamment de preuves pour relier de manière rigoureuse les victimes aux quatre incidents allégués de ce procès. Ils remettent par ailleurs en question l’indépendance et la fiabilité des expertises médico-légales présentées par le pprocureur.
Mi-janvier 2019, les juges de la Chambre préliminaire acquittent les deux prévenus. Le juge-président Cuno Tarfusser va même jusqu’à parler de la « faiblesse exceptionnelle » du dossier du procureur.
« La majorité des juges estime que le procureur n’a pas réussi à prouver l’existence d’un plan commun pour maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir, ce qui impliquait la commission de crimes contre des civils, déclare le juge Tarfusseur le 15 janvier 2019 lors d’une audience tenue au siège de la CPI, à La Haye. Il n’a pas non plus réussi à prouver l’existence d’une politique visant des civils, poursuit le juge qui préside la Chambre préliminaire.
Enfin, le procureur n’a pas réussi à démontrer que les déclarations publiques de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé constituaient un ordre ou une incitation à commettre des crimes. Voilà pourquoi la majorité estime que le procureur n’a pas respecté le standard des preuves défini par l’article 66 du Statut de Rome, et décide d’acquitter la défense de toutes les charges visant messieurs Gbagbo et Blé Goudé », conclut le juge Tarfusser.
Une fois acquittés, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont remis en liberté, sous plusieurs conditions. L’ancien président ivoirien s’établit en Belgique, et l’ex-patron des Patriotes, aux Pays-Bas, en attendant les éventuelles suites devant la CPI.
Procédure en appel: l’acquittement remis en question
Le bureau du procureur demande à la Chambre d’appel de requalifier la décision prise en première instance, pour conclure à un non-lieu parce qu’il dénonce des « vices de procédures ».
Plusieurs scenarios sont possibles.
« Si les juges confirment la décision d’acquittement et donnent donc raison à la chambre préliminaire, cela devrait clore l’affaire définitivement, explique Thijs Bougnewt, enseignant chercheur à l’université d’Amsterdam. En revanche, poursuit ce juriste spécialisé sur les crimes internationaux, les choses sont plus complexes si les juges suivent le procureur et annoncent un non-lieu : ils donneraient ainsi la possibilité au procureur, d’avoir l’option d’ouvrir un nouveau procès. Cela signifierait que tout un nouveau dossier serait ouvert. Mais cela va dépendre des intentions du bureau du procureur ».
Le délibéré sera rendu en direct à 15h ce mercredi après-midi, à La Haye.
Source : Rfi