Professeur Ouattara Zanafon urologue-andrologue, médecin chef du service d’Urologie Hôpital Gabriel Touré est l’un des meilleurs et rares spécialistes d’urologie au Mali. Produit de l’Ecole nationale de Médecine et de Pharmacie au Mali, Zanafon Ouattara a également étudié à Lille II à l’hôpital Claude Huriez en France.
Urologue depuis 1996, depuis 2005 le Pr Ouattara exerce à l’ hôpital Gabriel Touré, praticien hospitalier, encadreur des étudiants de la médecine et coordinateur de l’enseignement d’urologie, le professeur encadre différents stagiaires, spécialisé à la fertilité, la sexualité, très intéressé par la fistule obstétricale, le Pr Zanafon Ouattara estime que la fistule obstétricale est une faille dans la prise en charge sanitaire de la femme enceinte, une thèse peu entendue qui laisse croire que la fistule n’est point une fatalité pour les victimes de MGF et de mariage précoce.
Qu’est-ce qu’ une fistule Obstétricale, Pr Ouattara ?
Z.Ouattara : La fistule obstétricale est la lésion qui s’établit entre la filière génitale et la filière urinaire d’une part ou entre la filière génitale et la filière digestive d’autre part. Il s’agit là d’un problème de grande envergure. Autrement dit la fistule obstétricale est une faille dans le système de prise en charge de la femme enceinte d’abord, puis de la femme en travail ensuite. Une fois que la femme tombe enceinte le système de santé devrait lui permettre de mener à bien son travail d’accouchement, elle devrait être surveillée comme du lait sur le feu afin qu’elle puisse avoir son enfant sans lésion pour la mère.
Mais notre couverture sanitaire est encore très faible, près de 60% des femmes accouchent dans des situations de précarité, ce qui amène à poser très tard le diagnostic d’une césarienne et plus le temps passe plus le risque est grand de développer une fistule.
En amont donc nous devons examiner la femme porteuse d’une grossesse, optimiser les chances d’accouchement spontané sinon repérer les facteurs de risques d’accouchement difficile, auquel cas mettre cette femme dans des conditions pour qu’une intervention rapide puisse être pratiquée sur elle, soit faire une césarienne et lui assurer un accouchement sans lésion.
Pour paraphraser mon maître, le Pr Kalilou Ouattara ” La fistule obstétricale est la jauge de la politique de santé d’un pays”
Pr existerait il des facteurs prédisposant à cette maladie ?
Z. Ouattara : Nous avons ce que nous appelons des facteurs à risque notamment chez les femmes de petite taille d’au moins 1, 50m , la femme qui a une asymétrie du bassin (handicap moteur). Egalement la femme qui contracte sa première grossesse après 32-33 ans ou la femme qui fait sa grossesse au-delà de 40 ans, tous ces cas cités constituent chacun un facteur à risque.
Mais ces risques sont visibles à l’observation et une fois observés, on devrait prendre les dispositions pour un déroulement convenable de ces grossesses puis un accouchement approprié.
Peut- on avoir en terme de chiffre, une idée de femmes touchées par cette pathologie au Mali ?
Z. Ouattara : Bien qu’il existe des chiffres hospitaliers qui ne constituent pas la réalité de la situation. Car tous les cas ne sont pas connus, les patientes se cachent très souvent et certaines n’apparaissent que par ouïe dire des cas de réussite. Lors de mon exercice à Ségou j’en ai fait l’expérience.
Lorsqu’on parle de fistule, on fait généralement référence aux conséquences des MGF/ et ou des mariages précoces, est-ce dire que les femmes et filles ayant subies ces pratiques sont-elles prédisposées à contracter une fistule obstétricale ?
Z.Ouattara : Les mutilations sexuelles chez la femme prédisposent à des complications d’accouchement. Mais la femme en grossesse est une pièce entière qu’il faut examiner de façon exhaustive pour repérer les facteurs de risques. Quand vous êtes devant une femme excisée vous devez vous dire qu’il se peut que son excision lui pose problème pendant l’accouchement. Et vous devez vous préparez à cette éventualité. Il se peut que ça ne soit pas une césarienne mais plutôt une épisiotomie pour faciliter la dilatation de la vulve et permettre l’expulsion de l’enfant sans qu’elle ait à se faire des déchirures, des lésions.
J’ai cessé de condamner les MGF, c’est un fait culturel, les coutumes ont la vie dure, je me dis qu’il faudra faire avec c’est-à-dire dépister et prendre les dispositions qui s’imposent pour assurer un accouchement sans lésion.
C’est la même chose pour une jeune mère, l’agent de santé face à un enfant de 9ans, se doit de prendre des dispositions et ne pas laisser la patiente entrer en travail, il doit procéder à une césarienne préventive. Pour moi toute femme qui contracte une grossesse, a le droit d’avoir un enfant vivant sans lésion . Bien sûr il y a les pathologies de la grossesse qui peuvent arrêter l’évolution d’une grossesse sans cela je me dis que l’agent de santé doit faire le tour de la question pour optimiser la naissance de l’enfant sans lésion pour la mère
Il est difficile de parler de succès total s’agissant de la réparation tant qu’on a un cas non réparé. Le succès dépend des cas donc difficile de parler de succès et cela dépend des conditions où l’on opère et du degré de délabrement. On n’improvise pas la chirurgie obstétricale, on l’apprend et il y a un certain niveau de qualification pour la prise en charge de la fistule, aussi je recommande à ce qu’on soit sûr de ses compétences avant de s’attaquer à ces cas les plus difficiles au risque de faire plus de dégâts, difficile après à être réparés.
Réalisée par Khadydiatou SANOGO
Source : Maliweb