Après un passage avide dans les méandres de l’incertitude institutionnelle, le Mali renoue peu à peu avec la norme politique en matière de gouvernance. Les nominations de Bah N’daw et de Moctar Ouane aux postes respectivement de président de la Transition et de Premier ministre ont globalement été saluées. Et la mise en place d’un gouvernement a été pour le peuple malien une grande bouffée d’oxygène puisque débouchant sur la levée de l’embargo de la CEDEAO qui avait plombé toutes sortes d’activités au Mali. Cependant, à mesure que l’euphorie générée par le coup d’Etat se dissipe, les esprits retrouvent peu à peu leur lucidité. Dans l’opinion publique malienne, désormais, c’est l’agenda des têtes de proue de la junte qui est l’objet d’interrogations, et surtout de doutes.
Il fallait certainement s’en douter car assez souvent, en République du Mali, l’histoire n’est qu’un éternellement recommencement. Après l’interruption volontaire de la gouvernance d’IBK, l’on jubilait et l’on annonçait la venue très prochaine du Mali kura. Moins de deux mois après, il semble que le Mali kura n’est pas pour tout de suite. Et d’ailleurs, le Mali kura tant voulu peut-il être une réalité grâce à un coup d’Etat, sacrilège pour toute démocratie qui se respecte ? En tout cas, il semblerait que la popularité de la bande à Assimi Goita est en perte de vitesse, même si, il faut le reconnaitre, ils s’en sortent pas si mal. D’abord, le coup d’Etat a été commis sans effusion de sang, et avec une facilité déconcertante, suspecte diront beaucoup. Le casting du président de la Transition et du PM semble réussi et, cerise sur le gâteau, la libération du chef de file de l’opposition Soumaila Cissé et de Sophie Pétronin, otage depuis 2016, semble être l’œuvre de ces officiers putschistes. Ils ont eu, et reçoivent encore des remerciements de par le Monde.
Toutefois, l’idée selon laquelle, ils auraient pris gout au pouvoir fait son bonhomme de chemin dans l’opinion publique malienne car la junte est toujours au cœur du jeu politique. Dans le gouvernement, en plus de la vice-présidence, ils occupent le porte-feuille de la Défense (colonel Sadio Camara), de la réconciliation nationale (colonel-major IsmaelWagué), de la Sécurité (colonel Modibo Koné) et de l’Administration territoriale (lieutenant-colonel Abdoulaye Maiga). S’il est assez naturel, qu’ils figurent dans l’attelage gouvernemental, la création d’une vice-présidence et le fait qu’elle soit occupée par le chef des putschistes himself, est suffisant pour éveiller des soupçons.
Les militaires auraient-ils pris gout au pouvoir ? Sauront-ils se soumettre au pouvoir politique une fois la transition terminée ? Et quelle carrière militaire pourront-ils mener, eux qui jouiront toujours, d’un statut autre que celui des autres soldats maliens ? Autant de questions qui ne peuvent trouver de questions à l’heure. Pour le moment, il serait injuste de tenter de répondre à ces questions. Cela reviendrait à leur faire un procès d’intention. Le temps nous édifiera. Le vœux pieux que l’on puisse faire, c’est que chacun d’eux, fasse preuve de hauteur patriotique pour le bonheur du Mali.
Ahmed M. Thiam
Source : Inf@sept