«De quoi demain sera-t-il fait sinon du réveil douloureux des masses pauvres des villes et de la brousse. L’histoire des années à venir sera sans conteste, l’histoire des luttes de ces masses pour un devenir meilleur. Elle peut-être l’histoire des luttes entre ces masses et tout groupe qui, en accaparant le pouvoir sans le mettre à leur service, se serait érigé en classe ou couche exploiteuse. Et, dans cette hypothèse, l’impérialisme voudrait-il et pourrait-il promouvoir un développement capitaliste réel ? Ne préférait-il pas transformer le groupe dirigeant en une pseudo caste bureaucratique qui gérerait, moyennant de substantielles rétributions morales et matérielles, les intérêts néocoloniaux.» (Majhemout Diop).
À la faveur de l’indépendance de notre pays, le régime nationaliste de Modibo Keïta était convaincu d’une chose: ‘’Sans défense nationale véritable, il n’y a pas d’indépendance réelle.’’ L’on comprend donc pourquoi il a tenu à ériger pour la défense de l’intégrité nationale une armée de combat prête à servir sans calcul la patrie.
Pour cette fin, Modibo Keïta avait compris que sans les moyens conséquents, cette œuvre à accomplir restera un vœu pieux. C’est fort de cette conviction qu’il a choisi de solliciter le concours précieux, amical et franc de l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) pour la formation et l’équipement de notre jeune armée.
Il convient de rappeler que les Russes ont fait de l’armée malienne une armée de haute qualité non seulement par la combativité de nos soldats mais aussi l’arsenal de guerre qu’ils ont servi. On pourrait se demander aujourd’hui où est parti cet arsenal. L’esprit de sacrifice de nos hommes en uniforme fut l’expression de la puissance de feu de notre armée nationale. Quoi donc d’étonnant si cette armée a imposé par le passé le respect dû au Mali dans la sous-région ouest africaine !
Confiant en notre armée, le peuple malien, sous la direction du régime nationaliste de Modibo Keïta, a ouvert les grands chantiers pour l’édification d’une nation forte et prospère. Cet élan patriotique du président avait donc jeté les bases de l’indépendance véritable de notre pays. La puissance coloniale française, non contente de cet élan patriotique de tout un peuple, ne pouvait rester contemplatif.
En tout état de cause, il fallait procéder à la sape de cet esprit patriotique qui nourrissait les Maliennes et les Maliens. Ainsi, par une propagande antinationaliste, la France et ses laquais nationaux se sont livrés à l’intoxication et au mensonge grossier quant à la gestion socialiste de Modibo Keïta. Ces laquais nationaux on les retrouvait dans l’armée et dans la bourgeoisie compradore. L’austérité révolutionnaire ne pouvait plaire aux officiers et sous officiers apatrides de l’armée malienne encore moins aux gros commerçants qui ne trouvaient leur compte que dans la fraude et l’affairisme sordide, toute chose à l’antipode des intérêts supérieurs du peuple malien.
L’hostilité de l’environnement limitrophe du Mali (exception faite de la République populaire et démocratique de Guinée) ajoutée à la volonté d’officiers apatrides dirigés par le lieutenant Moussa Traoré alors assoiffés de gains, le régime nationaliste a subi un coup de force et cela sans effusion de sang tant Modibo Keïta ne pouvait accepter qu’on verse la moindre goutte de sang d’un Malien pour qu’il se maintienne au pouvoir. C’est pourquoi, en provenance de Mopti lorsque Modibo a été informé de la volonté d’officiers et de sous officiers de lui faire un coup d’État juste à son arrivée, il a demandé de désarmer les soldats qui l’accompagnaient dans sa tournée de Mopti. C’était le 19 novembre 1968.
Et tout compte fait, c’est bien ce jour là que le Mali est tombé. Le moindre esprit de décence devrait permettre à Moussa Traoré d’éviter de se présenter aujourd’hui aux Maliens comme patriote. L’histoire nous enseigne que lorsqu’on trahit son peuple pour servir les intérêts français, on finit toujours par être trahi à son tour par la France.
L’on comprend pourquoi Moussa avait laissé entendre que son tombeur était à l’Elysée et à ‘’France Liberté’’ de Danielle Mitterrand. Par là, il a passé sous silence sa gestion nauséabonde des affaires de la nation. Le Mouvement démocratique est venu à bout de l’apache régime du général Moussa Traoré.
Après quatorze mois de transition dirigée par le Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) avec à sa tête le lieutenant colonel Amadou Toumani Touré (ATT), voilà Alpha Oumar Konaré (AOK) aux commandes de la République. Que s’était-il passé entre l’auteur du Pacte national du 11 avril 1992 (en la personne d’ATT) et Alpha qui s’était installé à Koulouba, le 8 juin 1992, suite à l’élection présidentielle ? En tout cas, le premier acte de trahison de notre peuple par Alpha réside dans sa fameuse Flamme de la paix. La suite n’a échappé à personne.
La puissance de feu et la combativité de notre armée se sont disloquées pendant les dix (10) de gestion calamiteuse des affaires. En disant que le Mali n’avait pas besoin des armes mais du matériel agricole, Alpha Oumar Konaré avait prouvé qu’il avait opté pour la phagocytose de notre système de défense et de sécurité que Moussa Traoré (il faut le reconnaître) a laissé intact.
Alpha Oumar Konaré doit expliquer à notre peuple les mobiles de cet acte de haute trahison des intérêts de notre peuple. La seule certitude aujourd’hui c’est que cette trahison visait à défendre les intérêts sordides de la France et de ses valets maliens. En plus de l’odieuse Flamme de la paix, Alpha Oumar Konaré s’est investi à nommer des généraux de salon avec comme effet inévitable la sape du moral de nos troupes.
En 2002, Konaré a passé le trône à celui qui le lui avait donné : en sa qualité de candidat indépendant, Amadou Toumani Touré (ATT) a remporté le scrutin. Mais il ne pouvait en être autrement au regard de la politique de dislocation des partis politiques entreprise par Alpha Oumar Konaré. La sape de notre armée s’est poursuivie avec enthousiasme et cela à la faveur de nombreuses nominations d’officiers supérieurs. Une façon de corrompre ceux-ci et de les faire taire.
La dernière haute trahison de notre pays par ATT fut d’avoir laissé les combattants venus du théâtre des opérations de Libye s’installer dans le septentrion malien avec armes et bagages.
Les trois (02) régions nord de notre pays furent occupées. Mais il ne pouvait en être autrement car Amadou Toumani Touré (ATT) et Alpha Oumar Konaré savaient jusqu’où ils ont mené la phagocytose de notre armée nationale.
Et IBK ?
Il a tout simplement entériné et renforcé l’appel lancé à la France par Dioncounda Traoré pour qu’elle vienne à notre secours. Mais il ne s’est jamais battu concrètement pour que la Guinée de Alpha Condé remette à nos soldats les armes que notre pays a achetées en Russie. Son accord de défense avec la France et l’accord de paix d’Alger ont fini par montrer aux Maliens que la France n’est pas venue au Mali pour nous aider.
Le fait que Kidal reste détaché du Mali est la preuve que la France poursuit son gage chez nous. Il faut donc que Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré (ATT) s’expliquent sur la phagocytose des Forces armés maliennes (FAMAs) car tout compte fait, AOK et ATT cachent mal leurs intérêts privés dans cette affaire. Majhemout Diop disait: «De quoi demain sera-t-il fait sinon du réveil douloureux des masses pauvres des villes et de la brousse. L’histoire des années à venir sera sans conteste, l’histoire des luttes de ces masses pour un devenir meilleur. Elle peut-être l’histoire des luttes entre ces masses et tout groupe qui, en accaparant le pouvoir sans le mettre à leur service, se serait érigé en classe ou couche exploiteuse.
Et, dans cette hypothèse, l’impérialisme voudrait-il et pourrait-il promouvoir un développement capitaliste réel ? Ne préférait-il pas transformer le groupe dirigeant en une pseudo caste bureaucratique qui gérerait, moyennant de substantielles rétributions morales et matérielles, les intérêts néocoloniaux.»
En effet, compter sur la bonne foi de la France dans cette histoire c’est incontestablement commettre une faute historique vis-à-vis de notre peuple travailleur. La France ne peut servir la cause de la paix au Mali: elle fait partie du problème et non de sa solution.
Fodé KEITA
Source : L’Inter de Bamako