La révolte populaire dont le parti SADI se porte comme porte-parole ne peut être ignorée afin que le pays retrouve ses marques. Elle est une forme de désobéissance civile dans la démocratie malienne. Mais la question fondamentale à savoir est quelles sont les causes de cette révolution ?
Ces causes sont nombreuses et se définissent comme su :
Depuis septembre 2013, la présidence d’IBK a été caractérisée par un manque réel de vision politique pour le Mali, exprimé par une trop grande instabilité gouvernementale à travers la nomination successive de 6 premiers ministres en 5 ans et 9 mois (septembre 2013-mai 2019),le manque manifeste de volonté politique de lutte contre la corruption et la délinquance financière qui gangrènent durablement le Mali, l’incapacité de ramener la paix et la sécurité dans le nord et le centre du Mali et, l’incapacité à résoudre les problèmes économiques et sociaux du peuple malien, en un mot un manque réel de vision politique pour le Mali ;
Il y a eu une mauvaise élection présidentielle en juillet-août 2018 pour le 2ème mandat, ceci s’étant traduit par les résultats contestables et parfois fantaisistes publiés par le Ministre de l’administration territoriale (des électeurs de certains bureaux de vote auraient voté 100% pour le même candidat ; le nombre de votants a dépassé celui des électeurs inscrits dans certains bureaux de vote, etc.). C’est pourquoi les 18 candidats présidentiable au 1er tour avaient contesté ces résultats provisoires pour motif de « bourrages » des urnes, notamment dans les régions nord du pays ;
Un manque réel de vision politique et une pratique du pouvoir solitaire qui expliquent grandement, le changement de premier ministre et de gouvernement chaque année depuis septembre 2013 ;
Ceci exprime une incapacité de bien gouverner politiquement et de partager les décisions politiques avec la classe politique et éviter ainsi une conception égocentrique du pouvoir alors que ce peuple a besoin de décisions sages et partagées durables qui améliorent ses conditions d’existence. Ces changements fréquents de gouvernement n’ont eu que des effets politiques, économiques et budgétaires négatifs pour l’efficacité et l’efficience de l’administration publique d’une part, et pour le peuple qui en souffre énormément en dernier ressort d’autre part ;
La présidence du pays se comporte comme un chef d’orchestre imperturbable qui dirige tout seul son orchestre alors que le destin de toute une nation de 19,529 millions d’habitants est en danger. Le peuple a besoin de paix, de sécurité, de diversité, d’efficacité et de durabilité par une action idoine de partage entre tous les protagonistes maliens,cela fait défaut malheureusement ;
La majorité des maliens n’est pas convaincue quant à vos choix politiques et économiques à court terme qui semblent être faits sur la base de décisions unilatérales précipitées, sans une vraie concertation avec le gouvernement, notamment dans le choix de vos voyages officiels entre l’intérieur du Mali et l’extérieur ;
En effet, l’opposition et la presse maliennes ont révélé en mars 2017 que depuis 2013 le président voyageur a effectué 107 voyages (dont 54 pour des sommets et conférences et 17 pour des visites bilatérales, dans 38 pays) en parcourant en 4 ans plus de 618.927 km équivalents dans les airs, soit plus de 20 fois le tour du monde, notamment en Afrique et en Europe et que ces voyages avaient très peu de ‘’valeur ajoutée’’ pour le Mali. Ceci est d’autant plus réel que des ministres et des diplomates chevronnés auraient pu entreprendre une partie de ces missions à moindres frais avec des retombées meilleures pour le peuple. Ces voyages ont coûté énormément sur budget national (chaque heure de vol de l’avion présidentiel coûtant environ 13 millions de francs CFA, et ces 107 voyages coûtent plus de 6 milliards de F CFA en terme de carburant et d’entretien de l’avion présidentiel, et 9,5 milliards de F CFA pour les frais hôteliers, en 36 mois. L’opposition et la presse ont également révélé que l’avion présidentiel aurait coûté 18 milliards de F CFA (de 19 à 21 milliards de F CFA selon d’autres sources ministérielles contradictoires) et acquis deux voitures de marque Range-Rover (version 2014) estimées chacune à plus de 80 millions de F CFA dans le contexte d’un pays pauvre comme le Mali !
Par ailleurs, la prolongation du mandat des députés de l’Assemblée Nationale pour six mois, que vous avez cautionnée est anti-constitutionnel. La constitution du 25 février 1992 stipule en son article 61 que ce mandat a une durée de 5 ans et qu’après ce délai, la population doit retourner aux urnes pour élire de nouveaux députés ;
Le manque manifeste de volonté politique de lutter contre la corruption et la délinquance financière qui gangrènent durablement le pays ;
La presse malienne et des activistes soupçonnent certains de vos collaborateurs et ministres en fonction de n’avoir pu justifier l’acquisition ou l’utilisation de certains fonds dans leur fonction ou antérieurement à celle-ci, et que ces ministres continueraient à échapper à la justice parce que il n’y a pas de levée « d’immunité » dans ce pays;
L’incapacité de ramener la paix et la sécurité dans le nord et le centre du Mali fatigue le peuple, et ses forces armées. Depuis l’investiture pour un premier mandat de 5 ans, le 4 septembre 2013, le Mali a rencontré de sérieuses difficultés pour résoudre la crise politique et sécuritaire dont les racines préexistaient. Depuis la visite du 2ème premier ministre M. Moussa Mara, à Kidal le 17 mai 2014, et les affrontements des FAMA avec le MNLA et les rebelles djihadistes les 17 et 21 mai dans cette ville, cette dernière a été perdue par l’Etat malien ainsi que la quasi-totalité du nord du pays ;
Dans le cadre des relations militaires entre le Mali et la France, cette dernière a mis fin le 13 juillet 2014 à l’opération française Serval, qui a été remplacée par l’opération française ‘’Barkhane’’, plus large de lutte contre le terrorisme au Sahel, qui a mobilisé des milliers de militaires français dans le cadre du nouvel accord de coopération de défense signé le 14 juillet 2014 entre les deux Etats. Cet accord instaure de fait la tutelle honteuse des militaires français sur l’armée malienne qui est encadrée par des détachements militaires français. En outre, la France a pu obtenir du Mali et des Nations-Unies que Barkhane agisse indépendamment de la MINUSMA sur le territoire malien si bien que le peuple malien qui est censé être protégé par ces forces étrangères ne sait pas ce que Barkhane fait exactement dans le nord où l’insécurité et le terrorisme armé n’ont pas été réduits ; la seule garantie dans cette zone reste le fusil.
L’Accord d’Alger signé est difficilement applicable d’autant plus qu’il n’a fait l’objet d’aucun contrôle juridique démocratique (de la part de la Cour Constitutionnelle par exemple) et que la loi du 30 mars 2016 organisant les autorités intérimaires de cet accord n’était pas conforme aux dispositions de la constitution du 25 février 1992, leurs membres étant nommés sans existence légale et non pas élus, le pouvoir local et régional étant désormais dévolu aux groupes armés avant leur cantonnement. Cet accord n’a de surcroît fait l’objet d’aucune consultation du peuple malien ;
Pour sauver le Mali, il y’a ainsi lieu de soutenir tous les mouvements politiques des dernières semaines contre l’accord d’Alger, qui vise à la partition du pays, notamment quand il accorde des quotas dans la fonction publique aux ressortissants du nord et dans le recrutement au sein des forces armées et de sécurité au nord, ceci se traduisant par une « ethnisation » et une régionalisation de l’armée nationale, qui sont contraires aux dispositions de la constitution de 1992.
Au regard de toutes ces difficultés, la meilleure porte de sortie doit être une démission, avant la révolution populaire prônée par le Président du SADI. Un conseil dit qu’il faut savoir quitter la table à temps avant qu’elle ne soit renversée.
Badou S KOBA
Source : Le Carrefour