Après plus de 18 mois de transition, il est à présent possible de tirer le bilan et même de faire de la prospective. Le bilan des 20 derniers mois est très mitigé. Les promesses faites aux maliens sont loin d’être toutes respectées. La sécurité, le retour de l’ordre constitutionnel et la prospérité promise tardent à venir.
S’agissant d’abord de la sécurité, si la montée en puissance des FAMAS auréole la politique menée depuis le « Coup de réglage », les meurtres en date de nos braves soldats viennent semer le doute. En effet, on peut douter de la capacité à maintenir la sécurité dans les zones conquises. Le fait que les attaques ont lieu aux mêmes endroits, après que les FAMAS aient pris possession soulève de nombreuses interrogations. Le dernier exemple en date, l’attaque de Mondoro (pour une unième fois) ne s’explique pas. Ce n’est pas tant l’attaque qui surprend mais le nombre de morts étant donné que le site devait être classé à haut risque après avoir été maintes fois la cible d’attaques terroristes.
Toutefois, nous ne pouvons que nous incliner devant les sacrifices consentis par nos FAMAS. Nous leur sommes reconnaissants d’être débout sur les remparts et de nous permettre de dormir tranquillement à Bamako. Nous ne questionnons donc pas leur engagement et leur patriotisme mais nous nous inquiétons de l’efficacité relative des mesures de sécurisation. Sont-elles à la hauteur des risques ? Sont-elles adaptées ? Compte tenue de la détermination des bandits armés, ne faudrait-il pas changer de stratégie ?
Toutes ces interrogations, et surtout la récurrence de risques non anticipés d’agression ne permettent pas de faire un pronostic serein. Cette guerre, et donc l’insécurité grandissante dans certaines zones, pourrait bien persister et devenir chronique si le peuple malien reste dans l’immobilisme. Il est grand temps que les civils soient mis à contribution. Ils ne peuvent plus se contenter d’applaudir les quelques victoires remportées par les FAMAS.
Les autorités de la Transition se tuent à la tâche et les FAMAS livrent des batailles sanglantes pour l’honneur et la survie de la patrie. Le soutien indéfectible et la reconnaissance des maliens leur sont acquis mais ne suffisent plus. Les populations des zones à risque doivent mener une veille patriotique dans la perspective de soutenir d’avantage le travail acharné de nos soldats, notamment en fournissant des renseignements permettant d’anticiper, les mouvements des troupes de l’ennemi. L’information et l’argent sont les nerfs de la guerre. Les populations locales ne peuvent plus demeurer dans l’inaction et l’indifférence. Elles doivent creuser leurs tranchées et constituer une barricade invisible tout en demeurant vigilantes. Le mal ne peut prospérer qu’en raison de l’inaction du bien. Chacun doit se sentir concerné par la tempête qui menace.
Au-delà de ce plaidoyer pour une plus grande implication des populations dans la lutte contre le terrorisme, il nous faut exhorter le pouvoir en place à plus d’empressement pour le retour de l’ordre constitutionnel. La division du travail est une science qui doit être mise en œuvre dans la gestion de l’État. C’est d’ailleurs le choix qui a été fait par le Constituant de 92. Si cette division n’est pas respectée, la confusion des tâches entre des mains inexpertes ne peut qu’amoindrir les perspectives d’un redressement du pays.
Il faut donc laisser au peuple malien le choix et la possibilité de sanctionner les politiciens. Les meilleurs d’entre eux seront portés au pouvoir conformément aux prescriptions de la Loi fondamentale. Une confiscation du pouvoir, contraire au droit constitutionnel, ne permettrait pas de désamorcer les mines qu’elle est susceptible d’engendrer.
Enfin, en se focalisant sur la défense et la sécurisation du territoire national, l’armée, dont les efforts actuels sont appréciés à leur juste valeur, augmenterait les chances d’une stabilisation pérenne de la paix. Mais les chances d’y parvenir seront toujours minces si elle doit lutter sur plusieurs fronts. Le front civil est en évolution, la classe politique écartée n’ayant pas dit son dernier mot. Et par ailleurs les difficultés d’ordre économique et conjoncturel sont en passe de prendre de l’ampleur. Et cela est d’autant plus vrai que le nouveau partenaire de combat, la Russie, doit faire face à ses propres problèmes. Son économie étant particulièrement affectée par les sanctions internationales, elle aura, à long terme, du mal à être un allié utile. En somme, si les choses vont relativement bien, le terrain ne demeure pas moins miné pour autant, la transition n’ayant qu’un moyen limitée pour sa politique démesurée. Donc à défaut d’avoir tous les moyens de sa politique, il vaut mieux mener que les politiques à sa portée.
Dr DOUGOUNÉ Moussa
Professeur d’enseignement Supérieur
Consultant Formateur auprès des entreprises et des banques
Source : Le Pélican