Au sommet Afrique-France de 2005 à Bamako, la porte-parole de la jeunesse africaine, Marie Tamafo M’Kom, avait averti: «Nous ne voulons plus de déclarations et d’énièmes plans d’actions, mais plutôt des mesures politiques structurées et opérationnelles par les Etats en vue d’améliorer efficacement les conditions de vie de la jeunesse africaine. Si les politiques ne s’occupent pas de la jeunesse, le vent du changement, en contexte démocratique, conduira la jeunesse à s’occuper des politiques afin que les engagements aient un sens».
Quelques parts en Afrique, des cœurs ont tremblé et d’autres ne font que commencer. Les contestations de rue de la jeunesse algérienne débutées, il y a maintenant de cela trois vendredis consécutifs, ont eu raison du président Bouteflika. Ces contestations pour le moins pacifiques ont remporté un succès franc non seulement parce qu’elles ont tué dans l’œuf le désir du président de briguer un cinquième mandat à la tête du pays, mais aussi et surtout, elles ont permis de dénoncer la gestion de la nomenklatura algérienne aux dépens du peuple travailleur d’Algérie.
Certes, des actes hautement patriotiques, Bouteflika en a posés depuis la guerre de libération que le pays a menée contre l’occupant français. Sa victoire éclatante contre le colonialisme français a valu au peuple algérien respect et considération.
Pour autant, tout ne semble pas terminé car si au regard de la loi, l’intérim doit être assuré par le président du Sénat, les contestataires veulent et exigent un homme neuf qui n’a jamais trempé dans la gestion des affaires du pays. C’est dans ce contexte qu’il convient de placer les accrochages des manifestants avec les forces de l’ordre.
En tout cas, la jeunesse algérienne ne veut qu’une seule chose: la mise à l’écart sans restriction aucune de toutes celles et de tous ceux qui ont participé à la gestion des affaires avec les différents régimes Bouteflika.
En tout cas, le cri de cœur du peuple algérien est et demeure : une gestion radicalement nouvelle des affaires de la République par des hommes acquis à la cause des masses laborieuses d’Algérie. Sans être dans le giron du charlatanisme, il est indubitable que désormais en Algérie une page se tourne. Le prix du changement reste à constater.
Si les choses ne sont pas identiques les unes aux autres, les contestations en Algérie et au Soudan ont un dénominateur commun à savoir; la ferme volonté des deux jeunesses de se débarrasser des hommes politiques qui ont œuvré à la désagrégation du tissu socio-économique des deux pays.
Voilà le président soudanais Oumar El Béchir au pouvoir depuis trente (30) ans sauter de son fauteuil de président par une junte militaire commandée par un compagnon de la haute hiérarchie militaire en la personne du ministre de la Défense. Très vite, celui-ci fut rejeté par la rue parce que comptable du macabre bilan de la gestion du président déchu. Un homme du sérail de l’armée soudanaise et adjoint au chef d’état major a pris la tête de la junte et cela pour une transition de deux ans.
Que va-t-il se passer dans les jours à venir au Soudan ? L’on ne saurait s’aventurer davantage. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les jeunesses des deux pays ont exprimé avec détermination leur soif de changement véritable.
Un adage de chez nous affirme qu’«il n’y a jamais deux sans trois». A qui donc le tour ? Certains comparent déjà les mouvements au Mali à ceux d’Algérie et du Soudan. Mais Hegel avait coutume de dire: «Chaque époque, chaque peuple se trouve dans des conditions particulières, forme une situation si particulière que c’est seulement en fonction de cette situation unique qu’il doit se décider. Dans le tumulte des événements du monde une maxime générale est d’aussi peu de secours que de se souvenir des situations analogues qui ont pu se produire dans le passé. Car, un pâle souvenir est sans force dans la tempête qui souffle sur le monde libre et vivant de l’activité.»
Il faut dire que la situation bouillonne vraiment au Mali et cela depuis le premier mandat du président IBK. Pour la petite histoire, il fut contraint de sursoir à sa révision constitutionnelle à un moment où les enseignements et les hommes de santé observaient leurs mots d’ordre de grève. Voilà le même projet de réviser notre Constitution à l’œuvre au moment où les enseignants continuent à marcher pour la satisfaction de leurs doléances.
Mais ce n’est pas tout: une frange du monde musulman est sortie de sa réserve pour demander à IBK de se débarrasser du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, faute de quoi, «il verrait de ses yeux». C’est dans cette optique qu’il convient de rappeler le grand rassemblement du vendredi 5 avril courant à la demande de Mahmoud Dicko.
Il faut signaler que la marée humaine qui a répondu à l’appel de Mahmoud Dicko ne peut se reconnaître en celui-ci mais bien plutôt dans la situation de désastre dans laquelle se trouve aujourd’hui bien de Maliens.
Au moment où nous mettions sous presse, rien n’indique que la grève des enseignants connaîtra un répit, ce lundi 15 avril. Le préavis de vingt-trois (23) jours de grève risque d’entrer en application si rien n’est fait d’ici là.
Sur le front social, l’intervention de l’Assemblée nationale dans la crise sécuritaire et scolaire ne semble pas pour le moment porter fruit. Idem pour la rencontre entre IBK et les notabilités de Bamako, quand bien même des propositions ont été faites.
Pendant ce temps, Mahmoud Dicko et le Chérif de Nioro ne semblent pas baisser les bras. Au regard de l’accumulation des mécontentements au niveau national, il n’y a plus de temps à perdre. Il faut agir vite et sans délai avant qu’il ne soit trop tard. Pour ce faire, l’heure n’est pas aux débats sur la tenue ou non de la révision constitutionnelle.
En vérité, il y a bien d’autres priorités aujourd’hui comme la problématique de l’insécurité dans notre pays, le règlement diligent de la crise que traverse l’école malienne et la gestion de la grogne sociopolitique nationale. Il urge aujourd’hui d’appeler les Maliens à se concerter sur les questions d’intérêt national, priorité après priorité. Ces concertations sont le cadre véritable de règlement de l’imbroglio multidimensionnel dans lequel notre pays se trouve plongé.
Ces concertations doivent être l’occasion de faire un toilettage complet de la scène politique nationale car le peuple en a plus que besoin. Qu’on n’aille pas mettre cela au compte des politiciens criquets qui ont participé ou qui participent à la désagrégation de notre tissu socio-économique national!
Elles sont mieux indiquées pour baisser la tension en vue de taire les rancœurs et ne voir que le Mali et non des intérêts sordides de politiciens affairistes. Ces concertations peuvent servir de parade à des scénarios à la soudanaise ou à l’algérienne à un moment où l’horizon semble se boucher chaque jour davantage pour la grande majorité de la population malienne. Car Dieu seul sait de quoi sera fait demain.
Gouverner c’est savoir anticiper.
Fodé KEITA
Source: Inter De Bamako