Le ministre de la Justice, des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, M. Mamoudou Kassogué a procédé ce lundi 13 janvier 2025 au lancement de la troisième édition de la semaine nationale de la Justice. Pour cette troisième édition, qui se déroulera du 13 au 18 janvier, le thème retenu est « la Justice à l’ère des réformes ».
Ainsi, dans son discours de lancement, le ministre Mamoudou Kassogué a indiqué que la confiance placée en la justice par les plus hautes autorités du pays pour jouer un rôle majeur dans la refondation de Etat a conduit le Département à se donner une vision et un programme dont la mise en œuvre, en trois années d’exercice, a permis à la justice d’amorcer un nouveau virage. Notons que les défis de la justice malienne, en matière de lutte contre la corruption, la délinquance économique et financière, de lutte contre l’impunité, de protection de nos mœurs et de nos valeurs sociales et culturelles, ont amené le Département à engager des réformes qui ont abouti à la création et à l’opérationnalisation du Pôle National Economique et Financier, au Pôle National de Lutte contre la Cybercriminalité, de l’Agence de Recouvrement et de Gestion des Avoirs Saisis ou Confisqués et au Parquet Spécialisé de Lutte contre le Terrorisme et la Criminalité Transnationale Organisée.
Pour le ministre Kassogué, les premiers résultats issus de la mise en œuvre de ces réformes structurelles sont perceptibles, très encourageants et incitent à consolider les acquis pour intensifier la lutte contre ces phénomènes, qui au-delà de leurs conséquences graves pour le développement économique de notre pays, ont été déterminants dans l’avènement de la crise sociopolitique que notre pays connait depuis deux décennies.
Sur ce chapitre, le ministre Kassogué dira qu’il est important de souligner que notre pays s’est doté, pour la première fois depuis l’indépendance, d’un service central dédié à la protection et à la promotion des droits de l’Homme, servant d’interface entre l’Etat et tous les autres acteurs intervenants dans ce domaine, qu’est la Direction Nationale des Droits de l’Homme.
Il y a aussi la création et l’opérationnalisation, pour la première fois, de l’Ecole Nationale de l’Administration Pénitentiaire et de l’Education Surveillée qui devrait renforcer les capacités des fonctionnaires des services pénitentiaires dans ce domaine.
Aussi, dira le ministre, « l’une des tares de notre système de justice pénale, était liée à l’arsenal juridique caractérisé par des vides juridiques, des insuffisances et son anachronisme, expliquant en grande partie la lourdeur, l’inefficacité, la lenteur dans le traitement de dossiers et l’impunité dans certaines matières ». Dans ce domaine soulignera-t-il « des avancées majeures viennent d’être enregistrées avec la promulgation du nouveau Code Pénal et du nouveau Code de Procédure Pénale, deux textes répressifs fondamentaux et générationnels, de portée majeure et historique, qui ont introduit des innovations donnant un nouveau visage à la justice pénale de notre pays ».
« On pourrait dire, qu’à la faveur de ces nouveaux textes, notre pays a expurgé de son dispositif pénal des lacunes et des insuffisances occasionnant, notamment, l’impunité et le sentiment d’impunité. Ainsi, ce qui pouvait être considéré comme un couloir pour l’impunité au profit de certaines catégories de personnes, en matière d’atteintes aux biens publics, est désormais lointain, avec la suppression des privilèges et des immunités en cette matière » a-t-il fait savoir.
De la même manière, poursuivra le ministre Kassogué, « le vide juridique qui favorisait l’impunité pour les personnes morales en matière pénale, est désormais comblé, leur responsabilité pénale pouvant, désormais, être mise en cause afin que justice soit rendue à des victimes de faits qui leur sont imputables.
Aussi, dit-il, l’impunité, jadis générée par le vide juridique et l’insuffisance de la loi, s’agissant de certains comportements socialement condamnables ou contraires à nos valeurs sociales et culturelles, mais ne tombant pas sous le coup de la loi pénale, n’existe plus. Et, face à ce qui était considéré comme une sorte d’impunité pour certaines autorités judiciaires en matière d’abus, de négligences ou d’autres formes de déviance préjudiciables à la qualité du service public de la justice et attentatoires aux droits des justiciables, il a fallu renforcer notre arsenal répressif en y prévoyant de lourdes sanctions dans ce domaine.
2025, année d’implémentation des reformes
Pour le ministre de la Justice, l’année 2025 sera certainement la première année d’implémentation de cette réforme d’envergure juridique dont l’une des innovations majeures est la suppression des cours d’assises, synonymes de fin de calvaire pour les justiciables qui étaient, jadis, soumis à de longues années d’attente pour voir se tenir des procès concernant les affaires criminelles à cause de la lourdeur de cette juridiction.
« Dans les semaines à venir, en lieu et place de cette juridiction supprimée, la justice offrira des chambres criminelles instituées dans les 16 Tribunaux de Grande Instance du pays. C’est également cette lourdeur qui expliquait, en grande partie, la surpopulation carcérale, notamment à Bamako, avec une grande majorité de personnes détenues provisoires par rapport aux personnes définitivement condamnées » indique-t-il.
Entre, expliquera le ministre, « notre programme, conduit avec méthode et pragmatisme, a mis l’accent sur les ressources humaines qui constituent un pan important dans la transformation positive de notre justice en jouant essentiellement sur deux leviers : le recrutement de personnels dans des conditions de crédibilité et de transparence attestées et vérifiables et le changement qualitatif de comportements pour la stricte observance des règles d’éthique et de déontologie par les acteurs judiciaires.
Sur ce volet, on notera avec le ministre que le Département avec le soutien des plus hautes autorités du pays, a écrit, avec une légitime fierté, une des pages les plus glorieuses de la justice malienne. En trois, il a été recruté 316 auditeurs de justice, 240 Greffiers en Chef, 125 fonctionnaires de l’Administration Pénitentiaire et de l’Education Surveillée. A titre illustratif, le nombre d’auditeurs de justice recrutés, en 3 ans, dépasse la moitié des effectifs actuels de magistrats, soit environ 250 magistrats.
Combattre toutes les formes d’abus et de déviances
« La qualité du service public de la justice est fortement tributaire des comportements des acteurs judiciaires. C’est la raison pour laquelle un accent particulier est mis sur le contrôle interne pour que, ceux qui sont chargés de rendre la justice, puissent, eux-mêmes, servir d’exemples aux justiciables devant les juridictions. A ce propos, je voudrais rappeler, opportunément, certains propos tirés de la leçon inaugurale, en 2005, du Juge Kéba MBAYE : « Que ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir et en abusent ou qui se sont enrichis en foulant aux pieds les règles d’éthique se le disent : ils n’inspirent aucun respect aux autres (…). Or le respect de ses concitoyens est le bien le plus précieux du monde » expliquera le ministre.
« Face à cette situation, je voudrais réaffirmer, ici, ma détermination et mon engagement ferme à combattre toutes les formes d’abus et de déviances dans l’accomplissement du service public de la justice, quel que soit l’auteur, quelle que soit la corporation, quel que soit le niveau de responsabilité, ou quelle que soit la matière » a-t-il ajouté.
Pour lui, une attention particulière et un traitement adéquat seront toujours accordés aux dénonciations et aux observations des justiciables à travers le numéro vert gratuit « Binkani Kunafoni » installé au niveau de l’Inspection des Services Judiciaires.
« Je voudrais également donner l’assurance que le contrôle interne, à travers l’Inspection des Services Judiciaires, va s’intensifier pour scruter et débusquer les comportements déviants et attentatoires aux droits des justiciables. J’ose espérer que la réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature, avec l’ouverture de cette importante institution à des membres non magistrats, permettra de tirer, de façon efficace, toutes les conséquences de droit, à des comportements violant les règles déontologiques qui lui seront soumis » martèle-t-il.
Enfin, dit-il, « je voudrais faire mention, avec un réel optimisme, de la grande et légitime ambition qui nous anime pour moderniser l’appareil judiciaire pour une bonne administration et distribution de la justice, à travers la dématérialisation des services judiciaires. En effet, les nombreux avantages qu’offre le numérique ne sauraient laisser, en marge la justice de notre pays, fortement handicapé par le faible niveau d’accessibilité pour diverses raisons ».
Pour lui, la bonne nouvelle, pour l’institution judiciaire notamment, c’est la disponibilité d’un logiciel, presque déjà prêt, conçu par l’AGETIC en collaboration avec les acteurs judiciaires et les informaticiens du Département, qui sera déployé, dans les semaines voire mois à venir, pour le traitement informatisé des dossiers judiciaires, chaine civile, chaine pénale, casier judiciaire, certificat de nationale, avec une interconnexion de l’ensemble des services judiciaires.
Aussi, dans la même dynamique de modernisation, des réformes structurelles et organisationnelles se poursuivront pour adapter l’organisation des services et améliorer la qualité du service public de la justice. C’est dans ce cadre que la création de Directions Générales en lieu et place de Directions Nationales est envisagée.
« Le financement des travaux et l’équipement de la Maison de l’Avocat, pour plus d’un milliard de francs CFA, le soutien à la Magistrature malienne pour son rayonnement sur la scène africaine et internationale, la construction et la mise à disposition de six Maisons d’astreinte pour l’Administration Pénitentiaire et de l’Education Surveillée, sont également autant de faits concrets et illustratifs du soutien du Président de la Transition, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature » a-t-il fait savoir.
Aussi, dira le ministre Kassogué, le Président de la Transition, vient d’instruire l’institution du prix de l’intégrité judiciaire « Feu Daniel A. TESSOUGUE » dont les modalités et les critères d’attribution feront l’objet de précisions ultérieurement. Dans le même ordre, il a donné des orientations pour la création de la médaille de mérite de la justice.
Dieudonné Tembely/L’Evènement