Le président de la transition sur le terrain humanitaire : Les Maliens divisés sur l’opportunité des œuvres d’Assimi Goïta

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Un forage réalisé par le président de la Transition
Un forage réalisé par le président de la Transition

Lors de son investiture, le colonel Assimi Goïta, président de la Transition, avait promis  de consacrer les 2/3 de son fonds de souveraineté aux œuvres sociales. Aux yeux de certains citoyens,  la matérialisation de ces actions a manqué de procédure. Pour d’autres, ces œuvres ne sont pas  prioritaires, surtout en cette période d’insécurité. A travers un micro-trottoir,  nous avons voulons savoir les avis des Maliens sur  la nécessité de  continuer de faire des forages à proximité  de Bamako.

En amont, une commission devait être mise en place pour faire respecter la procédure de passation des marchés et d’autres procédures, non seulement concernant ce volet, mais aussi pour les autres volets. Cela allait permettre de connaître au moins la traçabilité de ces fonds. Et en aval, mettre en place une commission ou charger une structure qui aura pour tâche de faire le suivi et le contrôle de ces œuvres pour qu’elles continuent de servir les citoyens. N’est-ce pas une rupture avec la mauvaise gouvernance que le peuple a tant souhaitée ?

En effet, cette promesse  qui concerne le volet eau est à sa 33ème réalisation, à travers l’inauguration de trois châteaux d’eau au profit des populations du Point-G, de Diogare et de Banankoro, le mardi 24 août dernier. Elle  est perçue pour certains comme une campagne déguisée car pour eux, ces châteaux sont plus utiles dans les zones les plus reculées où l’eau est très prisée. Pour d’autres, ce n’est pas la priorité et l’initiative a manqué de procédure car ces fonds peuvent faire l’objet de détournement puisse qu’il est géré par son entourage et ces derniers peuvent choisir les localités par affinité. Beaucoup de citoyens estiment que ces fonds devaient être gérés par une structure mise en place pour la cause et qui pouvait faire l’objet de vérification. Une structure qui allait respecter toutes les procédures en la matière. Mieux, dégager les priorités selon les besoins exprimés par les citoyens.

Il n’y a-t-il pas eu vice de procédure en la matière, vu que c’est le fonds de l’Etat?

Faut-il continuer à faire des forages à proximité de Bamako ou réorienter ces fonds pour aider les militaires au front ? Que pensent les citoyens?

«Offrir de l’eau, c’est comme offrir de la vie. Donc, que le président de la transition continue à faire des puits dans les campagnes n’est pas une mauvaise chose. Le fonds  utilisé pour cela provient des 2/3 du fonds de souveraineté du président de la transition, avec son accord. Et c’est un acte social qu’il ne faut pas confondre avec l’aide aux militaires. Car ce fonds du président de la transition est très minime par rapport au budget colossal que la défense reçoit pour équiper et soutenir l’armée. Le ministère de la Défense reçoit le plus gros budget de l’Etat. Tout dernièrement, la loi de la programmation militaire nous a coûté 1230 milliards ; un fonds qui a été volés par ceux-là qui étaient en charge de son bon usage. Je pense que si les fonds alloués à l’armée malienne sont utilisés à bon escient, nous ne serons pas là à nous poser cette question par rapport aux œuvres sociales du président de la transition colonel Assimi Goïta. L’acte que le président de la transition est en train de poser est un acte social qui mérite d’être encouragé et ne doit pas être comparé aux soutiens à notre armée. La question qu’on doit se poser aujourd’hui, c’est de demander à ce que lumière soit faite très rapidement sur les 1230 milliards de la programmation militaire  qui ont été détournés par certains cadres de l’armée et certains opérateurs économiques. Il y a assez de fonds pour l’armée, mais qui ne sont pas utilisés à bon escient.  Il faut qu’on arrête la corruption au sein de l’armée, il faut mettre fin aux généraux et officiers milliardaires. L’armée est la souveraineté d’une nation et on ne doit en aucun cas plaisanter avec cela. Il n’y a pas un pays souverain sans une armée forte et une armée ne peut pas fonctionner avec la corruption. Il faut que les autorités de la transition fassent tout  pour bancariser les militaires. Car  c’est à ce niveau que certains responsables de cette structure profitent pour faire leur magouille»,  analyse Kalil Sarmoye Cissé,  président de la Cmas de l’Imam Mamoud Dicko de la commune VI.

Pour Thierno Bah, activiste et membre du parti ADP-Maliba, on devrait plutôt réorienter ce fonds vers d’autres axes prioritaires. Par exemple, ce fonds pouvait être mobilisé pour lutter contre la faim, soutenir les réfugiés, promouvoir la paix et le vivre ensemble et même pour soutenir davantage l’armée etc.
Bref, je suis d’avis qu’on réoriente ce fonds pour continuer à soutenir davantage l’armée.
Cheknito, artiste comédien, pense plutôt qu’il faut mettre un comité de suivi sur la construction de ces puits pour éviter des cas de détournements.

« Ce projet est une très bonne initiative car les populations surtout celles environnantes ont cruellement besoin d’eau. Par rapport à la question, s’il faut réorienter ce fonds pour aider l’armée, je pense que ce n’est pas nécessaire. Déjà il y a des milliards qui sont éjectés pour l’armée. Nous voyons comment ces milliards sont utilisés. Les nouvelles en cours dans le pays confirment cet état de fait. S’ils mettent ce fonds à la disposition de l’armée, est-ce que ça ne sera pas le même cas encore ? Bref, moi je préfère voir les populations bénéficier de ce fonds à travers la construction de ces forages. Je suggère seulement de mettre un comité de suivi sur la construction de ces puits pour éviter des cas de détournements et malversations dans la gestion de ce fonds », sougne-t-il.
Kaou Abdrahamane Diallo est le secrétaire à la communication du Pacp et membre du M5-RFP. Pour lui, cela aurait été mieux si l’acte était imité par les membres du gouvernement de la transition. « Je crois que c’est la première fois qu’un Président du pays oriente une partie de son fonds de souveraineté dans la réalisation d’œuvres sociales. La gestion de ce fonds a toujours été floue. Avant Assimi, la question ne s’était jamais posée. Moi je pense que c’est une très bonne initiative. Les autorités sont tellement bien traitées par l’Etat que lorsque le Président décide de ne pas toucher une partie de son fonds de souveraineté. Surtout si cette somme est orientée dans la satisfaction des mesures d’urgences sociales. C’est donc une bonne chose qui est à saluer et à féliciter. Ça aurait été mieux si l’acte était imité par les membres du gouvernement de la transition. Mais ils ne l’ont pas fait. Le Président devrait exiger à ce que le CNT et les membres du gouvernement en fassent autant. Mais qu’à cela tienne, ce que lui il a fait est un grand pas. Pour ce qui est de la question d’affecter ce fonds à l’armée ou continuer avec ce programme de construction des forages, je pense qu’il y a suffisamment de fonds dédiés à l’armée. Par exemple, cette année on a à peu près plus de 23% de notre budget national consacré à l’armée. Et je pense que c’est deux choses différentes. Le Président de la Transition a juste voulu faire un geste social. Ce sont des mesures qui peuvent faire du boom dans le cœur des populations. Le Président de la transition peut continuer avec ce projet. De toutes les façons, chaque forage construit contribue à étancher la soif des Maliens », tranche-t-il.
Pour sa part, Daouda Kinda, Analyste sécuritaire, estime que ce travail devrait faire l’objet d’une politique générale nationale confiée à une structure administrative dédiée à cet effet. Une structure qui fera usage des procédures normales de passation des marchés de forages, qui déterminera, après études, les populations prioritaires, et qui établira un suivi et un entretien desdits forages pour qu’ils soient rentables et durables. Ce serait aussi facile pour les organes de contrôle et la justice de contrôler les activités financières d’une telle activité pour éviter les cas de manquement à l’orthodoxie budgétaire. Ce qui est quasiment impossible avec la présidence occupée par un militaire pendant une période exceptionnelle. Ces activités du président de la transition sont une porte ouverte aux gabegies et malversations financières et encouragent « la personnification du poste du chef de l’Etat » et le culte de la personnalité au sommet de l’Etat. Il est tant qu’Assimi se ressaisisse ! L’eau potable est un droit fondamental. On ne peut pas s’empêcher de l’offrir aux populations sous prétexte du financement de l’armée qui constitue près de 40% du budget national déjà. Il ne faut pas oublier que les familles des soldats boivent de l’eau à Bamako ici aussi.

Pour Dramane Konaté, gestionnaire, «ces forages sont la preuve de l’engagement du Président de la Transition à atténuer la souffrance des populations maliennes. À travers ces réalisations, ces populations se trouvent plus que jamais soulagées du calvaire de la pénurie d’eau, surtout en saison chaude. La promesse est tenue, et surtout la diligence dans la mise en œuvre.  Vous savez, le risque zéro n’existe nul part dans le monde, en matière de sécurité. Il faut poursuivre avec ces œuvres sociales aussi car, c’est aussi une manière de combattre l’insécurité.

Le peuple veut une transition réussie, apaisée et consensuelle. Il faut  une union sacrée autour du Mali. Vous savez, on a beau aidé  l’armée tant que  nous resterons divisés, on n’aura jamais la sécurité. Il faut  conjuguer les efforts des forces politiques et sociales  pour relever les défis. C’est cette démarche qui est entamée aujourd’hui».

De l’avis d’Assitan Mariko, secrétaire de son état, c’est un rêve qui se réalise pour les bénéficiaires, pour qui connait la difficile accessibilité des populations aux points d’eau.  Cette initiative, relève de l’engagement du Président de la Transition à renoncer aux deux tiers 2/3) de son fonds de souveraineté pour les consacrer aux œuvres sociales et sanitaires envers les populations, croit-elle savoir. Sur le plan de la gestion de la crise sécuritaire du pays, on a vu des avancées mineures. On a assisté à une ouverture plus prononcée à un dialogue local avec les djihadistes. Les autorités maliennes ont pu, grâce à des négociations, faire lever ce blocus. Mais ce sont des avancées extrêmement fragiles puisque ça n’empêche pas l’armée de continuer à se faire attaquer».

Demba Traoré, juriste, trouve que les œuvres sociales sont une bonne chose, mais la gestion solitaire des affaires courantes de l’Etat ne pourrait s’éterniser. « Je pense que face à la crise multidimensionnelle que traverse notre pays, aucune force d’isolement ne saurait relever les défis. Cette stratégie n’est pas tout à fait inclusive dans le sens ou ça va mettre de côté une autre partie du spectre politique, mais c’est une des cartes qu’il reste à Assimi Goïta pour affirmer que ce n’est pas juste une prise en main du pouvoir des militaires, mais établir la sécurité sur  l’ensemble du territoire », estime M. Traoré.

Du point de vue de Moulaye Haïdara, tapissier, on a eu des réussites éparses, mais il n’y a pas d’amélioration notable. « Il faut mettre tous les moyens possibles pour aider les FAMa à sécuriser les populations et leurs biens. C’est ce qui doit être la priorité des priorités, après les œuvres sociales suivront. Et pour ce faire, il faut faire appel à tous les fils du pays ; c’est ensemble que nous pouvons. La gestion du pays ne peut pas se résumer à ceux qui ont des armes et ceux qui sont sortis pour prendre la rue. Nous devons surveiller cette transition comme du lait sur le feu. Aujourd’hui, on n’a jamais eu autant de déplacés internes au Mali.  C’est un aspect de la crise malienne qui passe un peu aux oubliettes. Cela n’a pas l’air d’être une priorité absolue de ceux qui s’écharpent à Bamako pour des parcelles de pouvoir», déplore-t-il.

Lamine Maïga est blanchisseur à Sokorodji. Pour lui, l’argent du Président de la transition devait servir à aider nos militaires qui se battent nuit et jour pour que les citoyens que nous sommes aspirent à vivre  tranquillement. Aider les militaires qui se battent au front pour  que nous puissions dormir tranquillement passe d’abord, avant de songer à lutter contre la pauvreté. Il faut que la population soit en sécurité d’abord avant de penser à venir en aide aux pauvres. Aucun sacrifice n’est de trop pour  nos militaires qui se battent au front. L’argent du président de la transition devrait leur être destiné avant toute autre chose.

Source : Le Tjikan

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