Le nord du Mali rejoint son niveau d’avant 2012 en matière de circulation de la drogue. En tout cas, c’est ce qui ressort d’une étude de l’ENACT « Le trafic de drogue dans le nord du Mali : un équilibre criminel tenu». Selon cette source, le nord du Mali « continue d’être une zone de transit pour les réseaux régionaux et mondiaux de trafic de drogue transportant de la cocaïne et de la résine de cannabis ».
Les crises politiques de ces dernières années n’auraient pas réussi à estomper le trafic de la drogue dans le nord du Mali. Dans cette région, qui se trouve au cœur d’une véritable concurrence entre divers groupes armés rivaux, le trafic de la drogue ne connait point de déclin, explique l’ENACT.
Pourtant, cette pratique est également une source d’alimentation des conflits locaux et régionaux, souligne-t-on. Car les routes ainsi que les principales plaques tournantes finissent par devenir objet de concurrence entre les divers groupes armés évoluant dans cette zone. Toute chose qui ne peut qu’alimenter les violences entre ces groupes armés qui « participent à la poursuite de la paix en cours », explique-t-on dans cette étude publiée en anglais au cours de ce mois de septembre 2020. Dans un rapport de Crisis group, publié en 2018, on peut lire également : « La plupart des groupes armés du Nord dépendent financièrement et logistiquement du narcotrafic, qui leur permet notamment d’acquérir des armes et des véhicules. »
Faut-il également rappeler que l’argent sale issu du commerce de la drogue peut servir de moyen, pour les groupes armés, de se procurer de nouveaux équipements de combat ainsi que pour le recrutement de jeunes afin d’agrandir leur rang et étendre leur projet de déstabilisation des frontières. En plus de tous ces aspects, les trafiquants de drogue ont su se trouver un véritable compromis avec les communautés locales, explique-t-on. L’argent issu du commerce de la drogue est souvent investi dans des activités économiques locales, pour la construction de mosquées ou pour l’organisation d’événements culturels et sportifs, précise-t-on.
Cette situation ne favorise pas la mise en œuvre du processus de paix et pourrait compromettre par la suite le développement d’institutions durables, explique-t-on dans le rapport.
Le drame est que les solutions que possèdent nos États pour lutter contre ce phénomène sont fortement dépassées par les réalités du terrain. C’est ce qui amène l’ENACT à expliquer que « les options dont disposent la communauté internationale et le gouvernement malien pour lutter contre le trafic de drogue ont considérablement changé ». Des options qui restent d’ailleurs limitées. Cette étude fait remarquer que certaines réponses pourraient devenir contre-productives.
Étant donné que la drogue n’est ni produite ni consommée en grande quantité au Mali, cette étude de l’ENACT montre la nécessité de déployer plus d’efforts dans la lutte contre le trafic de ce stupéfiant dans ce pays de transit. Cette lutte doit concerner d’autres parties de la chaîne d’approvisionnement, souligne-t-on. Selon cette étude, un plus grand contrôle des premiers points d’entrée de ces stupéfiants sur le continent africain pourrait permettre de réduire le rôle du Mali en tant que pays de transit. La lutte contre ce phénomène passe également par le partage et la coordination des renseignements entre les gouvernements régionaux, explique-t-on. Pour sa part, le Crisis group invite à « soutenir des mécanismes de régulation allant du dialogue local aux sanctions, pour permettre aux parties prenantes de s’entendre sur les conditions d’une démilitarisation du narcotrafic au nord du Mali ».
La circulation de la drogue est un véritable danger sécuritaire et sanitaire pour nos États.
Fousseni Togola
Source : Le Pays