Les répercussions possibles des sanctions contre le Mali

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La junte au pouvoir au Mali ne reconnaît pas la légitimé des sanctions prises par la Cédéao et l’Uemoa. Bamako pourrait réorienter donc ses alliances et s’émanciper de ces institutions.

La junte malienne réagit aux sanctions prises par la Cédéao et l’UEMOA qui imposent une fermeture des frontières et un embargo sur le pays. Les autorités de Bamako condamnent ces sanctions, dénoncent une mainmise de “puissances extrarégionales aux desseins inavoués” derrière ces décisions et ont pris des mesures réciproques contre les pays membres de la Cédéao.

Une ouverture historique à la sous-région
La diplomatie malienne reposait depuis sa rupture avec le Sénégal en 1960 sur des relations étroites avec ses voisins de la sous-région. Depuis le premier régime d’Amadou Toumani Touré au début des années 1990, le Mali avait fait de la connexion aux ports ouest-africains une priorité.

Ahmedou Ould Abdallah, diplomate mauritanien et président du Centre pour la stratégie et la sécurité dans le Sahel Sahara (Centre4S) à Nouakchott, explique que “c’est surtout sous la présidence d’Amadou Toumani Touré [dans les années 1990] qu’il avait été décidé de faire de l’ouverture de la connexion avec tous les voisins une priorité”. Il précise qu’il ne s’agissait alors “pas seulement du chemin de fer Dakar-Bamako, qui d’ailleurs ne fonctionne plus, ou la route Abidjan-Bamako : Le régime militaire d’ATT puis, plus tard son régime civil, ont ouvert le pays à tous les ports de la région : Conakry, Lomé, à côté d’Accra et Cotonou, plus Nouakchott bien entendu. Donc le Mali est connecté à tous les ports d’Afrique de l’Ouest.”

Détermination du gouvernement malien
Depuis les coups d’Etat d’août 2020 et mars 2021, la donne a changé et les négociations avec Bamako risquent d’être âpres, estime Ahmedou Ould Abdallah : “Devant la détermination du pouvoir malien, il est permis de penser que la négociation sera très dure ou très longue. C’est un gouvernement qui a démontré qu’il a une ligne de conduite, certains parlent de stratégie. Je ne les vois pas céder du jour au lendemain sans négociations. Ils semblent avoir des relations, avoir réfléchi.”

Ahmedou Ould Abdallah se demande si les nouvelles sanctions ne vont pas même apporter de l’eau au moulin de ceux qui voudraient que le Mali ressorte de la zone du franc CFA, comme il l’avait fait dans les années 1960.

Les effets sur les familles
L’embargo de la Cédéao ne vise pas les produits alimentaires et les médicaments. Malgré tout, les sanctions risquent de faire mal aux Maliens qui vivent de l’économie locale.

“Quand il y a sanctions, cela veut dire hausse des prix, commerce clandestin et des tas d’activité qui n’aident pas les populations mais les spéculateurs”, déclare Ahmedou Ould Abdallah. “On peut espérer une solution rapide pour les économies de la sous-région mais surtout pour la population malienne, dans un pays enclavé.”

L’opposition politique au Mali espère que les sanctions vont accentuer la pression sur les militaires pour organiser les élections.

Soutien de la population à la junte
Grit Lenz, coordinatrice de l’organisation Fokus Sahel, pense que, paradoxalement, ces sanctions pourraient renforcer la popularité de la junte. Selon elle, “une majorité de la population malienne soutient la décision des autorités actuelles de ne pas se plier aux exigences de la Cédéao et de la communauté internationale et de ne pas organiser rapidement les élections”.

“A mon avis, poursuit-elle, s’il y a des protestations, elles seront plutôt tournées contre la Cédéao et ces sanctions risquent de renforcer le sentiment anti-occidental qui est déjà très fort au Mali. Pour ce qui est de la sécurité et de la défense, le Mali a déjà scellé de nouvelles alliances avec des pays comme la Turquie ou la Russie et, dans ce domaine, il n’est pas dépendant de la Cédéao.”

Bazoum se démarque
Grit Lenz souligne par ailleurs que tous les Etats membres de la Cédéao ne parlent pas d’une même voix. Elle en veut pour preuve les déclarations du président du Niger, Mohamed Bazoum, qui a dès hier [09.01] pris ses distances avec la décision de fermer les frontières, car cette mesure n’est pas prévue dans les statuts de la Cédéao.

Ahmedou Ould Abdallah pense quant à lui que la mobilisation derrière le gouvernement malien tiendra mais à condition que les sanctions ne soient pas maintenues trop longtemps.

Il rappelle ainsi que dans les années 1960, les sanctions prises contre le Mali avaient provoqué de grandes vagues d’émigration vers la Côte d’Ivoire ou la France. Il espère que les sanctions seront donc régulièrement réévaluées pour les ajuster au degré de coopération réel du gouvernement malien, afin d’épargner les civils.

Et l’Allemagne dans tout cela ?
L’organisation allemande Fokus Sahel espère par ailleurs que le nouveau gouvernement allemand va mettre en place, vis-à-vis du Mali, une politique plus indépendante de la France que celle du gouvernement Merkel, et que le dialogue avec la société civile sera maintenu pour l’accompagner durant la transition.

Source: https://www.dw.com/

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