Cher grand-père, je t’envoie cette 62ème lettre. Cette fois-ci, cher grand-père, ma lettre est confidentielle. Elle n’est pas un recours gracieux ni un secret de Défense mais elle doit rester confidentielle. En aucun cas elle ne doit se retrouver sur les réseaux sociaux et si cela se passe, ce serait une violation de loi. Il y’aura des poursuites. Un Etat n’est pas un village.
Cher grand-père, j’ai la triste nouvelle de te dire que je suis très triste. Oui grand-père, disons-nous que le Mali est désormais orphelin de père. Oui ! Grand-père, si ceux qui doivent être des médiateurs sont presque tous devenus des acteurs, qui pour être le repère ou la référence. Qui pour dire Non ? Nostalgique, je suis !
Oui cher grand-père ! Je suis nostalgique du grand Maliba des grands dialogues. Du grand Maliba de Kuru Kan Fuga, du Toguna, de Benbèrè et du Guèlè. Sans oublier les grandes discussions fermées aux non-initiés du Kômô. Ce cercle fermé où les grandes décisions étaient prises dans les plus grands secrets et serments. Je suis nostalgique de l’esprit éclectique du Kômô et l’intuition divine de nos cauris et nos géomancies. Nostalgique de ces grandes épopées des grandes concertations, où tout le monde n’avait pas la parole car tout n’était pas à dire.
Oui cher grand-père, je suis nostalgique à voir que le dialogue a échoué à Kidal. Il a échoué au Centre et au Sud, il peine à servir. Le Mali n’arrive à unir ses filles et fils. Les Sudistes et les Nordistes s’affrontent, les Peulhs et les Dogons se donnent la mort et aujourd’hui c’est l’opposition et le pouvoir qui veulent danser leur part de crise. Ça suffit ! Ça suffit ! Trop de sang malien a coulé sous des noms différents, Touaregs, Bozos, Dogons, Peulhs, FAMa, Nordiste, Sudistes… Ça suffit aucun Malien ne doit mourir encore ! Allons au dialogue !
Cher grand-père, même si l’histoire n’a pas sciemment révélé, nous devons tous savoir que Soundjata avait son fort dans l’écoute et son ouverture d’esprit. Sa victoire fut de savoir rassembler, de consulter et de concéder. Soundjata, des grandes libertés et du respect. Le premier constitutionnaliste de l’Afrique sans abus ni excès. Questionnons l’histoire, nous y retrouverons les réponses adéquates à nos problèmes. Les fils et les petits des grands héros doivent savoir se retrouver autour de l’essentiel le Mali.
Cher grand-père, je te souhaite une bonne fête de Tabaski et à tout le village, ma grand-mère et mes oncles. Je vais aussi faire une trêve en attendant que nous digérons nos moutons et Inch’Allah à un de ces mardis avec un Mali sans Covid ni 5 ni 19. Un Mali calme où tout le monde vague à ses besognes sans couvre-feu ni insécurité. Inch’Allah !
Lettre de Koureichy
Source : Mali Tribune